N° 250, juin 2019, “La justice climatique”

Articles attendus pour le 1er avril 2019.

On parle aujourd’hui volontiers d’anthropocène, d’une ère où l’humain est devenu un facteur de changement tellement puissant qu’il en vient à modifier l’écosystème par son activité. Mais si ce terme considère les humains en tant qu’espèce, il est loin d’incriminer tous les individus de la même manière. En effet, l’appel citoyen à la responsabilité individuelle et à l’action de chacun.e pour réduire son empreinte écologique, à travers des gestes « éco-responsables », risque de masquer les véritables contributeurs du changement climatique derrière la culpabilisation des populations pouvant le moins suivre ces consignes, c’est-à-dire les populations les plus précarisées, les plus exclues.

En cela, ces indications ne font que répéter une tendance sociale à l’histoire longue : celle qui se défausse de nos propres manquements sur les plus pauvres, qui en fait le déversoir de notre responsabilité faillie. Tendance durable aux conséquences elles aussi constantes : en reposant la faute sur des personnes physiques, on escamote la contribution des collectifs (industries, commerces, services) et des structures (légales, étatiques, etc.), qui ont un pouvoir direct ou indirect de polluer incomparable à celui des populations, et dont les effets retombent d’ailleurs bien plus fréquemment sur les populations les plus fragiles (pollution de l’air, de l’eau, raréfaction des ressources en termes de matières premières, d’espace habitable ou d’alimentation, et conflits pour les privatiser et se les accaparer), populations qui ont d’ailleurs comparativement bien moins accès aux « biens » proposés par ces collectifs.

Dans le même mouvement, la restriction des « bonnes pratiques » aux « gestes éco-responsables » risque de rendre invisibles les stratégies bien réelles de lutte et d’adaptation que ces populations mettent en place pour garder la tête haute, dans le dénuement, à l’ère numérique. Et cela risque également de nous rendre incapables d’apprendre de ces stratégies, que ce soit pour en apprécier les vertus, les valoriser et les extrapoler, ou pour en évaluer les dangers vitaux et réaliser l’ampleur des condamnations qu’elles portent de nos pratiques de consommation. On pourrait alors être surpris de dénicher de l’expertise en matière de recyclage, de récupération, de créativité, sans méconnaitre la violence et l’indifférence sociales qu’elles impliquent et dénoncent par leur existence même.

Seront bienvenues, des contributions qui lieront problématiques environnementales, réponses apportées localement par les populations vivant dans la pauvreté, explicitation des enjeux légaux ou sociaux qu’elles recouvrent, et potentielles pistes de réflexions pour participer collectivement à lacorrection de ces injustices.

Pistes : notion de « communs », inversion du regard, recyclage low-tech, obsolescence programmée, changements (et/ou effondrements climatiques), stratégies de lutte, d’organisation, d’autonomisation…

CC BY-NC-ND