Léonora MIANO. “Stardust

Éd. Grasset, 2022

Jean Tonglet

p. 61-62

Référence(s) :

Léonora MIANO. Stardust. Éd. Grasset, 2022, 220 p.

Citer cet article

Référence papier

Jean Tonglet, « Léonora MIANO. “Stardust” », Revue Quart Monde, 269 | 2024/1, 61-62.

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Jean Tonglet, « Léonora MIANO. “Stardust” », Revue Quart Monde [En ligne], 269 | 2024/1, mis en ligne le 01 mars 2024, consulté le 27 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11326

On connaît Léonora Miano, écrivaine franco-camerounaise pour ses romans, notamment L’intérieur de la nuit, Afropea, Rouge impératrice, plusieurs fois lauréats de prix prestigieux. Voici qu’à l’âge de 50 ans, elle publie un livre – le premier qu’elle avait écrit, il y a plus de 20 ans, et qu’elle n’avait jamais publié. Elle y raconte, sous son deuxième prénom, Louise, sa propre plongée dans l’univers de la précarité. À la troisième personne, elle introduit ainsi son récit : « Lasse de l’errance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès d’un garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. C’était le seul moyen d’empêcher la haine de s’installer là où il n’y avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cœur la plus belle part de lui. Alors qu’un soleil pâle s’apprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit : ‘Je pars avec la petite’. Pas un mot de plus. »

Avec beaucoup de réalisme, elle décrit les mois passés dans un centre d’accueil pour femmes rue de Crimée à Paris. Il faut survivre, et pour survivre se battre pour le contenu d’un sac de vêtements qui vient d’être donné. Il faut survivre, et donc d’une certaine manière, se distinguer des autres, ne pas sombrer comme les autres femmes, tenir la tête hors de l’eau,…

La description du mal-être des préposés à l’aide, eux-mêmes marginalisés, dévalorisés par la société et ses élites politiques et administratives est elle aussi cruellement réaliste.

Enfin, Léonora Miano consacre quelques pages aux militants qui se proposent de venir en aide à ces femmes. De ceux qu’elle appelle les « cavaliers de la fin de l’injustice sociale », elle dresse un portrait saisissant : « Bourrés de caféine, de nicotine. Assoiffés, eux aussi, de reconnaissance. Ils veulent monter un show. Rentrer dans le lard du Système. Lui tailler des croupières au péril de leurs vies à elles, les femmes de Crimée. Ils ont choisi ce créneau après mûre réflexion. Sur les autres champs de bataille, les généraux sont connus. Ils doivent être les premiers quelque part. Faire connaître leur association. L’installer. Qu’elle devienne incontournable en matière de droit à l’habitat. (…) Si les choses tournent au vinaigre, ils s’en tireront avec les honneurs. Passeront pour des citoyens volontaires. Concernés. Prêts à risquer une courte garde à vue pour la cause des sans domicile. Ils ne disent pas comment ils comptent les protéger. Ces femmes de Crimée qui leur font confiance. Naïves comme des fillettes. (…) Louise refuse de se fier à des gens qui admettent, de manière implicite, le principe des dégâts collatéraux. Pour elle, leur logique est la même que celle de l’ennemi qu’ils prétendent combattre : ils se servent des faibles pour arriver à leurs fins. » Cruel sans doute, excessif peut-être, mais tellement salutaire.

CC BY-NC-ND