Blandine de Dinechin, Pedro Meca, La vie, la nuit

Ed. du Cerf, Paris, 1989, 170 pages

Clémence Sevin

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Blandine de Dinechin, Pedro Meca, La vie, la nuit, Ed. du Cerf, Paris, 1989, 170 pages

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Clémence Sevin, « Blandine de Dinechin, Pedro Meca, La vie, la nuit », Revue Quart Monde [En ligne], 136 | 1990/3, mis en ligne le 18 mai 2020, consulté le 24 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/8901

L’ouvrage, écrit en collaboration avec Blandine de Dinechin, est un récit à la première personne de Pedro Meca, basque espagnol, prêtre, dominicain. De 1977 à 1983, il travaille à mi-temps comme éducateur de rue, dans un bar loué par l’abbé Pierre, au Quartier Latin ; c’est l’antenne d’une association à but non lucratif créée pour la prévention dans un quartier où la nuit voit se retrouver des marginaux, jeunes pour la plupart, souvent alcooliques ou drogués. Après la fermeture du bar, Pedro Meca poursuit son travail dans le métro.

Ces marginaux constituent « un monde de la nuit à l’écart de nos jours » et Pedro Meca emploie à leur propos le terme de « peuple » ; il note que le dénominateur commun à tous, c’est la solitude. En tant que barman éducateur, il recherche la relation personnelle avec les clients, les critères dans ce lieu étant le refus du racisme et de la violence ou plus précisément la maîtrise de la violence ; Pedro Meca n’hésite pas en cas de besoin à faire usage de ses poings ! Une phrase résume l’optique de l’auteur : « Au bar, nous accueillons le ghetto de l’exclusion » …

Après une description imagée du bar, avec des scènes typiques du comportement des clients, Pedro Meca donne quelques portraits des jeunes rencontrés (80 % d’étrangers, du Maghreb et d’Afrique noire surtout) et commente : « Je n’ai jamais autant confessé que derrière le comptoir ! » Sur le ton de la conversation, avec un vocabulaire réaliste, Pedro Meca rend très proches ses clients. Du bar au métro, il annonce : « De l’enfermement d’un bar ouvert sur la rue, je passe à l’enfermement plus ouvert de la nuit. »

Un court chapitre, qui vaut la lecture de l’ouvrage, nous donne ses réflexions sur la nuit « silence et cri » … « Le monde de la prostitution, de la drogue est un monde nocturne. La nuit est l’espace-temps de la drogue. »

Pedro Meca explique sa vocation par son enfance. L’adulte qu’il est veut « venger l’enfant. » Deux mots reviennent à plusieurs reprises : la honte, la dignité. « Je ne supporte pas d’avoir eu besoin de frapper aux portes. » L’exclusion connue au village, enfant, il la retrouve à l’internat. Tout est encore à vif… Sa vie à Bordeaux à partir de 17 ans le mêle aux réfugiés politiques et aux contrebandiers. En 1956, l’entrée chez les Dominicains lui apporte la découverte de « la pauvreté comme valeur évangélique » et lui vaut une année d’études : on l’imagine mal dans ce cadre ! Prêtre, il crée à Madrid dans un quartier ouvrier « l’Eglise de la rue » avec tout ce que ceci a de provocant dans l’Espagne de Franco, face à l’Eglise établie.

« Le monde des pauvres, ou bien il s’en sortira comme monde des pauvres, ou bien il ne s’en sortira pas… »

En quoi consiste le métier d’éducateur ? « A établir des relations qui aident quelqu’un à se mettre debout et à marcher. » Son idéal de toujours : combattre l’injustice, « me mettre au service de la pauvreté. »

Un livre qu’on a peine à laisser quand on le commence et dont plus d’une page résonne en harmonie profonde avec les textes du père Joseph Wresinski.

Clémence Sevin

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