Vieillir

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Vieillir », Revue Quart Monde [En ligne], 196 | 2005/4, mis en ligne le 05 mai 2006, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/201

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Vieillissement, Santé

Le vieillissement de la population suscite d’abondants débats sur la démographie, l’âge de la retraite, l’allongement des carrières professionnelles, la prise en charge de la dépendance, etc. Les conditions dans lesquelles les personnes du “ quatrième âge ” et leurs proches font face à l’allongement sensible de la durée de la vie sont sources de préoccupation. Mais les personnes qui vivent dans la pauvreté et la précarité sont-elles ou non présentes dans ces débats et peuvent-elles y faire entendre leur voix ? La possibilité de bien vieillir n’est pas une réalité pour tous. Elle ne l’a jamais été comme nous le rappelle l’enquête de Christine Piette, historienne, sur les femmes pauvres et vieillissantes au XIXème siècle. Les plus pauvres, frappés par la maladie, les privations de toutes sortes, les conditions d’existence qui sont les leurs, vieillissent avant l’âge et meurent prématurément : ils n’ont que rarement le droit de vieillir. Pierre Pierrard, dans l’entretien qu’il nous a accordé à l’occasion de la parution de son histoire des pauvres de France, confirme cette réalité. Anne-France Wittmann nous montre comment à notre époque “ vieillir en cité ”, c’est-à-dire dans un de ces quartiers dits sensibles - ceux-là même où la jeunesse a bien du mal à croire en la possibilité d’un avenir, comme les évènements de ce mois de novembre nous le révèlent - représente une double discrimination. Nous ne sommes pas égaux devant le vieillissement, constat qui peut sembler banal mais qu’il est bon de rappeler. Pas plus que “ les ” femmes ou “ les ” jeunes, “ les ” vieux ne sont exclus et marginalisés, en tant que tels. Ce sont toujours les femmes, les jeunes, les vieux, les enfants originaires des milieux les plus pauvres qui le sont, à tous les stades de leur vie.

Francine de la Gorce, Titinga Pacéré, nous montrent l’un et l’autre comment le vieillissement, le grand âge, avec toutes les difficultés qu’ils entraînent, ne se réduisent pas à elles. La présence d’aînés dans une famille, une communauté, un pays est aussi une chance, une possibilité de faire appel à l’expérience de ceux qui nous ont précédés dans la vie.

Encore faut-il, comme le rappelle Anna, que dans la vie quotidienne, il y ait encore quelqu’un qui prononce le prénom de ceux qui vieillissent. “ Si plus personne ne prononce mon prénom pendant des jours et des semaines, tu peux avoir tout ce que tu veux, mais c’est comme si l’air te manquait. Tu finiras par l’oublier toi aussi... ” dit-elle en invitant à partager une heure de notre temps, une heure de son temps. “ Vous ne me dérangerez pas, dit-elle. Cela m’intéresse de parler de ce qui se passe dans le monde et je serai heureuse d’écouter vos histoires. Pour devenir amis, pour compter pour quelqu’un ”.

Jean Tonglet

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