Émilie Tôn. “Des rêves d’or et d’acier

Éd. Hors d’Atteinte, 2022

Didier Jaubert

Référence(s) :

Émilie Tôn. Des rêves d’or et d’acier. Éd. Hors d’Atteinte, Domaine du Possible, 2022, 397 p.

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Référence électronique

Didier Jaubert, « Émilie Tôn. “Des rêves d’or et d’acier” », Revue Quart Monde [En ligne], 267 | 2023/3, mis en ligne le 01 septembre 2023, consulté le 09 mai 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11169

À partir des conversations avec son père et de ses propres voyages au Vietnam, l’autrice nous fait découvrir l’incroyable destin souvent tragique de son père Liêm, tant aimé et admiré, à la vie plusieurs fois brisée, et qui lui a laissé un bel enseignement : « Quand on a tout perdu plusieurs fois, on n’a plus peur de se lancer. »

Né d’un père issu de la minorité cham et d’une mère bouddhiste, élevé dans la culture musulmane cham, Liêm est marqué par des drames familiaux (deux frères morts jeunes, sa mère décédée au Vietnam juste avant qu’elle puisse venir le rejoindre en France). Il est aussi bouleversé par la grande Histoire, les guerres du Vietnam et du Cambodge : dans les camps de réfugiés il a connu la misère, l’insalubrité, la malnutrition, la lutte pour se nourrir et nourrir sa famille, la violence, la maltraitance généralisée des gardiens de camp. Adolescent au Vietnam, il rêvait de réussir par le sport : football, puis boxe thaï.

Le père de Liêm, Youssouf, personnalité de la communauté cham, a été sénateur à Saigon avant le départ des Américains. Déçu par le nouveau régime communiste, il se décide à partir et va vivre un parcours de réfugié, déclassé et fragilisé. Liêm quitte alors le Vietnam pour la France en 1980 à l’âge de 18 ans. Il doit abandonner l’idée de reprendre ses études et de retourner au Vietnam. Il sera ouvrier en Lorraine pendant plus de 30 ans.

Émilie Tôn raconte avec émotion la tristesse de son père dans son nouveau pays si froid et si pluvieux. Il épouse une française contre l’avis de sa famille cham et est naturalisé en 1997. Son bonheur est de devenir père d’Émilie en 1991. Il est confronté au racisme ordinaire, aux humiliations, à la bureaucratie française, aux logements sociaux précaires et à un travail épuisant, mal rémunéré et peu reconnu. Il maîtrise mal la langue française et en a honte. Sa fille en a également honte pour lui à l’époque et avoue aujourd’hui avoir honte d’en avoir eu honte. Malgré la pauvreté, il maintient sa dignité, l’hospitalité pour sa famille, l’éducation pour sa fille pour laquelle il nourrit une ambition. Malgré la tristesse de la voir partir à 17 ans pour ses études à Paris, il la soutient et l’encourage pour qu’elle puisse devenir journaliste.

Didier Jaubert

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