« Liberté et égalité ne représentent pas la quadrature du cercle, comme on se plaît à le dire aujourd’hui. Une clé au problème nous avait été proposée, voici deux siècles, sous le terme de fraternité. On n’en parle pas souvent, à croire qu’il ne s’agirait pas, là, d’une notion politique au même titre que pour les deux autres. Or, la fraternité, en termes politiques, n’est-ce pas un certain regroupement des soucis et intérêts autour du frère le plus vulnérable ? À moins qu’il ne s’agisse de fraternités particulières, n’est-ce pas ce renversement des priorités consistant à investir, mieux et plus qu’ailleurs, au plus bas de l’échelle sociale ? » Ces lignes1 auraient pu être reprises, telles quelles, par les auteurs du livre Votez Fraternité ! Trente propositions pour une société plus juste.
Publié sous la direction d’Antoine Arjakovsky et de Jean-Baptiste Arnaud, codirecteurs du département Politique et religions du Collège des Bernardins à Paris, ce livre, fruit d’une démarche collective s’étalant sur deux années, présente 30 propositions aux candidats à l’élection présidentielle. La Revue Quart Monde a contribué à cette réflexion, et est partenaire de sa publication.
« La fraternité est le parent pauvre du triptyque républicain, mais c’est celui qui le fait tenir ! », affirme Antoine Arjakovsky. La remettre au centre, au moment où le mouvement des gilets jaunes d’abord, la pandémie ensuite, ont révélé le besoin vital de considération, de fraternité, de démocratie de nos sociétés atomisées est un impératif, alors qu’avec l’élection présidentielle d’avril prochain, la France se trouve face à des choix fondamentaux.
En consacrant, en 2018, un « principe de fraternité » en réponse aux poursuites visant Cédric Herrou2, le Conseil constitutionnel a ouvert un chemin. Les auteurs balisent ce chemin avec trente propositions qui sont autant de bornes sur la route, pour que nous ne nous perdions pas et gardions le cap. Impossible de les reprendre toutes ici. Épinglons cependant, dès l’introduction, cette affirmation : « Le souci des pauvres est l’antidote au fanatisme. Pour transformer notre vision du monde, le point de départ que nous proposons est d’écouter Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde, et de commencer par accorder la “priorité au plus pauvre” comme guide inébranlable de notre action ». Pas étonnant dès lors que les trois premières propositions, regroupées sous le titre Inclure les plus pauvres dans la démocratie, demandent entre autres d’associer directement les plus démunis à la création de la loi.