Hakan Marty, Enfant mal placé

Éditions Max Milo, Paris, 2020, 278 pages

Daniel Fayard

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Hakan Marty, Enfant mal placé

Éditions Max Milo, Paris, 2020, 278 pages

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Daniel Fayard, « Hakan Marty, Enfant mal placé », Revue Quart Monde [En ligne], 259 | 2021/3, mis en ligne le 01 septembre 2021, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/10448

« Pour certains, (à 28 ans) je suis trop jeune pour écrire un livre », qui plus est une « autobiographie » ! Il faut dire qu’il s’agit là d’un poignant parcours de vie reconstitué par ce jeune auteur, confié à l’âge de 4 mois à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) par une ordonnance d’un juge des enfants à Rouen, placé successivement en pouponnière, en famille d’accueil, en centre éducatif, devenu éducateur spécialisé et directeur de colonie de vacances.

Une quête brûlante d’identité innerve ces pages : « le sentiment d’être un gamin de foyer, un sans-famille, un pas grand-chose...j’étais convaincu que ma présence sur terre n’avait aucune importance ... pourquoi m’avait-on fait subir toutes ces choses ?… J’étais à mes yeux le seul responsable...je devais savoir qui j’avais été pour comprendre qui j’étais... »

A 26 ans, Hakan récupère son dossier de l’Aide sociale à l’enfance ainsi que celui de sa mère. Des extraits de ces dossiers ouvrent chacune des étapes de son enfance et de son adolescence, des évaluations périodiques de ses comportements, de ses relations avec sa famille d’accueil, de sa scolarité, qui lui révèlent comment il avait été perçu par ses référents sociaux mais aussi lui apportent des informations sur des épisodes jugés importants pour son éducation et sur des contacts entretenus avec sa mère biologique. Son récit est, au fil du temps, de plus en plus enrichi par ses souvenirs personnels et par des témoignages qu’il aura recueillis.

Malgré les faits de maltraitance rapportés et les humiliations subies, il est surprenant qu’il ait toujours manifesté un attachement affectif indéfectible à l’égard de la maman de sa famille d’accueil. Il aura la chance de rencontrer sur sa route des éducateurs qui l’ont soutenu durant sa scolarité, lui ont permis de réussir le baccalauréat (le seul jeune du centre éducatif à atteindre ce niveau), d’acquérir progressivement les moyens de son autonomie, de découvrir sa vocation d’animateur, de militant pour le respect des droits de l’enfant et pour une autre politique de l’enfance en France.

L’aspect le plus émouvant de ce récit est ce que Hakan appelle son enquête pour en savoir davantage sur l’histoire de sa famille, pour mieux connaître sa mère en particulier, pour comprendre pourquoi trois générations ont été détruites par le placement. Il va réussir à converser avec sa grand-mère, à rencontrer trois hommes qui ont fréquenté sa mère et dont l’un d’eux est probablement son père, à recevoir les confidences de deux amies de sa mère. Il obtiendra même le rapport d’autopsie de celle-ci, qui lui révèle sa mort tragique.

« Je suis sûr d’une chose, moi qui suis enfant de l’ASE depuis trois générations, je sais que je ne répéterai pas l’histoire, j’ai conscience de ce que je dois à mes futurs enfants : de l’amour, beaucoup d’amour, du respect et de la bientraitance »

Daniel Fayard

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