Île Maurice : une collaboration entre associations

Patricia Adèle Félicité, Brijitte François, Josiane Fidèle, David Antonique, Gaëlle Delorme et Alain Fanchon

p. 33-35

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Patricia Adèle Félicité, Brijitte François, Josiane Fidèle, David Antonique, Gaëlle Delorme et Alain Fanchon, « Île Maurice : une collaboration entre associations », Revue Quart Monde, 272 | 2024/4, 33-35.

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Patricia Adèle Félicité, Brijitte François, Josiane Fidèle, David Antonique, Gaëlle Delorme et Alain Fanchon, « Île Maurice : une collaboration entre associations », Revue Quart Monde [En ligne], 272 | 2024/4, mis en ligne le 01 juin 2025, consulté le 13 juin 2025. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11542

Les Universités populaires Quart Monde à l’île Maurice – Liniversite Karmond Moris – résultent d’un cheminement commun du Mouvement ATD Quart Monde et d’autres organisations, qui a débuté en 2004.

Les différentes associations qui participent aujourd’hui aux Universités populaires Quart Monde ont adhéré aux valeurs du Mouvement et à l’esprit de son fondateur le père Joseph, lors d’un travail sur le Croisement des savoirs1. Elles ont ensuite été emmenées à participer à un travail de recherche sur les Dimensions cachées de la pauvreté réalisé en 20202.

Les séances plénières des Universités populaires Quart Monde de l’île Maurice se déroulent dans les locaux de l’Institut Cardinal Jean Margeot à Rose Hill, lieu de savoir et de connaissance au niveau du diocèse et lieu symbolique qui valorise vraiment les paroles des familles. L’ICJM apporte aussi son assistance technique dans la rédaction des comptes-rendus des plénières.

Des personnes et des associations courageuses

Alain : « C’était un véritable challenge de faire l’Université populaire en partenariat avec d’autres ONGS. Cette nouvelle démarche a été initiée par Martine Le Corre et Maggy Tournaille3 qui ont rencontré chaque ONG pour expliquer la démarche et les ont accompagnées dans leur première rencontre de préparation avec les familles participantes.

Après l’envoi de la lettre d’invitation avec le thème, il faut relancer les animateurs d’ATD et des autres ONGS pour encourager pour la préparation, pour qu’ils envoient leur compte rendu de préparation avant la plénière, qu’ils donnent leur estimation du nombre de participant·es adultes aussi le nombre d’enfants qui vont être déposés au local d’ATD durant la plénière. C’est Audrey4 qui a fait ça pendant longtemps, et après son décès, il nous fallait continuer. Le lien d’amitié existant avec les animateurs aide beaucoup pour cela.

Il y a des familles pour qui il est très important de participer : lors d’une plénière, une maman est venue avec son bébé alors qu’il n’y avait aucune personne de son quartier présente, ni animateur ni autres participants. Je lui ai expliqué qu’elle devrait laisser son bébé au local d’ATD et qu’il serait bien avec les animateurs de la garderie. Du coup elle était rassurée de pouvoir laisser son bébé et elle a été parmi les premières à prendre la parole ce jour‑là.

Le déroulement des séances plénières est riche. Courageuses, les personnes n’hésitent pas à prendre la parole ; d’autres prennent plus leur temps, il y a parfois des larmes, des cris de colère, l’impatience que les choses ne changent pas : ‘Est-ce qu’il faut que nous descendions dans la rue pour qu’on soit écouté et que l’école devienne enfin un lieu d’accueil et de réussite pour nos enfants ?’, avec cette phrase forte d’Antonio : ‘ La famille est la base et la racine de tout’.

C’est parfois plus difficile pour des associations d’aide qui n’ont pas de lien continu avec les familles. Brijitte : ‘À ATD vous êtes avec des familles pendant des années, alors que nous, nous sommes souvent dans l’aide ponctuelle et parfois on ne revoit pas les familles.’

Nous nous sommes donné un temps de deux ans pour cette nouvelle initiative et ensuite nous évaluerons en novembre 2024. Déjà certains, comme la Fondation Joseph Lagesse qui est venue en force avec les familles avec qui ils sont engagés, ont dit leur envie de continuer l’Université populaire Quart Monde ainsi que l’animation des séances plénières.

Patricia : « En tant qu’animateurs de plénière, l’accompagnement de Martine nous aidait beaucoup, Gilbert et moi. Elle faisait le même travail que nous, on lisait chacun tous les dix comptes-rendus. Elle nous aidait à préparer la plénière : le programme, dégager les points importants. »

Josiane : « En tant qu’alliée d’ATD Quart Monde, j’ai d’abord vécu une première expérience d’Universités populaires où nous n’étions qu’entre membres d’ATD. Après le travail sur les dimensions cachées de la pauvreté, les Universités populaires ont été ouvertes aux différents partenaires qui ont cheminé avec nous. Pour moi, c’était un moment fort de voir des familles, qui ne se connaissaient pas, se rencontrer. C’était un beau partage et les familles, qu’elles soient venues via ATD ou d’autres associations, ont réalisé qu’elles vivaient les mêmes réalités. »

Patricia : « Elles se sont découvertes entre elles et ont tissé des liens. Elles disent même maintenant qu’elles font partie de la même famille. Les familles d’ATD pensent et sont en solidarité avec les familles d’autres quartiers accompagnées par d’autres associations.

Avant, quand on accompagnait une famille pour des démar-ches, c’était Christiane qui présentait la situation devant les interlocuteurs. Avec les UPQM, elle s’est rendu compte de l’importance d’encourager les familles à parler elles‑mêmes.

Une fois, lorsqu’on travaillait sur le thème de la violence institutionnelle, elle avait raconté à quel point un officiel qu’elle avait rencontré avec une famille avait était touché que ce soit la famille elle-même qui explique sa situation.

Par contre, l’une des difficultés que nous avons rencontrées est que quand on a fait appel à des officiels pour les plénières, ils restaient un peu passifs. Heureusement, nous avons pu rencontrer d’autres invités qui ont pu découvrir le monde des familles et mettre des mots sur ce qu’elles vivent, sur leur réalité. »

David : « Il y a aussi eu la participation des jeunes. Les militants adultes avaient encouragé les jeunes à être ensemble dans ces rencontres de partage avec eux parce que ce sont eux qui vont pouvoir continuer à combattre toutes ces injustices, ces difficultés de la vie. Ces derniers temps, j’ai vu qu’il y avait pas mal de jeunes dans les différents groupes des partenaires et d’ATD. »

Patricia : « Nadine, une alliée du Mouvement, apporte également une aide précieuse en gardant les enfants dans les locaux d’ATD Quart Monde à Beau Bassin pendant que leurs parents assistent à la plénière à Rose Hill. »

Patricia : « Le fait d’avoir les comptes-rendus des préparations permet de mettre en valeur la contribution des personnes, même si elles ne peuvent pas venir le jour de la plénière. Les thèmes étaient jusqu’à maintenant réfléchis par Martine Le Corre et Alain Fanchon. Certains thèmes ont été décidés par rapport aux circonstances : le décès d’Audrey a par exemple permis de parler du deuil. L’équipe d’ATD assurait la coordination, était en lien avec les différentes associations. Les comptes-rendus étaient transcrits en créole et traduits en français pour Martine Le Corre. »

Mario : « Quand j’étais à Caritas, j’aidais les gens de mon quartier et aussi les enfants dans leur éducation car leurs familles n’avaient pas assez d’argent pour payer les frais d’inscription. C’est grâce à moi que Caritas a accepté de prendre en charge les frais d’inscription. Ensuite, j’ai découvert qu’Angela, Yona, Mary, Marie-Ange et Judex étaient avec les enfants Tapori5 et c’est là que j’ai découvert ATD. Lorsque Martine était là, j’ai été invité à la préparation d’une LKM6 sur le thème de la dignité. J’ai découvert que même si une personne est analphabète, on l’accepte. J’ai été accepté comme je suis. Lorsque j’ai vu Martine et Maggy, j’avais peur parce que je me demandais ce que j’allais dire comme je ne sais pas lire et pas écrire mais elles m’ont accueilli les bras ouverts. Ça permet aux gens d’avoir la chance de s’exprimer, de se sentir libres, à l’aise. Il n’y a qu’à ATD Quart Monde qu’on a une liberté d’expression. Ce qui m’a touché encore plus est cette Journée mondiale du refus de la misère durant laquelle j’ai pu parler en public. J’étais touché d’avoir la parole. Michel, le président d’ATD Maurice m’a dit : ‘Mario, tu es capable’. Il m’a donné cette confiance de m’exprimer. »

1 Le Croisement des savoirs est une dynamique permettant de créer les conditions pour que le savoir issu de l’expérience de vie des personnes qui

2 Entre 2016 et 2019, des équipes de recherche du Mouvement ATD Quart Monde et une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford ont travaillé dans

3 Martine Le Corre, militante d’ATD Quart Monde, déléguée générale du Mouvement de 2017 à 2021 et Maggy Tournaille, volontaire permanente.

4 Audrey Antonique, volontaire permanente mauricienne, décédée en mai 2023.

5 Action d’ATD Quart Monde dans plus de 20 pays, Tapori réunit des enfants âgés de 6 à 12 ans, de cultures et de milieux sociaux différents, qui

6 En créole : LKM = Liniversite Karmond Moris.

1 Le Croisement des savoirs est une dynamique permettant de créer les conditions pour que le savoir issu de l’expérience de vie des personnes qui connaissent la pauvreté puisse dialoguer avec les savoirs scientifiques et professionnels. Ces différents savoirs produisent une connaissance et des méthodes d’actions plus complètes et inclusives.

2 Entre 2016 et 2019, des équipes de recherche du Mouvement ATD Quart Monde et une équipe de chercheurs de l’Université d’Oxford ont travaillé dans six pays (États-Unis, Grande-Bretagne et France ; Bangladesh ; Tanzanie ; Bolivie) sur un projet visant à mettre en évidence, avec la participation active et authentique des personnes concernées, les éléments qui caractérisent l’extrême pauvreté et permettent de la mesurer. Voir https://www.revue-quartmonde.org/10299

3 Martine Le Corre, militante d’ATD Quart Monde, déléguée générale du Mouvement de 2017 à 2021 et Maggy Tournaille, volontaire permanente.

4 Audrey Antonique, volontaire permanente mauricienne, décédée en mai 2023.

5 Action d’ATD Quart Monde dans plus de 20 pays, Tapori réunit des enfants âgés de 6 à 12 ans, de cultures et de milieux sociaux différents, qui agissent dans leur environnement pour un monde plus juste, en inventant une manière de vivre qui ne laisse personne de côté. Voir https://www.atd-quartmonde.org/jeunesse/tapori/

6 En créole : LKM = Liniversite Karmond Moris.

Patricia Adèle Félicité

Secrétaire Générale de Caritas île Maurice

Brijitte François

Caritas

Josiane Fidèle

Alliée d’ATD Quart Monde

David Antonique

Volontaires d’ATD Quart Monde Maurice

Gaëlle Delorme

Volontaires d’ATD Quart Monde MauriceMario MaudarbacusEngagé à Caritas et militant d’ATD Quart Monde

Alain Fanchon

Allié d’ATD Quart Monde

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