L’identité légale : pratiques et avancées au Cameroun

Blaise Ndeenga

p. 13-14

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Blaise Ndeenga, « L’identité légale : pratiques et avancées au Cameroun », Revue Quart Monde, 273 | 2025/1, 13-14.

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Blaise Ndeenga, « L’identité légale : pratiques et avancées au Cameroun », Revue Quart Monde [En ligne], 273 | 2025/1, mis en ligne le 01 septembre 2025, consulté le 01 septembre 2025. URL : https://www.revue-quartmonde.org/11606

L’auteur dresse un aperçu de l’actuelle réforme du système de l’état civil dans son pays, le Cameroun, les dernières lois datant de 1981.

L’État du Cameroun avance vers d’importantes innovations pour le système d’enregistrement des faits d’état civil. Pour comprendre le grand intérêt de cet engouement, il faudrait d’abord rentrer dans la réalité, dans les problèmes et insuffisances qui gangrènent le secteur.

On a, à titre d’illustration, près de 7 millions de Camerounais de tous âges qui vivent sans actes de naissance à cause du faible taux d’enregistrement des faits d’état civil, surtout les naissances. Dans ce lot, se trouvent 1,5 million d’enfants en âge scolaire et dont plusieurs milliers appelés à passer les examens officiels.

Si la situation est alarmante dans les zones reculées à cause de l’éloignement des centres d’état civil, les grandes villes ne sont pas pour autant épargnées. À cela s’ajoutent d’autres difficultés comme la propension à la falsification des documents (les opérations étant manuelles), la lourdeur et les coûts élevés de certaines procédures d’actes d’état civil, l’absence d’une mise à jour régulière du système de recensement de la population, le nomadisme de certaines populations, l’analphabétisme, des blocages culturels, etc.

Pour inverser la tendance, plusieurs initiatives ont été menées : audiences foraines, campagnes d’établissement des actes de naissance dans des zones reculées avec le système mobile d’établissement des actes de naissance, qui consiste à envoyer des agents recenseurs auprès des populations retirées, le lancement du processus de digitalisation et d’informatisation dans les centres d’état civil de certaines collectivités territoriales, la création des bureaux d’état civil dans la quasi-totalité des formations sanitaires, des sensibilisations dans les écoles avec les partenaires et organisations locales et internationales, le lancement des campagnes d’information, la production de tracts et supports visuels, de sensibilisation dans les chaînes de radios et de télévision… Les résultats restent probants sur le terrain. On note une légère hausse des enregistrements. Cependant le sujet préoccupe d’autant plus les pouvoirs publics qu’il a même été au centre d’un conseil de cabinet des ministres au mois de juin 2024.

Comme résultats directs, il y a eu la finalisation d’un nouveau cadre législatif et réglementaire et un projet de loi a été soumis à l’Assemblée nationale avec de grandes nouveautés :

Digitalisation et numération

L’une et l’autre visent à promouvoir l’adoption des technologies numériques dans l’enregistrement des faits d’état civil. Si les deux ambitionnent de permettre une meilleure conservation des données, la digitalisation veut combattre les lourdeurs administratives, raccourcir les procédures d’enregistrement et accélérer la dématérialisation.

La numérisation permettra, d’après les textes, d’instituer un numéro d’identification personnel unique. Le code sera attribué à chaque personne à l’enregistrement de sa naissance ou de son acte dans les fichiers nationaux d’état civil. On aura donc une base de données informatisée, permanente et sécurisée des actes d’état civil électroniques et sous la forme papier ayant été numérisée.

Délais

Le texte rallonge à 12 mois le délai de déclaration des actes de naissance au lieu de 90 jours précédemment en vigueur. Ceci donne plus de temps aux personnes de se rattraper en cas de force majeure.

À côté du procureur, rentrent aussi dans le processus des délivrances des actes d’état civil, les sous-préfets et les chefs de village. Ceux-ci peuvent saisir les officiers d’établissement dont ils ont compétence à l’effet d’établissement de ces actes. Dorénavant chaque chefferie de village sera dotée d’un centre spécial d’état civil afin de mieux ramener le processus dans une proximité avec les populations.

Le sort des déplacés internes

Compte tenu des mouvements migratoires que connaît le Cameroun à cause de quelques instabilités, le nouveau texte intègre les personnes déplacées internes dans la délivrance et la reconstitution des actes d’état civil. Ainsi à l’exposé des motifs, celles-ci pourront se faire délivrer ces actes dans n’importe quelle partie du Cameroun.

Financement

Pour donner vie à cette nouvelle politique nationale, le nouveau système sera financé par un guichet créé auprès de l’organisme chargé de la gestion de l’état civil. Ses ressources proviendront d’une contribution spéciale fixée chaque année par l’État, des droits issus de la délivrance des copies et extraits du fichier national et enfin des contributions des partenaires au développement.

Blaise Ndeenga

Blaise Ndeenga est spécialiste en développement international et en stratégie des inclusions sociales. Il a fait toute sa carrière au sein du système des Nations unies. Actuellement il est consultant permanent au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et au sein de plusieurs organisations internationales. Il est membre d’ATD Quart Monde Cameroun.

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