Jérôme Tournadre est sociologue, chargé de recherche au CNRS et a écrit plusieurs ouvrages sur l’Afrique du Sud contemporaine. Celui-ci est issu d’une recherche menée entre 2012 et 2018 dans un quartier pauvre de la ville de Grahamstown, et plus précisément auprès de l’Unemployed People Movement (UPM), Mouvement des sans emploi, emblématique des nombreuses organisations créées et portées dans les quartiers pauvres par les habitants.
L’étude s’appuie sur les outils et méthodes habituels ainsi que sur la littérature existante mais aussi sur une immersion de l’auteur dans le quotidien de l’UPM et de ses militants. L’ordinaire de la vie des membres est d’ailleurs l’objet de la recherche, plus que les bases idéologiques et les modes d’action de leur mouvement.
Le livre décrit le déroulement d’une journée à la permanence, les conversations à bâtons rompus, les visites, les tâches matérielles. Il fait surtout parler de leur parcours et de leur vécu des militants engagés pour leur communauté et en même temps concernés par les revendications de leur mouvement : l’absence de logement digne, les privations d’eau, d’électricité, le manque de travail, de ressources qui empêchent par exemple d’organiser des obsèques, les problèmes de voisinage, etc.
C’est à partir d’observations apparemment anodines, des confidences des uns et des autres en dehors des enquêtes formelles que l’auteur développe des concepts et des aspects de la réalité qui lui semblent utiles à la compréhension de ces mouvements : la communauté, le rôle du leader issu de la communauté et reconnu par elle, la politique du proche ou politique protestataire par opposition à la politique politicienne des partis. Le livre est ainsi un maillage de portraits tout en nuances et de petits événements à partir desquels se dessine la société post apartheid dans laquelle les pauvres, noirs pour la plupart, et toujours ségrégués économiquement, continuent à revendiquer leur dignité.