Frimhurst : forger un nouveau paradigme de liberté

Tom Croft, Diana Skelton et Gertraud Trivedi

Traduction de Martine Courvoisier

p. 9-15

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Tom Croft, Diana Skelton et Gertraud Trivedi, « Frimhurst : forger un nouveau paradigme de liberté », Revue Quart Monde, 246 | 2018/2, 9-15.

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Tom Croft, Diana Skelton et Gertraud Trivedi, « Frimhurst : forger un nouveau paradigme de liberté », Revue Quart Monde [En ligne], 246 | 2018/2, mis en ligne le 01 décembre 2018, consulté le 13 décembre 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7209

Dans les années 60, la rencontre entre Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, et Grace Goodman, créatrice du centre d’accueil Frimhurst en Grande-Bretagne, révolutionne la manière d’accompagner les familles les plus en difficultés. Une expérience de libération toujours opérante aujourd’hui.
En 1957, dans le sud de l’Angleterre le Frimhurst Recuperative Home1, comme on l’appelait alors, a ouvert ses portes aux familles vivant dans l’extrême pauvreté. C’était l’un des sept centres spécialisés du pays proposant un lieu de séjour spécifiquement destiné aux familles « à problèmes », les laissées-pour-compte du boom économique qui s’ensuivit après la seconde guerre mondiale.

Frimhurst fut le dernier à ouvrir mais aussi à continuer son travail au-delà du début des années 1970. Bien qu’administrés par diverses organisations caritatives et associations, telles que Barnardos ou les Quakers, les autres centres mettaient en œuvre un modèle de travail social ordinaire, qui s’appuyait sur une inter-action encadrée, dont le leitmotiv était « aider et réhabiliter ». La plupart de ces établissements étaient gérés par des « surveillants » ou des « matrones » dont la tâche était d’enseigner aux mères les travaux domestiques tels que la cuisine, le nettoyage, la couture et une éducation des plus strictes pour élever leurs enfants. Seules les mères accompagnées de leurs enfants étaient accueillies dans ces centres pour des séjours de plusieurs semaines, sans leur époux qui, à cette époque, n’étaient pas considérés comme ayant un rôle prépondérant à jouer au sein du ménage, hormis celui de gagner de l’argent.

Au contraire, le fonctionnement de Frimhurst était tout différent. Avant tout, son action avait pour visée de valoriser l’autonomie et l’efficience des familles plutôt que d’essayer de les domestiquer au nom des autorités2. Frimhurst fut créé par Grace Goodman et Margaret Gainsford, deux professionnelles indépendantes en travail social, qui étaient convaincues que les familles vivant dans la grande précarité, dont les besoins étaient les plus complexes, pouvaient réussir si les conditions favorables étaient réunies. Grace Goodman l’exprimait ainsi :

« Le but de Frimhurst est de permettre aux familles de reprendre possession d’elles-mêmes, d’aller découvrir en elles leurs propres ressources. (Frimhurst) n’est pas là pour les aider à résoudre un problème particulier, mais pour atteindre leur source intime à partir de laquelle elles pourront trouver leur propre sagesse et faire face à tout ce à quoi elles seront confrontées. ».3

L’approche de Grace Goodman s’ancrait dans l’articulation de trois données-clefs, le temps, l’espace et la sécurité, aptes à permettre aux familles de découvrir par elles-mêmes ce qui les libérerait, à savoir : réaliser leur propre projet familial. Les parents avaient besoin de sentir que le contrôle était entre leurs mains, de se savoir libres de fixer leurs objectifs personnels et, surtout, d’être traités en toute sincérité comme partenaires dans une entreprise commune.

L’admission était significativement plus longue, plusieurs mois plutôt que quelques semaines. Au lieu de mères seules et leurs enfants, c’est l’ensemble de la famille qui était accueillie, et qui se devait d’arriver ensemble. Elles étaient encouragées à valoriser chacun de leurs membres. Lors de la réunion hebdomadaire qui réunissait tous les résidents et bénévoles de la maison, les parents pouvaient se plaindre les uns des autres, mais aussi du personnel, ou du fonctionnement du centre : une chose inimaginable dans d’autres établissements. Les services sociaux avaient tendance à envoyer à Frimhurst les familles les plus défavorisées sur le plan économique, les plus vulnérables au niveau social, et tout particulièrement celles sur le point d’être déchues de leurs droits parentaux.

Le partenariat entre ATD Quart Monde et Frimhurst

En 1961, le fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski, se rend au Royaume-Uni et rend visite au centre de Frimhurst. Lui et Grace Goodman partageaient une même conviction quant au réel potentiel des personnes vivant dans la pauvreté, qui cependant restait invisible au regard des autres. En 1968, Joseph Wresinski demande à Mary Rabagliati, l’une des toutes premières volontaires d’ATD Quart Monde, de s’installer à Frimhurst pour apprendre de l’approche de Grace Goodman. Plus tard, Mary relatera :

« Comme ATD Quart Monde, Frimhurst avait pris parti pour les familles considérées par les autres comme des cas ‘désespérés’, voire ‘inutiles’. Il s’agit des familles qui se sentent réellement rejetées par la société4.
Elles ont passé le plus clair de leur vie dans des conditions insupportables – et impossibles à imaginer jusqu’à ce qu’on les voie de ses propres yeux – ; ces familles se sentent profondément isolées et esseulées, un sentiment qui leur pèse beaucoup plus que n’importe quelle autre difficulté. [...] Il est inacceptable que quiconque soit traité de cette façon. Leur situation devrait pousser toute la société et chacun en particulier à repenser qui on est en tant que peuple5.
[...] La démarche que nous avions adoptée à Frimhurst était, pour commencer, de faire confiance à ces familles afin qu’elles apprennent à avoir confiance en elles6.
[...] Nous étions constamment en relation avec les services sociaux, qui avaient leurs propres modèles. Toutefois, il n’y a jamais eu de compromis : Frimhurst gardait sa liberté et son approche indépendante. Mme Goodman m’a appris à aider les parents pauvres à comprendre la société environnante, avec les exigences et règlements qui leur étaient imposés. Les familles dans la pauvreté se retrouvent souvent comme prises au piège, sans libre arbitre. »

Promouvoir le changement dans la société

En 1973, Mary Rabagliati commence à organiser des soirées mensuelles à Frimhurst, que l’on appellera plus tard Les soirées Quart Monde. En plus des adultes séjournant sur place, elle invitait d’anciens résidents de Frimhurst qui, pour la majeure partie, restaient en lien étroit. Chaque mois, les discussions portaient sur un thème spécifique, allant des différences culturelles à des questions internationales relatives aux droits de l’homme, en passant par des sujets de politiques locales. L’objectif des échanges était que tous les participants puissent parler librement, mieux comprendre la société et réfléchir sur l’identité et l’histoire qui leur étaient propres.

« Aucun des parents de Frimhurst, ou des anciens résidents que nous avons continué à visiter, n’avait l’habitude d’être consulté ou même d’avoir la parole. Se réunir avec d’autres et commencer à se faire entendre dans un contexte plus large était essentiel. Lors des réunions plus conséquentes, nous conviions toujours des invités extérieurs, non seulement en tant que conférenciers, mais aussi comme intervenants à qui les personnes en situation de pauvreté pouvaient parler de leur propre expérience. [...] Chaque fois que nous nous réunissions pour nos discussions mensuelles, dès le début, un seul sujet était éliminé, tout ce qui faisait référence aux travailleurs sociaux dont le rôle est considérable dans la vie des familles. Nous voulions laisser la place libre pour parler de tout le reste. En fait, pendant les deux premières années, nous avons interdit les mots en lien avec ‘travail social’. Il y avait tant d’autres sujets à discuter. Nous voulions que les gens dans la pauvreté se conçoivent dans tous les autres aspects de la vie, de la culture à la politique. »

En 1978, Mary Rabagliati s’inquiétait que, de fait, et ce, malgré l’activisme prépondérant des syndicats et des féministes :

« Frimhurst reste quelque peu mis à l’écart, à mon avis parce que nous avions choisi de travailler avec les familles vivant dans les plus grandes difficultés. Combien de fois ne m’a-t-on pas dit que nous étions des rêveurs, des utopistes… ».

Mary était toutefois déterminée à changer l’opinion ambiante en s’appuyant sur un travail de communication stratégique à long terme. À cette fin, ATD Quart Monde ouvrit à Londres un centre national dont elle avançait :

« Maintenant que nous avons ce centre, c’est un endroit où tous les espoirs et les aspirations des personnes les plus pauvres seront pris en compte. À Frimhurst, la vie quotidienne avec les sept ou huit familles accueillies à la fois consumait toute notre énergie, de jour comme de nuit. Pour survivre, nous nous devions de voir au-delà de ces quelques familles et leurs difficultés personnelles. Petit à petit nous avons pris conscience que nos intelligences étaient confinées et que nous avions besoin d’un autre lieu concrètement pour appréhender et développer une approche plus ambitieuse à partir de laquelle, tous ensemble, influencer les pouvoirs publics. Nous voulions sortir de notre cocon pour aller à la rencontre de nouvelles personnes et former des alliances avec d’autres, eux aussi voulant convaincre le reste de la société qu’une nouvelle approche était nécessaire pour vaincre la pauvreté. La Grande-Bretagne a une longue histoire de lutte contre la pauvreté. C’était un pays très en avance au 16e siècle sur cette question, et aujourd’hui encore, celle-ci demeure une vraie préoccupation pour l’État comme pour nombre d’œuvres caritatives. Mais tout ce qui est entrepris est fait sans cohérence aucune. Les démarches des différents travailleurs sociaux ne prennent nullement en compte les recherches sur la transmission intergénérationnelle de la pauvreté ou sur les minimas sociaux. Beaucoup de gens choisissent un aspect dans lequel travailler sans voir au-delà de leur spécificité. En conséquence, on finit par avoir beaucoup de données sur la pauvreté, mais une absence totale de réflexion globale pour étayer les prises de décision politiques ou la législation. »

« Le projet de la société pour les personnes vivant dans la pauvreté se résume souvent à attendre d’elles qu’elles paient leur loyer à temps et à ce que leurs enfants suivent une scolarité. Mais quand votre vie n’a été qu’une suite d’obstacles, la réalisation de ce genre d’objectifs peut demander une génération, voire plus. On accuse les personnes vivant dans la pauvreté de ne pas faire assez d’efforts ; mais le concept de société selon lequel chacun ‘peut y arriver tout seul’ est une illusion. Je ‘n’y suis pas arrivée toute seule’, ni personne d’ailleurs. Nous réussissons grâce à notre entourage – nos amis, nos familles – qui croient en nous et nous soutiennent. Mais les familles qui arrivent à Frimhurst n’ont jamais eu ce soutien ou ces encouragements. Elles ont été totalement abandonnées à leur sort. [...] Le sens de l’accomplissement nécessite au préalable d’avoir foi dans les autres. Quand il s’agit de gens très pauvres, cette confiance n’existe plus. N’étant pas considérées comme crédibles, la société cesse de s’investir envers elles7. Mme Goodman nous disait que notre vie quotidienne à Frimhurst était comme regarder au microscope et découvrir tout ce qui faisait défaut dans la société. Cet environnement à petite échelle nous dévoilait une vision d’ensemble : depuis la manière dont les problèmes relationnels induisent toutes sortes de complications, jusqu’au potentiel bénéfique à la société quand les gens bénéficient d’un soutien qui les aide à retrouver leur amour-propre. [...] Ce qui est dommageable dans l’intervention des services sociaux c’est qu’en prodiguant des prestations aux gens, ils ne leur offrent pas l’occasion de contribuer à quelque chose, et par là même, d’acquérir un sentiment d’accomplissement. C’est ce que nous faisions à Frimhurst et cela peut être fait dans n’importe quelle communauté8. À chaque fois qu’une personne découvre, pour la première fois, la sensation d’avoir fait quelque chose d’utile pour les autres – ce dont elle ne s’était pas imaginée capable auparavant –, [...] elle gagne en liberté, en confiance, et cela la pousse à aider les autres ; et à chaque fois qu’elle verra quelqu’un qui est en souffrance, elle ira lui apporter son soutien. »

Peu de temps après l’ouverture du centre ATD de Londres, Mary Rabagliati commença à prendre part à plus d’événements publics. Une politicienne se souvient de leur rencontre lors d’une conférence sur la politique familiale et la pauvreté à l’University College de Londres :

« Il y avait beaucoup ‘d’experts’ à la conférence, et tout était plutôt ennuyeux – jusqu’à l’après-midi où Mary Rabagliati, visiblement ulcérée, se leva et demanda combien d’entre nous avions pris la peine de consulter les familles que nous étions censés essayer d’aider ; après quoi, elle nous a invités chacun à venir visiter Frimhurst. Depuis ma rencontre avec Mary, j’insiste sur la nécessité de parler aux personnes impactées par la politique sociale au lieu de leur imposer une législation venant d’en haut9. »

En 1979, Année internationale de l’Enfant, la collaboration d’ATD Quart Monde avec les Nations Unies a conduit à une exposition de photos illustrant le regard que les enfants dans la pauvreté posaient sur leur famille et sur le monde. Quelques 18 000 personnes ont fréquenté l’exposition, suite à quoi beaucoup d’entre elles ont décidé de s’impliquer avec ATD.

Cependant Mary Rabagliati déplorait que :

« Malgré des événements porteurs, comme cette exposition, nous restons très peu connus. Sans compter les compressions budgétaires lésant les gens dans la pauvreté, il peut y avoir de quoi se décourager. Cependant, nous sommes un mouvement qui ne sombre pas dans le pessimisme. Nous ne pouvons pas accepter un discours public qui soutient qu’ : ‘il n’y aura plus jamais d’emploi pour tout le monde’.
Au cont
raire, en tant que mouvement qui défend les familles les plus pauvres, nous tentons de trouver de nouvelles éventualités. Nous continuons à affirmer que tout le monde peut apprendre, qu’il est toujours possible de faire quelque chose de positif, et d’impliquer de nouvelles personnes. [...] Et chacune de ces personnes est une espérance pour tout ce que nous essayons d’accomplir [...] »

Un tournant dans l’action de base de Frimhurst

Tout au long des années 1980, Frimhurst a continué à recevoir des familles référées par les services sociaux de Londres et du sud-est de l’Angleterre. Cependant, les attentes des travailleurs sociaux et les raisons qui les poussaient à envoyer les familles à Frimhurst étaient en train de changer. Les services sociaux ont exigé de l’équipe de Frimhurst une évaluation patente des capacités des familles qui y séjournaient. En opposition totale avec l’esprit de Frimhurst, comme l’explique Stuart Williams, coordinateur national d’ATD Quart Monde à l’époque :

« ... Nous en étions arrivés à la conclusion que notre collaboration ou notre partenariat avec les services sociaux devait prendre fin puisqu’ils voulaient que nous fassions quelque chose que nous n’étions pas disposés à faire et que, de plus, ils ne voulaient pas nous soutenir dans ce que nous estimions être nécessaire. Notre souci était vraiment que les familles puissent venir à Frimhurst aussi librement que possible, non par contrainte. […] »

En 1990, la délicate décision d’interrompre les séjours résidentiels de longue durée à Frimhurst était prise. À leur place, un programme de séjours et d’activités en résidence de courte durée a été développé et se poursuit jusqu’à ce jour. Ce qui a rendu ce changement possible, c’est l’engagement d’ATD Quart Monde de rester impliqué dans la durée avec les familles, en allant leur rendre visite chez elles de manière régulière, en organisant des événements sociaux pour rassembler les gens et en créant des projets où chacun pouvait contribuer à un objectif collectif. Venir à Frimhurst pour de courts séjours accorde un répit dans la lutte de chaque jour de ceux qui vivent dans la pauvreté, et un refuge contre le rejet et l’exclusion que de nombreuses familles subissent dans leur vie quotidienne. En dépit de ce changement fondamental de direction, Frimhurst a continué à représenter quelque chose de profondément significatif pour les familles qui y ont séjourné, comme le formule Eric Knibbs, un militant d’ATD Quart Monde venu à Frimhurst au début des années 1990 :

« […] Quand nous avons rencontré ATD Quart Monde, ma famille luttait pour rester ensemble, pour joindre les deux bouts, pour se faire des amis et pour être entendue. Nous nous sentions vraiment isolés. Lorsque les familles traversent une période difficile, elles ont souvent besoin de quelqu’un pour les écouter. Si vous n’écoutez pas, vous ne découvrirez pas la vérité sur ce qui se passe et ça empêche les gens d’avoir accès à l’aide dont ils ont besoin. Si vous n’écoutez pas, vous n’apprenez pas, et nous sommes tous censés apprendre tous les jours de notre vie, tout comme les scientifiques qui essaient de résoudre des problèmes ! Si vous dites aux gens ce qu’ils doivent faire, ils vont en perdre la capacité de prendre des décisions par eux-mêmes. À la maison familiale de Frimhurst, c’est différent ; les gens s’écoutent les uns les autres. Quand j’écoutais, je me sentais beaucoup mieux, tout comme quand j’étais moi-même écouté. Cela me donnait l’impression que je valais la peine d’être entendu, et que peut-être ce que je disais avait du sens. Du coup, tu sens que tu as de la valeur.10 »

Frimhurst : une balise d’espoir

À Frimhurst, grâce à la collaboration entre Mary Rabagliati et Grace Goodman, l’idée d’un partenariat libérateur et reconstituant avec les familles en marge de la société trouvait écho en la certitude de Joseph Wresinki que seule une participation effective des personnes exclues peut apporter de véritables changements au niveau politique. On peut s’attaquer aux causes structurelles de la pauvreté mais le risque de faire plus de mal que de bien est très réel si la politique reste fermée à l’aspect humain de la misère. Selon Joseph Wresinski, cela signifiait accepter que les personnes vivant dans la pauvreté soient des partenaires indispensables pour l’avancement d’une société ; plus que d’autres elles en connaissent les défaillances, tout comme le type de fondations sur lesquelles la justice sociale devrait se fonder.

L’exploration vers un réel changement, guidée par les connaissances et l’expérience des familles confrontées à une pauvreté persistante, a été un pilier de l’action de Frimhurst dès le lancement par Mary Rabagliati des premières soirées mensuelles du Quart Monde au début des années 1970. Cet engagement a débouché, dans les années 90, sur une série d’ateliers à Frimhurst, d’une durée de trois ans chacun. Animés par ATD Quart Monde, ils réunissaient des parents vivant dans une pauvreté persistante et des professionnels de la justice, de la santé, des services sociaux et des collectivités. L’objectif était d’explorer la notion de partenariat avec les parents comme stipulée dans législation de 1989 autour de l’enfant. L’étude a débouché sur la publication de l’ouvrage Talk With Us, Not At Us: how to develop partnerships between families in poverty and professionals11.

Plus récemment, Frimhurst a abrité des sessions en résidence régulières de 2009 à 2014, où un groupe d’adultes vivant dans la pauvreté travaillait ensemble autour des stéréotypes négatifs véhiculés à leur sujet par les médias et les politiciens. Ensemble, ils ont développé un message public compétent à l’encontre de la rhétorique convenue selon laquelle les pauvres sont des profiteurs et des tire-au-flanc, non sans rappeler la notion issue de l’ère victorienne qui différenciait les pauvres « méritants » des « non-méritants ». Ces sessions ont aussi donné lieu à un album photographique intitulé The Roles We Play, Recognising the Contribution of People in Poverty12 et une exposition interactive itinérante du même nom.

Frimhurst a continué à inspirer des initiatives, à œuvrer de concert avec les praticiens, les décideurs et les universitaires en travail social autour du droit à vivre en famille. En 2004, des parents qui avaient séjourné à Frimhurst ont élaboré un module de formation sur la compréhension de la précarité, module qu’ils continuent de dispenser dans le cadre d’un cours annuel destiné aux travailleurs sociaux nouvellement qualifiés et dirigé par l’Université Royale d’Holloway.

Alors que nous écrivons cet article, des consultations de travail résidentielles sont organisées à Frimhurst, réunissant une équipe d’étude nationale composée de chercheurs de diverses origines socioprofessionnelles, dont des personnes vivant ou ayant vécu dans la pauvreté. Ce travail de recherche pionnière en la matière vise à pénétrer la nature multidimensionnelle de la pauvreté au Royaume-Uni. Dans les années à venir, les membres d’ATD Quart Monde tenteront d’engager un dialogue sociétal autour du droit de vivre en famille pour les personnes vivant dans la précarité, notamment sur la façon dont la pauvreté persistante et les solutions apportées par la société érodent ce droit intrinsèque aux droits de l’homme. Quel que soit le challenge, Frimhurst restera une balise d’espoir pour les personnes vivant dans la pauvreté, leur permettant d’approfondir ensemble les problématiques qui touchent leur vie et de partager leur réflexion avec d’autres citoyens soucieux de la direction dans laquelle s’engage la société environnante.

1 Frimhurst, Centre de rétablissement, NDT. Texte traduit de l’anglais par Martine Courvoisier.

2 Michael Lambert, ‘Problem families’ and the post-war welfare state in the North West of England, 1943-1974. Thèse de doctorat en philosophie

3 ATD Quart Monde, Frimhurst : une expérience de liberté, Igloos le 4Monde n° 77-78-79, 1973.

4 Film de la BBC sur Frimhurst, 1974.

5 Idem.

6 Idem.

7 Documentaire de Thames TV sur Frimhurst.

8 Film de la BBC sur Frimhurst, 1974.

9 Lettre de Mimi Parnell à ATD Quart Monde, du 21 Novembre 1992.

10 La maison familiale de Frimhurst, interview privé d’Isabelle et de Stuart Williams, 2017.

11 Parle avec nous, pas sur nous : ou comment développer des partenariats entre les familles pauvres et les professionnels, NDT.

12 Les rôles que nous jouons, reconnaître la contribution des personnes dans la précarité, NDT. Voir la RQM n° 241, mars 2017, p. 4.

1 Frimhurst, Centre de rétablissement, NDT. Texte traduit de l’anglais par Martine Courvoisier.

2 Michael Lambert, ‘Problem families’ and the post-war welfare state in the North West of England, 1943-1974. Thèse de doctorat en philosophie présentée en 2017 à l’Université de Lancaster, 2017. Voir également son article dans ce dossier, p. 32.

3 ATD Quart Monde, Frimhurst : une expérience de liberté, Igloos le 4Monde n° 77-78-79, 1973.

4 Film de la BBC sur Frimhurst, 1974.

5 Idem.

6 Idem.

7 Documentaire de Thames TV sur Frimhurst.

8 Film de la BBC sur Frimhurst, 1974.

9 Lettre de Mimi Parnell à ATD Quart Monde, du 21 Novembre 1992.

10 La maison familiale de Frimhurst, interview privé d’Isabelle et de Stuart Williams, 2017.

11 Parle avec nous, pas sur nous : ou comment développer des partenariats entre les familles pauvres et les professionnels, NDT.

12 Les rôles que nous jouons, reconnaître la contribution des personnes dans la précarité, NDT. Voir la RQM n° 241, mars 2017, p. 4.

Tom Croft

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