Les dernières semaines de décembre 2005 marquaient le funèbre anniversaire du tsunami. Avec une volontaire d’Atd Quart Monde qui vient de rejoindre notre équipe d’Atd Quart Monde en Thaïlande, nous sommes allés dans le Sud sur des lieux du sinistre. Nous avons pu rencontrer des petites organisations thaïlandaises. Certaines espèrent être soutenues pour poursuivre leurs projets auprès et avec les victimes du tsunami.
Dans l’île de Koh Libong, une forte solidarité a réuni les habitants pour reconstruire les maisons et les bateaux endommagés. Toutefois, un an après, des bateaux attendent toujours dans les broussailles d’être réparés. Mais les journaliers dans les plantations d’hévéas sont et restent les plus pauvres de l’île.
Dans l’île de Koh Mook, des bateaux ont été projetés sur le rivage et la vague a traversé les maisons. Dans la peur, des familles se sont réfugiées dans la montagne. Puis, avec le trop plein de l’humanitaire, des tensions et des jalousies se sont instaurées entre les villageois. Les riches propriétaires de bateaux se sont enrichis et d’autres familles errantes, oubliées entre la Malaisie et la Thaïlande restent dans le silence, exclues des communautés parce que non issues de cette île.
Derrière le luxe touristique de l’île de Phuket, vivent des milliers de travailleurs immigrés birmans. Je revois Yi, debout dans l’encadrement de l’unique porte et fenêtre de sa minuscule baraque d’un slum sur pilotis en bordure d’un canal. Excepté une grande sœur restée en Birmanie, tous les membres de sa famille sont morts. Après le suicide de ses parents, à quinze ans, elle a fui la Birmanie pour venir en Thaïlande. Maintenant, elle rêve d’avoir un enfant et pleure encore son quatrième bébé qu’elle n’a pas eu. Elle vit chaque jour, entre la peur des contrôles policiers et l’attente interminable d’un mari marin sur un bateau usine.
Toujours sur Phuket, je me souviens de ces femmes birmanes travailleuses sur des chantiers de construction. Elles se sont refusées pendant quatre années à avoir un enfant de peur d’être arrêtées par la police et jetées en prison pour cela.
Un peu plus au nord de Phuket, dans la petite ville de Khuk-Kat, existe un village de pêcheurs Moken (nomades de la mer) sédentarisés. Ici une vague géante de plus de douze mètres est entrée à plus de deux kilomètres dans les terres, détruisant tout sur son passage. Au village de pêcheurs Moken, quarante deux personnes ont péri. Seuls vingt corps furent retrouvés. L’esprit ou le fantôme de ceux restés sans sépultures hantent encore la mémoire des enfants comme des adultes, de jour comme de nuit. Je me souviens d’un pêcheur de ce village. Il vit maintenant dans une nouvelle maison. Il a reçu un nouveau bateau et un moteur tout neuf. Il passe ses journées à faire de grands filets de pêche. Mais, depuis le tsunami, un an après, il n’a pas encore eu le courage de reprendre le chemin vers la mer Andaman. Il ne sait pas encore combien de temps il lui faudra pour faire le deuil de toutes ses peurs et reprendre la mer.