Nadine Labaki. Capharnaüm

Film libanais et français, 2018

Bella Lehmann-Berdugo

p. 42-43

Bibliographical reference

Nadine Labaki. Capharnaüm, Film libanais et français, 2018, 2 h 03 min

References

Bibliographical reference

Bella Lehmann-Berdugo, « Nadine Labaki. Capharnaüm », Revue Quart Monde, 248 | 2018/4, 42-43.

Electronic reference

Bella Lehmann-Berdugo, « Nadine Labaki. Capharnaüm », Revue Quart Monde [Online], 248 | 2018/4, Online since 01 June 2019, connection on 19 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7803

À Beyrouth1, Zain, douze ans approximativement (il n’a pas d’état civil) risque cinq ans de prison car il a poignardé et insulté un homme. Il décide alors d’intenter un procès à ses parents pour l’avoir mis au monde alors qu’ils n’étaient pas capables de l’élever convenablement, ni de lui donner de l’amour.

L’enfant, issu d’une famille très nombreuse, s’est enfui de chez lui. Ses parents le contraignent à travailler dur, ils ont vendu sa sœur de onze ans pour la marier à un adulte. Il vit désormais à la rue, puis est recueilli par Rahil une jeune Éthiopienne en situation irrégulière – elle-même mère d’un bébé – qui travaille chez des personnes aisées. Or la jeune femme est arrêtée, emmenée en prison et Zaïn devient le protecteur du petit Yonas. Un vrai « Tapori »2.

Peut-être cette pléthore de thèmes donne-t-elle justement un effet de « capharnaüm » et dessert-elle le film ? Cependant les acteurs – tous non professionnels – ont une vie réelle comparable à celle montrée à l’écran. La force du film est donc son côté réaliste, presque documentaire.

La réalisatrice a rencontré durant trois ans de « vrais gens » dans des prisons pour mineurs, dans des bidonvilles ou des quartiers défavorisés. Elle est bel et bien engagée dans le combat de l’enfance maltraitée, de la Convention internationale des droits de l’enfant, des travailleurs immigrés, des personnes sans existence légale faute de papiers – enfants et adultes.

Cet improbable procès apparaît comme un moyen cinématographique original mais artificiel. Le plaidoyer moralisateur passe mal à l’écran (la réalisatrice joue l’avocate). Les parents en prennent pour leur grade, accusés d’irresponsabilité, même si Souad, la mère de Zaïn nous offre in extremis un beau morceau de bravoure pour se défendre. On reste mal à l’aise en songeant aux préjugés tenaces et fréquents en France et dans le monde à l’égard des familles nombreuses en précarité.

En cette année anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme3, un film avec de belles intentions, pour parler de l’accès aux droits élémentaires, l’éducation, la santé, l’amour aussi. À défaut de changer les regards en profondeur, puisse-t-il permettre d’ouvrir un débat ou inviter à la réflexion.

1 Film de Nadine Labaki, libanais et français, 2018, 2 h 03min.

2 Tapori : nom des enfants orphelins en Inde qui s’entraident aux abords des gares, retenu par Joseph Wresinski pour désigner la branche Enfance d’ATD

3 Thème de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 2018.

1 Film de Nadine Labaki, libanais et français, 2018, 2 h 03min.

2 Tapori : nom des enfants orphelins en Inde qui s’entraident aux abords des gares, retenu par Joseph Wresinski pour désigner la branche Enfance d’ATD Quart Monde.

3 Thème de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 2018.

Bella Lehmann-Berdugo

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