En guise d'entrée en matière, il serait tellement tentant de dire que le revenu universel minimal s'impose pour des raisons de dignité humaine. Il s'agit en première analyse de quelque chose d'aussi évident que le droit au travail. Chacun doit pouvoir trouver un épanouissement personnel et connaître un niveau de bien-être en phase avec l'évolution de la société.
On assiste à des changements en matière de sécurité sociale. Progressivement, la tendance s'oriente vers les droits individuels. Les mécanismes de droits dérivés ne sont plus toujours adaptés aux changements des structures familiales, etc. En soi, la notion de revenu universel semble donc s'inscrire dans cette tendance générale. Une série de questions vient cependant immédiatement à l'esprit.
Si l'on se prononce en faveur d'une allocation universelle, à quel niveau doit-elle se situer ? Si elle est assez élevée pour présenter un intérêt réel, comment la financer ? Quel est le rapport avec la création d’emplois ? Peut-elle apporter une réelle réponse aux problèmes des plus défavorisés ? L'allocation universelle ne serait-elle pas en définitive qu'un avantage supplémentaire pour des gens qui peuvent faire le choix délibéré de ne pas travailler parce qu'ils disposent déjà des moyens nécessaires ?
J’avoue que, suite à ces interrogations, je ne trouve pas de réponses vraiment satisfaisantes.
Il est par ailleurs permis de se demander si l'introduction d'une allocation minimale ne générerait pas une certaine forme de désolidarisation de la part des citoyens, du monde politique et des partenaires sociaux. Ne pourrait-on assister à des réactions qui pourraient ressembler à ceci : « Vous avez votre allocation universelle, maintenant il faut vous débrouiller » ?
Si dans le service documentation de la Centrale Générale des Syndicats Libéraux de Belgique (GSLB), on trouve énormément d'études sur le chômage, les groupes à risques, les personnes défavorisées, la réforme de la sécurité sociale et tant d'autres sujets proches, il est bien difficile de découvrir des publications qui établissent un lien évident entre l'introduction d'une allocation universelle et la lutte contre la précarité. Cela ne témoigne nullement d'un manque d'intérêt mais montre qu'en réalité, c'est un enjeu bien plus vaste qui est au cœur du débat.
La réforme de la sécurité sociale est bel et bien l'élément central. Dès la fin des années 70, il devenait clair qu'il fallait trouver des formes alternatives de financement. Des revendications qui à l'époque portaient avant tout sur des augmentations salariales ne tenaient pas compte de l'impact sur l'emploi.
Par ailleurs, on aurait pu constater bien plus tôt et oser admettre que dans la sécurité sociale il y a des domaines étroitement liés aux prestations de travail et une série de droits sociaux s’adressant en réalité à l’ensemble de la population.
Ces différents éléments constituent manifestement des facteurs plus probants dans l'examen d'une problématique où le débat se focalise souvent sur la réduction des charges.
Cette réduction est justifiée, même si des effets d’aubaine sont toujours à craindre et doivent être combattus.
L'important est que la reprise économique soit génératrice d’emplois et dans ce domaine il reste assurément aussi de la place pour des emplois industriels. Il convient de refuser le fatalisme qui est souvent propagé à ce sujet. Si l'on peut à juste titre être choqué par certaines caractéristiques des modèles anglo-saxons, il faut aussi pouvoir reconnaître que l’activité économique s’y déroule assez fréquemment de manière plus dynamique.
Il existe probablement des possibilités de trouver un plus juste milieu entre ce qui se passe dans notre pays et ce qui se passe ailleurs, sans pour autant renier les objectifs de progrès social.
Pour une concertation européenne
Satisfaire aux critères de Maastricht était sans doute indispensable dans une logique budgétaire. Mais donner aux gens l’impression que l’entrée dans l’Union économique et monétaire allait régler tous nos problèmes était profondément malhonnête. Cette attitude du monde politique a largement contribué à faire rejeter sur l'Europe tout ce qui ne va pas.
Il est clair que la problématique du revenu minimal et du droit au travail a une forte dimension européenne. Comment les différents Etats ne perçoivent-ils pas la fragilité de leurs politiques d’emploi, leur impuissance face aux délocalisations ? Sont-ils vraiment prêts à admettre que les politiques d'emploi et de fiscalité doivent trouver une place beaucoup plus grande au niveau européen ? Actuellement encore, le « repli concurrentiel » nuit gravement à la mise en concordance des politiques nationales et c'est le domaine social qui en supporte les conséquences.
Une politique crédible de réduction des charges sur le travail ne peut être dissociée de l'identification d'objectifs sociaux bien précis. A l'évidence, cela doit aujourd'hui se faire à l'échelon international.
L'introduction d'allocations sociales nouvelles ou différentes influence un nombre important de paramètres. Il est douteux qu'il soit encore possible de le faire de manière unilatérale quand il s'agit d'éléments fondamentaux. Pour autant que l'idée d'une allocation universelle puisse faire son chemin, ce n'est pas au seul niveau national que la question pourra être posée.
Actuellement en tout cas, d'autres pistes paraissent plus susceptibles de créer de l'emploi et par conséquence de générer des moyens en faveur du bien-être social et de l'épanouissement des individus.