Jona M. Rosenfeld, Bruno Tardieu, Artisans de démocratie

Editions de l’Atelier, Editions Quart Monde, 1998, 304 pages.

Jean-Louis Lemoigne

Référence(s) :

Jona M. Rosenfeld, Bruno Tardieu, Artisans de démocratie, Editions de l’Atelier, Editions Quart Monde, 1998, 304 pages.

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Jean-Louis Lemoigne, « Jona M. Rosenfeld, Bruno Tardieu, Artisans de démocratie », Revue Quart Monde [En ligne], 168 | 1998/4, mis en ligne le 24 mai 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9324

Si l’on me demandait de désigner le seul ouvrage que l’on pourrait sauver de l’autodafé de notre bibliothèque des sciences de la complexité qu’exigerait « le Grand Simplificateur » (ivre du pouvoir que lui vaudrait l’asphyxie d’une Démocratie ne s’interrogeant plus sur le sens de ses propres projets), je désignerais sans hésiter cet étonnant et inclassable ouvrage collectif : « Artisans de Démocratie ».

Pour nous donner une chance de restaurer la démocratie, bien sûr, mais aussi pour nous permettre d’être enfin attentifs à la « faisabilité » de l’action réfléchie en situation complexe, fut-elle dramatiquement complexe.

Ce pari surprendra peut-être le lecteur de bonne foi qui aura du mal à repérer sur les rayons des librairies cet ouvrage d’apparence modeste, publié par un éditeur qu’ignorent presque les grands médias et les institutions scientifiques : le travail et l’action sociale ne sont pas encore des disciplines prestigieuses pour nos académies ! [...]

On a sans doute repéré son origine en notant le nom de son éditeur : les auteurs sont aussi des membres d’ATD Quart Monde, et ils nous livrent ici quelques bribes de l’expérience réfléchie de cette exceptionnelle aventure « réussie » (au moins en ceci qu’elle n’a pas encore échoué !). Chacun, aujourd’hui, reconnaissant ce nom, sait aussi qu’il vit dans une société qui cherche à ignorer l’extrême pauvreté qu’elle porte en elle. Ne peut-elle « nouer cette alliance entre ceux du dedans et ceux du dehors... rétablir la dignité de tous... et redonner sens à la mission des institutions ? ».

« Pour entreprendre cette recherche sur la manière dont le Mouvement ATD Quart Monde permet à la société de rejoindre les plus pauvres dans le combat contre la misère, le professeur Rosenfeld et moi-même avons choisi de recueillir les histoires de personnes ayant réussi à mobiliser une de leurs communautés ou de leurs institutions contre la grande pauvreté. ... De telles réussites font réfléchir : le citoyen, le professionnel, l’institution peuvent jouer un rôle dans la persistance ou la disparition de la grande pauvreté... » (B.Tardieu, p.22 ).

« A la fin de ce travail, je suis resté fasciné à la fois par la démarche d’apprentissage à partir des actions réussies et par son résultat... » (J.M.Rosenfeld, p.15 ).

Ces douze histoires nous sont souvent presque familières : chacun connaît l’Education nationale, l’EDF, le tribunal ou le menuisier voisin... Ces « réussites » nous disent les permanentes capacités d’invention rendues possibles par « le changement de regard » [...]

Je ne crois pas que le mot « complexité » apparaisse une seule fois dans tout l’ouvrage, mais il me semble qu’il constitue une illustration convaincante des pratiques autant que des théories de « la modélisation de la complexité, chemin faisant ». Ne devons-nous pas dès lors le trouver au cœur de notre vivante bibliothèque des sciences de la complexité ?

Extraits d’une note de lecture publiée par J.L. Lemoigne, professeur des sciences des systèmes à l’Université d’Aix-Marseille, dans la revue « Chemin Faisant... Lettre MCX N° 31 » (avril 1998).

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