« Ça commence aujourd’hui »

Marie-Jo Masurel

Référence(s) :

Bertrand Tavernier, Ça commence aujourd'hui, 1999 France, 1 h 57, Prix de la critique internationale 1999

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Référence électronique

Marie-Jo Masurel, « « Ça commence aujourd’hui » », Revue Quart Monde [En ligne], 185 | 2003/1, mis en ligne le 20 juin 2020, consulté le 25 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/9748

Ce film ne laisse pas indifférent ! Sûrement à cause de la justesse des relations qui se nouent entre Daniel, directeur d'école maternelle, les enfants et leurs parents. Dans un milieu populaire du nord de la France, ancien monde ouvrier où règne le chômage, nous approchons le vécu de familles en grande difficulté. Daniel considère les enfants et leurs parents comme des personnes normales. Il s’adresse à eux sans a priori ni jugement.

Il s’indigne mais tente de comprendre le pourquoi de leur situation. Par exemple, pourquoi cette maman ne parvient-elle pas à payer la modique somme de la coopérative scolaire ? Il découvre qu’en fin de mois les parents font leurs repas avec des biscuits secs trempés dans le café. En demandant à un papa, routier de profession, de venir faire une démonstration avec son camion pour les enfants, il s’appuie sur ce qui est une fierté pour ce père, alors que par ailleurs, sa famille connaît de grandes difficultés. Il s’intéresse ainsi à la vie des enfants et de leur famille. On sent bien que la façon dont l’enfant va pouvoir apprendre est très liée à ce qu’il vit dans sa famille, aux préoccupations qu’il porte, à la façon dont sa famille est reconnue et considérée par le milieu scolaire.

Ceci nous amène à ce que nous entendons souvent dans les écoles de nos enfants. « On n'est pas là pour faire du social. » Qu’est-ce qu’il y a derrière cette phrase ? Une peur de s’investir ? Une crainte d’être débordé, de ne pas supporter les difficultés vécues par des familles ? Daniel répond à un collègue : « Ce n'est pas du social qu’on te demande, c'est simplement de les écouter, de les regarder. » En fait, ce que suggère fortement le film, c’est de connaître les enfants et leurs parents, ce qui ne veut pas dire devoir résoudre tous leurs problèmes. Comment les enseignants peuvent-ils se préparer à cela et en parler entre eux ? C’est une autre question.

Certes le film nous met face à des situations difficiles. Que faut-il faire ? Comment procéder ? Un enfant ayant été maltraité par son beau-père, un signalement est fait aux services sociaux et il est retiré de sa famille. On entend le cri de la maman : « P’tit Jimmy, on me l’a pris hier. Les gendarmes sont venus avec une camionnette bleue, comme des voleurs. Comme si j’étais une moins que rien, une criminelle. Tu ne sais rien de ma vie ! Qui c’est qui va me le rendre, mon gosse ? » Nos institutions ont la main lourde quand il s’agit d'intervenir dans des familles en grande pauvreté.

Bertrand Tavernier a du talent pour honorer la vie au quotidien, il s’attache à l’humain. On lui a reproché d’avoir fait un catalogue de situations difficiles et d’avoir accentué la misère sociale. Chacune de ces situations reste pourtant vraie et, pour ma part, me donne envie d’aller encore plus loin dans la rencontre avec ces familles, de mieux connaître ce qu’elles portent d’espoir, d’amour, de courage, mais aussi de favoriser la rencontre entre les familles en détresse et le reste de la société. Je me demande comment l’école d’aujourd’hui va permettre à ces enfants de bâtir un avenir solide, où ils seront fiers de leur milieu, de leur savoir, d’appartenir à la communauté, comme tout un chacun.

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