Ce spectacle1 s'est voulu fidèle. Fidèle surtout à ce qui a inspiré Ursula Mascaras2, à savoir la vie des très pauvres et la vie difficile des enfants très pauvres. Fidèle enfin à l’esprit du Mouvement ATD Quart Monde qui agit auprès de ces enfants, auprès de leurs parents.
On pouvait craindre qu’une deuxième lecture - une interprétation - n’affadisse le propos … Mais non, tout l’art de l’auteur-acteur principal est dans le respect de l’essentiel et dans le respect du détail…Et tout l’art réside dans le fait que ce n’est pas une transposition linéaire. On sent tout au long du spectacle que Denis Lefrançois y a mis de son âme, de son cœur, de ce qu’il connaît peut-être de la misère… Il est engagé … Mais il est dégagé d’un discours bien - pensant. Rien n’est pire en effet que ces livres ou ces spectacles sur les pauvres, qui disent en filigrane : « Voyez ce que moi, j’ai fait pour les pauvres, voyez ce que j’ai consenti comme sacrifice ». Là, pas de regard surplombant, l’identification à un gamin de dix ans - Manuel - marche, et fonctionne très bien… Denis Lefrançois court, saute, sourit, s’attriste, s’inquiète, espère, s’interroge, se fâche, comme un vrai gamin de dix ans. Denis Lefrançois est dans sa tête, dans son cœur, un enfant…, comme Flore Vanier-Moreau est totalement dans le rôle de la sœur très responsable. C’est ce qui rend la pièce crédible.
Kévin est moins convaincant mais Milo lui, l’est absolument… alors qu’il s’agit du même acteur Anthony Cantin … Sans doute est-il plus difficile d’incarner un méchant qu’un gentil !
Les adultes : Monsieur Bauer (Bruno Bachot) l’instituteur criant de vérité lui aussi - comme s’il était là dans son premier métier -, le père (Aristide Legrand) accablé par les difficultés ; Térésa (la bénévole chargée de la bibliothèque de rue, (Brigitte Belle) est moins pétillante, car précisément elle est dans un rôle critique et plus délicat : celui de l’intervenant extérieur avec toutes les difficultés inhérentes à ce rôle. Son âge la rend consciente de tous les dangers qui … et c’est très juste là aussi…
Madame le Maire (Brigitte Belle) avait mis son écharpe dans le mauvais sens …Etait-ce pour souligner la caricature du personnage ? (Caricature excellente par ailleurs !)
La mise en scène que l’on doit à l’auteur et à Fanny Vambacas ne laisse rien au hasard, tout est bien pensé : les lumières (de Vincent Lemoine), la musique (de Matthieu Devaux), les moments où l’enfant s’adresse directement au public « entre parenthèse » sont bien trouvés et émouvants.
Un beau spectacle, ludique et profond. Il parle de l’humanité simplement. Spectacle à proposer aux enfants et aux adultes qui ont envie de se divertir et de se poser des questions.