Axelle Brodiez-Dolino, Emmaüs et l’Abbé Pierre

Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2008, 378 pages

Daniel Fayard

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Axelle Brodiez-Dolino, Emmaüs et l’Abbé Pierre, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2008, 378 pages

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Daniel Fayard, « Axelle Brodiez-Dolino, Emmaüs et l’Abbé Pierre  », Revue Quart Monde [En ligne], 217 | 2011/1, mis en ligne le 21 mai 2020, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9084

Entreprise pendant deux ans, grâce à un post-doctorat CNRS, cette étude explore l’histoire des structures et des équipes du mouvement Emmaüs, des origines (1949) à nos jours.

Histoire mouvementée s’il en est, dans les champs de la pauvreté, de l’humanitaire, de la charité, de la solidarité, du « social » (économie, habitat, urgence) et du « politique ».

Elle met en scène les relations assez complexes et parfois tendues qui ont prévalu entre l’Abbé Pierre, fondateur charismatique, et les responsables des nombreuses instances successivement générées par ce mouvement, plus ou moins autonomes ou fédérées.

C’est aussi l’histoire d’une double évolution (Emmaüs France et Emmaüs international) marquée par l’émergence progressive d’une parole publique, d’une ouverture partenariale et d’un rôle sociopolitique longtemps exercés seulement par l’Abbé Pierre lui-même.

Nul doute que cette exploration des archives d’Emmaüs apporte des révélations sur certains aspects de son histoire, restés ignorés du grand public, voire même de ses propres membres.

Les proches du Mouvement ATD Quart Monde liront avec intérêt ce que l’auteur rapporte concernant la « verrue » de Noisy-le-Grand et la résorption de son camp des sans-logis. Ils découvriront que c’est seulement en 1961 que l’Association Emmaüs a reconnu « la scission » ou « l’indépendance » du mouvement né à Noisy-le-Grand.

L’auteur prend soin de situer les multiples évolutions d’Emmaüs dans le contexte de chaque période examinée, par exemple à propos des transformations du marché de la récupération, de la crise récurrente du logement social, de l’impact de mai 1968 d’abord puis du chômage de masse, des orientations données tant par les politiques publiques que par l’Église catholique.

Mais le plus éclairant peut-être réside dans la combinaison ou la juxtaposition de problématiques apparemment bien distinctes qui ont façonné au cœur de la famille Emmaüs à la fois une « éthique de conviction » (venir en aide au plus souffrant et lui proposer de s’engager auprès de plus souffrants que lui, à travers les « communautés » notamment) et une « éthique de responsabilité » (s’attaquer aux causes de la misère, mobiliser l’opinion et les pouvoirs publics : une alliance faite d’indignation ou de dénonciation et de pratiques innovantes ou de propositions de réformes institutionnelles.)

Daniel Fayard

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