Ouvrir l'horizon

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Ouvrir l'horizon », Revue Quart Monde [En ligne], 191 | 2004/3, mis en ligne le 05 février 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/1428

Albert Camus, dans Le Malentendu, faisait dire à une de ses héroïnes : « Si vous êtes fatiguée de votre vie, moi, je suis lasse à mourir de cet horizon fermé ». Les personnes et les familles en grande pauvreté ne meurent-elles pas, elles aussi, de cet horizon fermé dans lequel elles sont contraintes à vivre ? Comment percent-elles les murs ? Comment ouvrent-elles leur cœur et leur esprit ? A travers l’art et la création (théâtre, peinture, chant, sculpture, musique...), à travers la découverte d’un musée ou celle de la poésie, à travers la lecture mais aussi l’écriture, à travers le sport, à travers la vie spirituelle, elles manifestent leur désir de « casser les frontières », d’ouvrir leur horizon. Nous le savons. Nous en sommes témoins.

Ce numéro de la revue Quart Monde a cherché à offrir aux lecteurs un recueil d’expériences qui, dans le Mouvement ATD Quart Monde et au-delà, se déploient dans ce champ, sur tous les continents.

Bibliothèque de rues, festival du Savoir, chorale ou atelier chant, salle de bien-être, artothèque, semaine de l’avenir partagé, participation à des rencontres spirituelles, atelier informatique... : nombreuses sont les actions qui visent à élargir l’univers de celles et ceux que la misère enferme. Nombreuses aussi les initiatives que ces personnes ne cessent d’inventer elles-mêmes.

Pour réaliser ce dossier, nous avons invité des hommes, des femmes, des jeunes à s’exprimer sur ce qu’ils puisent dans ces temps de liberté et d’ouverture. Il en ressort une sorte de mosaïque dont chaque carreau, aussi fragile soit-il, construit avec les autres la fresque d’un avenir de liberté retrouvée. La liberté, le plaisir, la rencontre : ces mots reviennent tout au long des articles rassemblés. Mais aussi le travail, l’exigence, la maîtrise « des bras, des mains, des yeux, des pieds, de la bouche, des dents, des oreilles... La maîtrise des mots et des phrases, du rythme, du ton... La maîtrise de l’histoire et du silence qui la porte », comme évoquée par Laurens Umans dans sa Lettre à Anna.

Le panel ainsi réuni ne couvre bien sûr pas tous les champs du possible. De nombreux autres projets auraient pu être présentés. Que ceux qui le sont cette fois nous fassent sentir et aimer, en reprenant les termes de Jean Hurstel de Banlieues d’Europe, cette « fédération d’ouvreuses et d’ouvreurs d’horizon, qui cherchent à faire reconnaître l’égale dignité et la force de la parole de ceux qu’on dit sans parole, sans logement, sans argent, mais qui sont propriétaires de toutes les paroles, de tous les savoir-faire, de toutes les manières de survivre qui composent la face cachée du monde actuel »

Jean Tonglet

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