Les médias ont largement couvert le Sommet qui a rassemblé à Nice les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, en décembre 2000. Deux sujets ont largement dominé ces informations. D’une part, l’ensemble des responsables européens ont affirmé leur volonté d’élargir l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale. Mais les difficultés de cet élargissement n’ont pas été cachées. D’autre part, les négociations difficiles, pour ne pas dire les marchandages, auxquelles se sont livrés les quinze Etats pour rédiger le Traité de Nice ont été largement présentées. Sur ce plan, c’est le manque de volonté politique européenne, de vision d’avenir des chefs d’État et de gouvernement, de prise en compte de l’intérêt général qui a été souligné.
Or une transformation profonde du caractère même de l’Union a été décidée lors de ce Sommet, sans qu’aucun chef d’Etat et de gouvernement ne fasse la moindre communication directe et forte à ce sujet : à Nice, ont été adoptés des Objectifs de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale1. Ces objectifs sont fondés sur l’accès de tous aux droits fondamentaux, sur la prévention des exclusions, sur la mobilisation de tous les acteurs (y compris les personnes en situation de pauvreté ou l’ensemble des citoyens). Ces objectifs doivent être traduits dans des Plans nationaux pour l’inclusion sociale d’ici le 1er juin 2001. Ces Plans sont prévus pour une durée de deux ans. Puis les Objectifs seront adaptés et de nouveaux Plans mis en œuvre. Par rapport aux questions dites sociales, une telle stratégie n’avait été adoptée que pour l’emploi. C’est donc un tournant politique qui a eu lieu : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale est mise quasiment au même rang que le combat pour l’emploi. Elle a des objectifs ambitieux, inspirés de propositions faites depuis des années par le père Joseph Wresinski2 et par le Mouvement international ATD Quart Monde.
Pourquoi ce silence ? Est-ce parce que ces Objectifs sont trop ambitieux (et qu’ils vont notamment plus loin que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, signée, elle aussi, à Nice) ou parce que les chefs de gouvernement ne pensent pas que la lutte contre la pauvreté concerne tous les citoyens ? Pourtant les enquêtes d’opinion faites depuis ces dernières années dans les quinze pays membres de l’Union montrent que plus de 85% des Européens souhaitent que l’Union s’engage plus par rapport à la pauvreté et l’exclusion sociale.