Esclaves d’hier et d’aujourd’hui

Martine Hosselet-Herbignat

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Martine Hosselet-Herbignat, « Esclaves d’hier et d’aujourd’hui », Revue Quart Monde [Online], 233 | 2015/1, Online since 31 May 2020, connection on 28 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6082

S’il est un dossier dont la lecture introduit dans un univers qui saisit aux entrailles, c’est bien celui de ce numéro, qui - sans avoir les moyens de remonter aux périodes antique et moyenâgeuse - aborde l’existence, hier comme aujourd’hui, de la pratique de l’esclavage.

Dès le 14ème siècle, en Europe orientale, des groupes de familles Roms furent retenus « dans des chaînes et des fers », considérés comme des biens meubles, en un esclavage héréditaire, absolu et mal connu ; la traite négrière se mit en place à partir du 15ème siècle. De nos jours, alors que, selon l’article 4 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948, « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes », l’esclavage persiste.

Travail et mariage forcés ; esclavage sexuel ; asservissement de jeunes enfants, de femmes et d’hommes comme domestiques ; mendicité et prostitution forcées ; esclavage pour dettes ; traite d’êtres humains et de femmes en particulier ; trafic d’organes ; exploitation d’esclaves dans les grandes plantations de café, de cacao, d’hévéa, sans parler des campagnes de stérilisations sponsorisées par les pouvoirs publics… ; la Fondation Walk Free1 révèle dans un rapport récent que l’esclavage moderne est présent dans l’ensemble des 167 pays qu’elle a sondés, plus ou moins développés. Un traitement inhumain et dégradant qui atteint des millions de personnes en situation de grande pauvreté, victimes sans voix et sans défense, et les enferme dans un cercle vicieux qui non seulement ne leur laisse aucun moyen de sortir de la pauvreté, mais les oblige à rester pauvres, impuissantes et exclues afin que d’autres en tirent des bénéfices.

La poursuite, l’exploitation et la persécution des personnes à travers les âges jusqu’à aujourd’hui sont des faits bien établis, pourtant les manuels d’histoire scolaires n’en parlent pas2. C’est une histoire de violence extrême infligée à des personnes qui n’ont pas les moyens d’y résister ; une histoire honteuse pour les pays qui l’ont mise en œuvre, profitant de l’indifférence et du silence des pouvoirs, des gouvernements et des lois qui, par ailleurs, interdisent aujourd’hui sa pratique. Ce n’est que tout récemment que certains États et certaines Églises se sont publiquement repentis de leurs actes.

S’informer, prendre conscience, dénoncer est un premier pas, et nous souhaitons y contribuer par notre dossier. Rien n’étant pire que l’anesthésie du cœur, entretenons avec soin ce « frémissement d’entrailles » salutaire et fraternel qui nous envahit. Appuyons-nous sur lui comme sur un levier pour lutter contre toute violation des droits de l’homme, pour nous associer à tous ceux qui font progresser le respect de la dignité de tout être humain.

1 Voir également la Revue de presse page 55.

2 Voir à ce sujet l’article d’Eric Mesnard, page 34.

1 Voir également la Revue de presse page 55.

2 Voir à ce sujet l’article d’Eric Mesnard, page 34.

Martine Hosselet-Herbignat

Rédactrice-en-chef de la Revue Quart Mode

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