Rolf De Heer. Charlie’s country

Film, Australie, 2014

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 52-53

Bibliographical reference

Rolf De Heer. Charlie’s country. Film, Australie, 2014

References

Bibliographical reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Rolf De Heer. Charlie’s country », Revue Quart Monde, 235 | 2015/3, 52-53.

Electronic reference

Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Rolf De Heer. Charlie’s country », Revue Quart Monde [Online], 235 | 2015/3, Online since 01 February 2016, connection on 13 October 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6466

Il s’agit d’un film1 sur le drame actuel des aborigènes en Australie et sur les définitions « divergentes » que l’on peut donner au mot dignité. Pour les protagonistes qui se font face - Blackfella, aborigène natif du Bush, surnommé Charlie par les Blancs et les policiers qui sont chargés de l’ordre « moderne » dans une réserve - le mot s’interprète différemment.

Toute l’histoire porte sur la difficile question de l’acculturation du peuple aborigène d’Australie et sur le rejet de ce processus par les aborigènes eux-mêmes. De plus il questionne sur les bienfaits de « notre civilisation ».

David Gulpilil, l’acteur principal filmé de très près par le réalisateur, est étonnant de sincérité et de réalisme. Il a participé à l’écriture du scénario. Il est beau, sauvagement beau, surtout dans les scènes où il dort. Par sa présence, même sans agir, il est d’abord humain, terriblement humain. Il interpelle les policiers : « Pourquoi êtes- vous venus de si loin pour nous prendre notre terre et pour y installer un poste de police ? ». Dans tous les plans ou presque, on ne le lâche jamais. Assis dans sa cahute, ou dormant sous la pluie dans le Bush - couché sous des branchages ou dans un tronc d’arbre -, ou fabricant une flèche, ou dans le supermarché de la réserve, à l’hôpital, en prison… !

Né dans le Bush, Blackfella dit Charlie se définit comme un chasseur. Avec son ami, ils tuent un très beau buffle. Ils le transportent sur le capot de la voiture. Arrêtés sur la route par la police, ils se font confisquer leur arme parce qu’ils n’ont pas le permis de détention d’arme. Son ami se fait confisquer également son véhicule. Et, pour faire bonne mesure, les policiers gardent également le buffle. Ce buffle, promesse de tant de bonne viande à manger ! C’est avec humour qu’ils ressortent du poste de police, comme habitués aux rudesses et incohérences de la vie qu’on leur impose. Ils ignorent la loi, ou font semblant de l’ignorer. De toute façon la loi est absurde, alors ils plaisantent et rient de façon enfantine. Un rire sain et revigorant. Ainsi ils disent au policier « Pourquoi nous faudrait-il un permis pour notre fusil, on ne va pas conduire avec ! ». L’humour de Charlie est crédible et court pendant tout le film. Notamment lorsqu’il vole la voiture de police pour partir dans le Bush et tombe en panne d’essence au bout de quelques kilomètres. Les traditions sont évoquées. L’idée de mourir entouré des siens ! Le désir, un peu fugace, de maintenir la tradition de la danse pour les enfants, affleure. Le passé aussi : Charlie a dansé à l’Opéra de Sydney devant la Reine d’Angleterre, et c’est pour cette raison qu’il regarde sans cesse la photo de cet événement, véritable reconnaissance de ce qu’il est. Mais c’est le présent qui est dur à vivre. Charlie n’aime pas la nourriture de l’épicerie de la réserve où il vit. Il dit qu’elle le rend malade. Et il a développé des addictions à une certaine drogue locale - le ganja - et à l’alcool. Ses actes sont des tentatives pour s’accorder une certaine liberté. Il veut retrouver sa dignité en allant vivre dans le Bush où il est né. Plus tard il aide une femme interdite de consommation d’alcool et son groupe familial à acheter de l’alcool et finit en prison. De nombreuses scènes questionnent. Les scènes dans la nature sont émouvantes et renvoient à nos origines animales, à celles d’êtres du début de l’humanité, êtres à la fois fragiles et forts. Les scènes à l’hôpital puis celles dans la prison renvoient à notre société et à ses solutions / barrières. Finalement, après tous ces événements, avec la force d’une certaine sagesse due à l’âge, ou la lassitude, Charlie aura plaisir à revenir dans la réserve que lui ont fabriquée les Blancs et dans laquelle les lois sont si strictes, mais où il a ses amis.

1 Australie, 2014, avec Luke Ford, David Gulpilil, Peter Djigirr, Ritchie Singer, C. Wadded.

1 Australie, 2014, avec Luke Ford, David Gulpilil, Peter Djigirr, Ritchie Singer, C. Wadded.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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