Mettre en œuvre les droits de l’enfant

Isabelle Pypaert Perrin

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Isabelle Pypaert Perrin, « Mettre en œuvre les droits de l’enfant », Revue Quart Monde, 252 | 2019/4, 1.

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Isabelle Pypaert Perrin, « Mettre en œuvre les droits de l’enfant », Revue Quart Monde [En ligne], 252 | 2019/4, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8324

« Dans ma tête, il n’y a pas de rêves : les autres ne nous aiment pas. »1 Anastasia dit tout haut ce que tant d’enfants pensent tout bas. Tous ces enfants qui ne sont attendus nulle part. Ceux à qui on reproche sans cesse de faire du bruit, d’être distraits, de ne pas savoir leurs leçons. Ceux qui se font insulter depuis l’autre côté de la rue, qui serrent les poings quand on attaque leur famille ou que l’on parle mal de leurs parents. Ceux qui habitent en bidonville, chassés de lieux en lieux, qui ne peuvent pas aller à l’école régulièrement. Ceux qui, avec leurs parents, ou tout seuls, fuient leur pays sans savoir s’ils seront accueillis quelque part.

Les enfants qui vivent dans la misère sont d’abord des enfants qui, comme tous, aiment rire, jouer, être avec les autres. Mais ils portent au fond du cœur une certitude : si le monde pouvait com­prendre leurs parents comme eux les comprennent, alors on ferait une place à leur famille et la vie changerait. Depuis tout petits, ils perçoivent que la vie des leurs est trop lourde et ils cherchent à porter ce qu’ils peuvent : « Moi, je veux travailler pour aider à payer le loyer » dit Kevin, dix ans. Ils voient bien comment leurs parents se démènent. Tout jeunes, ils ont appris à se taire pour protéger leur famille des regards de travers et des questions gênantes, de peur qu’on les sépare les uns des autres. Fatimata, dont les parents non-voyants s’évertuaient à trouver de quoi vivre, nous a confié un jour : « Souvent, on n’avait rien à manger. Mais malgré tout, on partait à l’école. C’était le courage de nos parents qu’on mettait dans nos ventres. Sinon, on n’aurait jamais pu apprendre. »

Tous les enfants savent bien que personne ne peut vivre seul, sans amis, sans quelqu’un qui vous respecte. Certains cherchent à agir, comme les enfants Tapori2 d’une grande ville où la guerre sévit depuis des années. Ils se sont donné pour mission d’être « les amis des sans amis ». Ils ont choisi de rendre visite à d’autres de leur âge, des anciens enfants soldats dont tout le monde a peur. « Un enfant, c’est un enfant – disent-ils, pourquoi il y en a qu’on met à part ? »

Ailleurs, des enfants vivent sur les carrefours, aux abords des marchés, aux coins des rues. Ils ont quitté leur village où la terre desséchée ne peut plus nourrir tout le monde. Alors qu’ils subissent des privations et des violences de toutes sortes, ils font attention les uns aux autres, protègent les plus jeunes, s’entraident, et nous réclament des livres...

Mettre en œuvre les droits de l’enfant, n’est-ce pas oser suivre les enfants dans le monde qu’ils veulent pour demain, un monde qu’ils créent déjà dans leurs actes quotidiens ?

1 Extraits de son message à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 2019.

2 Branche enfance d’ATD Quart Monde, pour favoriser un courant mondial d’amitié et de rencontre entre enfants de tous milieux. Voir le site https://

1 Extraits de son message à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 2019.

2 Branche enfance d’ATD Quart Monde, pour favoriser un courant mondial d’amitié et de rencontre entre enfants de tous milieux. Voir le site https://www.atd-quart-monde.org/nos-actions/penser-agir-ensemble/tapori/

Isabelle Pypaert Perrin

Isabelle Pypaert Perrin est déléguée générale du Mouvement international ATD Quart Monde.

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