Un avenir sombre pour les droits humains

Rédaction de la Revue Quart Monde

p. 56-59

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Un avenir sombre pour les droits humains », Revue Quart Monde, 234 | 2015/2, 56-59.

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Un avenir sombre pour les droits humains », Revue Quart Monde [En ligne], 234 | 2015/2, mis en ligne le 01 décembre 2015, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6185

Suisse, Dans nos pays, il n’y a que les morts que l’on met sous terre…

À Genève, des demandeurs d’asile, qui vivent dans des abris de la Protection Civile (PC), viennent d’adresser une lettre à l’Hospice général (l’organisme chargé de l’assistance publique) […]

« Nous sommes des requérants d’asile logés dans des bunkers - ou dans des conditions similaires - à Genève : Annevelle, Châtelaine, Alexandre-Gavard. Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous faire part de notre situation car nous ne supportons plus d’habiter dans ces conditions.

Nous venons d’Érythrée, de Syrie, du Soudan... Chez nous, nous avons connu l’emprisonnement, la torture, la guerre. Nous avons fui pour sauver nos vies. La situation politique ne nous permettait plus de rester dans nos pays. Nous avons dû quitter nos familles, nos maisons. Sur la route, nous avons connu de nombreux dangers : nous avons été enfermés dans des camps, nous avons traversé le désert à pied, et finalement la Méditerranée. Beaucoup de nos compatriotes et amis sont morts en chemin. Aujourd’hui, nous sommes en Suisse, ‘terre d’asile’, et nous sommes reconnaissants à ce pays et à ses habitants de nous accueillir. Pourtant ici aussi, on nous empêche de mener une vie digne.

Nous vivons sous terre, entassés, sans fenêtres, sans air, sans soleil, pour certains depuis plus d’une année. Nous avons de gros problèmes d’hygiène, de nourriture et de sommeil, qui altèrent gravement notre santé tant physique que psychique. Les toilettes et les douches sont en nombre totalement insuffisant [...] et, de ce fait, sont la plupart du temps dans un état de propreté déplorable. La promiscuité nous expose sans cesse aux maladies et à la contagion, d’un simple rhume à la grippe intestinale en passant par la gale. Sans parler des punaises de lit. L’air est difficile à respirer. Nous souffrons de problèmes oculaires et de maladies de peau. Nous n’avons pas la possibilité d’avoir accès à des espaces où nous pourrions cuisiner et sommes donc dépendants de la nourriture qui nous est servie : aucun légume frais ; couscous, riz ou spaghetti au quotidien ; nourriture préparée depuis des jours, qui stagne dans les frigos, et qui est parfois avariée quand on nous la sert ; même le pain est souvent dur. La lumière est allumée 24 heures sur 24, nous empêchant de dormir. Tout comme le bruit, la ventilation, le fait que les lits soient connectés entre eux, les ronflements des uns et les cauchemars des autres. Nous n’avons aucune intimité.

Ces conditions d’’accueil’ se répercutent sur notre quotidien dans son ensemble et créent de graves difficultés à différents niveaux. Le manque de sommeil nous épuise et nous fragilise. Nous n’arrivons pas à suivre nos programmes d’intégration ou autres cours de français, qui nous permettraient de créer du lien avec notre société d’accueil. Nous ne pouvons pas non plus voir nos amis car nous ne pouvons pas recevoir de visites. Nous n’avons plus aucune énergie et n’entrevoyons aucune perspective.

Ces conditions de vie nous rappellent les sévices que nous avons subis dans nos pays. Ces traumatismes nous hantent […] Si un incendie se déclarait dans un abri PC, par où pourrions-nous sortir pour échapper aux flammes ? Cet état d’angoisse et de tension permanentes, les difficultés matérielles, la promiscuité, les conditions de vie qui nous sont imposées se cristallisent dans des problèmes intercommunautaires et interpersonnels. La richesse qui devrait découler de la rencontre avec d’autres personnes, d’autres cultures, est rendue impossible par les problèmes de survie qui préoccupent chacun. Ceci est cause de conflits qui ne font que renforcer les tensions. Il nous est impossible de trouver le repos. Beaucoup d’entre nous sont à bout.

Combien de temps pensez-vous que vous tiendriez dans ces conditions ? Avez-vous déjà pénétré dans ces endroits ? Pouvez-vous nous préciser comment l’Hospice « s’engage pour la dignité » quand il nous fait vivre ainsi ? Dans nos pays, il n’y a que les morts que l’on met sous terre.

Nous sommes des êtres humains. Nous avons besoin d’air pur, de soleil, d’espace et de dignité, comme tout le monde. Nous ne pouvons et ne voulons continuer à vivre dans ces conditions. Nous ne savons pas combien de temps nous serons encore capables de les supporter. Nous vous demandons de prendre les mesures urgentes et nécessaires pour y mettre fin. »

(Web : http://blogs.mediapart.fr/blog/jerome-pellissier/300115/dans-nos-pays-il-n-y-que-les-morts-que-l-, 30 janvier 2015)

Amnesty International, Réponse « scandaleuse et inopérante »

Amnesty International (AI) publie son rapport annuel, accompagné de prévisions sur l’évolution de la situation des droits humains en 2015[…]

Elle craint une augmentation du nombre de civils exposés à des exactions commises par des groupes armés, une multiplication des attaques contre la liberté d’expression et une aggravation de la situation humanitaire et de la crise des réfugiés - à moins que la communauté internationale ne revoie entièrement son approche face aux conflits.

Elle demande que soient prises des mesures à l’échelle internationale dans les situations d’atrocités massives, et engage notamment les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies à renoncer à leur droit de veto [...]

« 2014 s’est révélée catastrophique pour des millions de personnes en proie aux violences. La réponse de la communauté internationale aux conflits et aux violations commises par des États et des groupes armés est scandaleuse et inopérante. Face à l’intensification des attaques barbares et de la répression subies par les populations, la communauté internationale s’est montrée absente, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’AI.

« Les Nations unies ont été fondées il y a de cela 70 ans pour que les atrocités de la Seconde Guerre mondiale ne se reproduisent plus jamais. Pourtant, nous sommes aujourd’hui témoins de violences massives et d’une crise sans précédent des réfugiés, dans le sillage de ces violences. Aucun effort n’a singulièrement été déployé pour trouver des solutions effectives aux besoins actuels les plus urgents. »

Les prévisions pour 2015-2016 : le rapport annuel d’AI donne une vision complète de la situation des droits humains dans 160 pays en 2014. Si les dirigeants mondiaux n’agissent pas immédiatement pour faire face à l’évolution de la nature des conflits et pour remédier à d’autres défaillances identifiées dans le rapport, les prévisions pour l’année à venir sont sombres.

De plus en plus de populations civiles sont contraintes de vivre sous le contrôle quasi étatique de groupes armés violents, et sont en butte à des attaques, des persécutions et des discriminations.

La liberté d’expression, entre autres droits, est de plus en plus menacée, notamment par des violations découlant de nouvelles lois antiterroristes draconiennes et d’une surveillance de masse abusive.

La situation humanitaire et la crise des réfugiés s’aggravent, le nombre de personnes déplacées à cause d’un conflit ne cessant de croître, tandis que les gouvernements continuent de bloquer les frontières et que la communauté internationale n’apporte pas l’aide et la protection nécessaires.

AI s’inquiète tout particulièrement de la montée en puissance de groupes armés non étatiques, dont celui qui se donne le nom d’État islamique.

Des groupes armés ont commis des atrocités dans au moins 35 pays en 2014, soit plus de 20 % de ceux sur lesquels AI a travaillé[...]

« L’avenir s’annonce globalement bien sombre pour les droits humains, mais il existe des solutions. Les dirigeants mondiaux doivent prendre immédiatement des mesures décisives pour éviter une crise internationale imminente et rendre possible un monde plus sûr où les droits et libertés sont protégés », a déclaré Salil Shetty.

(Web : http://www.amnesty.fr/Presse/Rapport-Annuel-2014-15, 25 février 2015)

Côte-d’Ivoire, Disparition d’enfants, victimes de sacrifices rituels

La disparition en moins de deux mois d’une vingtaine d’enfants, qui pourraient avoir été victimes de sacrifices rituels, place la Côte d’Ivoire face à « une nouvelle criminalité », a affirmé samedi à Abidjan une ministre ivoirienne, évoquant « un phénomène très préoccupant » […]

Vendredi, la police ivoirienne a fait état de « 21 cas d’enlèvements », parmi lesquels un seul enfant a été retrouvé vivant. La plupart des enfants enlevés dans différentes régions du pays, dont trois dans sa capitale économique Abidjan, « sont retrouvés morts mutilés, avec la disparition de leurs parties génitales ou décapités », avait affirmé vendredi le directeur général de la police nationale, le général Brindou M’Bia.

Face à cette « atteinte grave » aux droits de l’Enfant, les autorités ivoiriennes ont décidé de « renforcer la sécurité des enfants à partir de la maison » [...]

Un religieux a évoqué vendredi la possibilité de l’implication de ‘brouteurs’, ces personnes spécialisées dans les escroqueries sur internet, qui feraient « des sacrifices humains pour pouvoir mieux arnaquer », espérant augmenter leurs chances de gagner plus d’argent.

« Est-ce pour des rituels, liés à l’approche des élections (présidentielles) ? S’agit-il vraiment, comme on l’entend dire aussi, d’enrichissement ? Quoi qu’il en soit, l’heure est grave », a écrit l’abbé Norbert Abékan, un prêtre abidjanais charismatique, dans le quotidien Nord-Sud.

La Côte d’Ivoire, qui sort d’une décennie de crise politico-militaire dont les violences post-électorales de 2010-2011 ont constitué l’épilogue, doit organiser en octobre des élections présidentielles cruciales censées ramener définitivement la paix dans le pays.

Les rumeurs les plus folles ont toujours circulé pendant les années d’élections en Côte d’ivoire sur les disparitions de personnes, notamment les albinos, à des fins de sacrifices humains.

(Web : http://news.abidjan.net/h/521324.html, 24 janvier 2015)

Tanzanie, Meurtres d’albinos

Plus de 200 sorciers ont été arrêtés depuis la mi-janvier en Tanzanie, dans le cadre d’une opération visant à mettre fin aux mutilations et meurtres d’albinos, victimes de croyances leur attribuant des pouvoirs magiques, a annoncé le jeudi 12 mars la police […]

« Certaines personnes arrêtées étaient en possession d’articles tels que des peaux de lézard ou de lion, des dents de phacochère, des œufs d’autruche, des queues de singe ou d’âne et des pattes d’oiseaux », a précisé le porte-parole.

L’ONU a dénoncé une recrudescence depuis 2013 des attaques contre les albinos en Tanzanie, potentiellement attribuables à l’approche des élections prévues en octobre, les candidats désirant s’attirer la victoire électorale via la magie[...]

Les organes des albinos, utilisés pour des rituels de sorcellerie ou dans la confection de filtres, sont vendus environ 600 dollars aux prétendus sorciers ou guérisseurs.

Mi-janvier, la Tanzanie a annoncé l’interdiction de la sorcellerie pour tenter d’endiguer le phénomène.

Jeudi 12 mars, la police a appelé dans un communiqué « les responsables religieux, les chefs traditionnels et politiques, ainsi que les journalistes à poursuivre la campagne de sensibilisation contre ces croyances superstitieuses »

(Web : http://netafrique.net/tanzanie-meurtres-dalbinos-plus-de-200-sorciers-arretes/, 12 mars 2015)

Rédaction de la Revue Quart Monde

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