Gérard Raynal, Quand le vin est tiré…

Éd. Le temple d’or, Paris, 224 p.

Chantal Joly

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Gérard Raynal, Quand le vin est tiré…, Éd. Le temple d’or, Paris, 224 p.

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Chantal Joly, « Gérard Raynal, Quand le vin est tiré… », Revue Quart Monde [En ligne], 208 | 2008/4, mis en ligne le 01 mai 2009, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9198

« Nous sommes des miséreux ; des miséreux qui ont des femmes et des enfants, et qui ne peuvent pas vivre de l’air du temps. Nous sommes ceux qui ont des vignes au soleil et des outils au bout des bras, ceux qui veulent manger en travaillant, et ceux qui ont droit à la vie. Nous sommes ceux qui ne veulent pas crever de faim ». Ainsi se présentaient les vignerons du Midi, ruinés par la surproduction, méprisés par le pouvoir de l’époque, qui se révoltèrent en 1907. Autant nous avons tous entendu parler des coups de grisou des gueules noires, autant cette révolte reste plus méconnue. Ce roman d’un de leurs descendants rend hommage aux viticulteurs de l’époque dont les vies furent brisées par les événements. Dédié « aux martyrs de toutes les manifestations paysannes », il parle avant tout de courage, de fierté, de fraternité, de solidarité villageoise, de dignité. Il redonne un visage à toute une population qui fut acculée à l’indigence et qui préfigure les victimes, passées, présentes et à venir, de la guerre économique.

Cette page d’Histoire est vue par les yeux d’un adolescent dont l’univers va basculer : entrée dans le malheur (le suicide de son père, la mort de sa mère, la claustration et le placement de sa sœur dans une famille d’accueil), découverte de l’amour, initiation à l’engagement et à la conscience politique. Le style est à l’image du cœur brûlant et encore naïf du jeune Rémy. D’où un parti pris de lyrisme, judicieux lorsqu’il décrit les impressionnants « défilés des gueux » à Narbonne, Béziers, Carcassonne, Nîmes, Montpellier… et l’admiration portée au meneur de la rébellion Marcellin Albert (« un vrai prophète ») mais parfois proche de la grandiloquence.

Quelques pages sont touchantes : celle où le père est obligé de mendier pour que le courtier achète son vin ou encore celle où l’auteur repense avec nostalgie à la naissance de sa sœur.

Conçue comme une tragédie avec des expressions qui préparent le final tragique, cette chronique d’une mutinerie populaire vaut surtout pour ce travail de mémoire. De fait, elle a plus à voir avec la littérature des luttes ouvrières et paysannes qu’à proprement parler avec la littérature qui évoque l’extrême misère générationnelle plus que conjoncturelle. Dans cette optique, c’est un sympathique document.

Chantal Joly

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