William ACKER. “Où sont les ‘Gens du voyage’ ?

Une histoire actuelle de l’anti-tsiganisme. Éd. du Commun, 2021

Brigitte Bureau

Référence(s) :

William ACKER. Où sont les « Gens du voyage » ? Une histoire actuelle de l’anti-tsiganisme. Éd. du Commun, 2021, 285 p.

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Brigitte Bureau, « William ACKER. “Où sont les ‘Gens du voyage’ ?” », Revue Quart Monde [En ligne], 270 | 2024/2, mis en ligne le 01 juin 2024, consulté le 24 octobre 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11440

En 2019, suite à l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen, William Acker est amené à défendre les intérêts des occupants les plus impactés vivant sur l’aire d’accueil pour gens du voyage installée au pied de l’usine. Juriste et lui-même issu d’une famille de voyageurs, l’auteur découvre que la France ne dispose d’aucun recensement des lieux d’accueil assignés aux gens du voyage. Il décide de combler ce manque et publie une cartographie de toutes les aires, décrivant leur localisation, leur état, leur fonctionnement… Le recensement des aires « d’accueil » des gens du voyage sur tout le territoire établit clairement une relégation presque systématique dans les zones les plus polluées et les plus dangereuses, là où aucun être humain ne devrait être contraint de séjourner et encore moins de vivre. Cette approche originale a valu à cet ouvrage le prix du livre de l’écologie politique en 2022.

Son travail ayant soulevé un grand intérêt William Acker le complète par le présent livre, dans lequel il analyse plus largement ce que cette cartographie dit de l’anti-tsiganisme constant dans l’histoire des mentalités mais aussi dans la législation et l’organisation de notre société pensée par et pour les sédentaires.

L’évolution des lois depuis la fin du XVIIIe siècle montre comment le législateur s’est attaché à encadrer, ficher, contrôler les personnes jamais admises à une pleine citoyenneté du fait, surtout, de leur mode de vie itinérant.

Le point de vue de l’intérieur porté par l’auteur rend également très intéressante sa réflexion sur la façon dont les personnes sont nommées et/ou se nomment elles-mêmes, et ce que ces noms disent de la place qui leur est assignée par la société. William Acker critique par exemple l’utilisation de l’expression « communauté des gens du voyage » qui ne repose sur aucune réalité et sert souvent à la stigmatisation. Pour lui, insister sur les différences (d’origine, de religion, de positionnement par rapport aux « gadgés » et à leur mode de vie…) ne sert qu’à accentuer les divisions déjà à l’œuvre entre les personnes elles-mêmes et leurs représentants, et à justifier les pratiques clivantes de la société (la dernière en date étant de distinguer les gens du voyage français et les Roms étrangers). C’est pourquoi l’auteur propose de s’en tenir à l’expression « gens du voyage » qui renvoie à ce fondement commun de leur culture, le « Voyage », dont le sens et la portée vont bien au-delà de l’itinérance, et qui constitue leur écart à la norme, écart qui, comme celui de toutes les minorités, pourrait enrichir la société au lieu de justifier le rejet.

Brigitte Bureau

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