Trois situations issues des mémoires des volontaires nous décrivent cet « aller vers… » qui concerne à la fois le chemin, la population recherchée et les moyens de la rencontrer. Elles aideront le lecteur à entrer dans cette démarche.
Vers des « non lieux.
Le récit de Janine manifeste une quête à la recherche d’une population laissée pour compte :
« Je conduis ma voiture, le ciel est bas, gris, la pluie martèle le pare-brise, les essuie-glaces fonctionnent. Seule dans le véhicule, j’avance sur un chemin de terre avec des bosses, des creux gorgés d’eau. Au début, il est bordé d’arbustes, puis dénudé, il laisse découvrir les champs agricoles […]. J’ai mis un temps fou avant de trouver la manière d’arriver là. C’était loin, c’était l’hiver, il pleuvait, est-ce que je suis sur la bonne voie, est-ce que je vais pouvoir passer ? Ce chemin-là va forcément mener quelque part, c’est sûr. C’est sûr parce que je suis déjà allée dans des chemins comme celui-là, à X, à Y. E puis, la voiture s’arrête au bout du chemin On aperçoit des caravanes, de la ferraille, des arbres en arrière-plan. J’ai été aperçue puisque des enfants viennent à ma rencontre. L’accueil est présent : ils paraissent contents, me saluent, portent le sac de livres et de jeux qui sera la base d’un moment d’évasion par la lecture.
Ce chemin évoque le ‘aller vers’ ; c’est à la fois ne pas savoir où on va, donc l’incertitude et, en même temps, à cause de, ou grâce à l’expérience et au ‘bain culturel’ qui a modelé nos façons de faire, avoir la certitude d’arriver dans le ‘quelque part’ qu’on voulait atteindre. Parcourir ce chemin c’est quitter son univers, ses repères, aller vers l’inconnu. Nomadiser pour atteindre un nouveau lieu et rejoindre des inconnus. Expérience de rencontre, chaleur d’humanité. Ce campement est comme une île. »
« Ne pas savoir où l’on va », « être dans l’incertitude », « quitter son univers et ses repères », « aller vers l’inconnu » marquent la distance qui sépare nos milieux de ces « non lieux » où vit une population reléguée hors des frontières de la cité. C’est l’expérience de la volontaire qui la guide, comme une boussole.
En ce lieu, en effet, Janine rencontre des familles avec lesquelles, plusieurs années plus tard, un film sera tourné.