Revue Quart Monde : Pourquoi avoir créer une entreprise d’insertion, l’ASPIC-ABBEI : Activités Bois Bâtiment Entreprise d’Insertion, dont l’unique actionnaire est l’ASPIC ?
Alain Goussault : L’ASPIC-ABBEI est une entreprise d’insertion dont le porteur de projet est une association de prévention spécialisée, l’ASPIC. Saint-Étienne-du-Rouvray, quatrième ville de Seine-Maritime, a connu un certain essor économique dans les années cinquante à soixante-dix grâce au développement de la pétrochimie. Avec l’arrivée de la crise en 1974, elle s’est trouvée confrontée à de grosses difficultés sociales. Certains intervenants sociaux ont alors demandé à la DDAS d’innover hors des services sociaux classiques. Ainsi émergea l’idée de prévention spécialisée et fut créée l’ASPIC.
Assez vite, à l’ASPIC, nous avons dû faire preuve d’inventivité face à la réalité de personnes dans l’impossibilité de suivre des formations professionnelles classiques et n’ayant que de petits boulots précaires. Vers 1980, nous avons voulu offrir aux plus exclus des jeunes adultes des activités économiques salariées de quelques mois, choisies parmi celles qu’ils accomplissaient de manière chaotique ou au noir. Ainsi, avons-nous fait des travaux forestiers, du ramassage de cartons et de ferraille, de la vente ambulante de frites, de la réparation de mobylettes, de la construction de planches à voile... A la fin de chacune de ces activités, les personnes recrutées embrayaient vite sur des solutions dynamiques d’insertion professionnelle. Nous étions donc convaincus que cette pédagogie de l’insertion-formation par la production, qui consiste à dire aux gens : « Au lieu de vous former pour avoir du travail, travaillez et vous demanderez vous-même une formation, parce que vous aurez compris qu’une qualification est nécessaire pour avoir un emploi. », était bonne.
Nous avons voulu aller plus loin et de façon permanente. En 1982-83, c’était l’époque des grands plans de réhabilitation pour les sociétés HLM. Là où nous intervenions, des entreprises du bâtiment très performantes techniquement avaient les chantiers, mais elles passaient à côté de la requalification sociale des quartiers. Forts de notre expérience, nous avons alors proposé à des maîtres d’ouvrage notre compétence d’insertion. Par rapport aux autres entreprises, nous possédions une valeur ajoutée. Nous mettions les gens qui dégradaient en position de réhabilitateurs, en misant sur un triple effet : l’insertion des « casseurs » ; la modification du regard porté sur eux - d’éléments perturbateurs, ils devenaient agents de développement d’une politique sociale positive du quartier - ; la modification complète du rapport entre le bailleur social et les habitants. La société HLM « Le Foyer Stéphanais », d’abord surprise, nous a confié la réhabilitation de deux tours dans les parties communes.
C'est ainsi que nous avons lancé l’ASPIC-ABBEI dans l’activité bâtiment, en employant trois maîtres ouvriers, en charge chacun de deux salariés en insertion. D’autres bailleurs sociaux se sont alors intéressés à nous. L’ASPIC-ABBEI, dont 95 % du carnet de commandes est lié à des marchés avec des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux, a pu offrir cette valeur ajoutée « insertion » à l’ensemble de ses clients. Ceci nous a amenés à définir l’entreprise d’insertion comme une entreprise qui, outre la valeur ajoutée économique, apporte une valeur ajoutée d’insertion avec de forts dividendes humains.
Puis nous avons cherché à développer l’entreprise de manière autonome, tout en gardant un lien étroit avec l’ASPIC. Nous avons alors créé une des premières filiales associatives, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), de France, dont l’unique actionnaire est l’ASPIC. Nous tenions à ce lien juridique pour ne pas nous écarter de notre objectif d’insertion. Pareille volonté suscite des débats très forts entre l’équipe éducative de l’ASPIC et l’équipe d’encadrement de l’ABBEI. La première souhaite l’embauche de quelqu’un que la seconde aimerait refuser pour cause de non-compétitivité ! Ceci oblige toujours à trouver une solution. Pour garantir l’articulation entre la logique de la prévention et celle de l’économique, le directeur de l’association ASPIC est gérant bénévole de l’ASPIC-ABBEI.
Cet actionnariat unique n’est donc pas qu’une simple prise de capital, il est la traduction d’une politique sociale associative. Il est la traduction d’un parti pris pour une articulation entre une activité sociale et une activité économique aux finalités multiples pour mieux prendre en compte la réalité des attentes d’une population déstabilisée par un cumul de handicaps d’existence.
Il est la traduction d’une volonté de mobiliser des professionnels sur le terrain de l’insertion sociale pour promouvoir d’autres modes d’actions et de rompre avec des réponses assistantielles peu en prise sur la réalité sociale et économique.
Cette pluridisciplinarité développe une capacité particulière à multiplier les collaborations entre le monde spécialisé de l’insertion et de l’action sociale, les acteurs économiques, les collectivités territoriales... Cette contribution au décloisonnement de ces différents domaines d’action, dont la mobilisation respective est indispensable à l’insertion, a une double incidence : elle enclenche pour le public pris en compte une réelle dynamique d’ouverture au monde dans sa diversité ; elle favorise chez les divers acteurs de la vie sociale, économique et politique une meilleure prise de conscience de la réalité sociale et de ce qui doit être entrepris pour faire place à tous comme citoyen acteur et porteur de valeur ajoutée au cœur même des flux économiques et sociaux.
RQM :·Que représente l’ASPIC-ABBEI ?
L’ASPIC-ABBEI est une PME du bâtiment dont l’unique objet est l’insertion des personnes exclues et marginalisées au travers de sa production. Elle a apporté cette valeur ajoutée insertion au travers d’une organisation sociale, d’une pédagogie, d’une économie d’insertion et d’un partenariat actif avec les « entreprises ordinaires ». Elle a été formatée comme une PME du bâtiment avec les mêmes règles fiscales et sociales que les entreprises de la profession. Ainsi bénéficie-t-elle d’une crédibilité effective dans son secteur d’activité et permet-elle aux personnes en insertion d’accéder à une participation sociale élargie. Elle emploie soixante-cinq salariés dont quarante-deux en insertion dans la menuiserie, peinture, maçonnerie, avec un chiffre d’affaire de production bâtiment de dix-sept millions de francs, ayant obtenu par la qualité de sa production la qualification de base de l’organisme QUALIBAT.
RQM :· Quels sont vos critères d’embauche ? L’ANPE compte-t-elle parmi ces acteurs ?
En liaison avec le Comité national des entreprises d’insertion, nous avons développé et mettons en œuvre le concept de prescripteur social, qui devrait être repris dans le projet de loi « prévention contre les exclusions ». Nous ne pouvons recruter sur des postes d’insertion que des personnes prescrites par des acteurs sociaux ou éducatifs. Totale et entière responsabilité leur est laissée pour dresser la liste de ceux qui peuvent tirer profit d’un passage dans l’entreprise d’insertion. Il est indispensable d’associer l’ANPE pour inscrire cette démarche dans une dynamique vers l’emploi et éviter de construire un service de l’insertion au service des exclus sans connexion avec le service public de l’emploi. Les salariés en insertion sont des demandeurs d’emploi, pouvant bénéficier des prestations « ordinaires » de l’ANPE. Des commissions d’insertion locales sont mises en place rassemblant les différents partenaires.
Réponse sociale parmi d’autres, l’entreprise d’insertion ne peut remplir pleinement son rôle qu’en instaurant et développant des liens étroits d’échange et de coopération avec l’ensemble du réseau local des dispositifs qui concourent à la lutte contre l’exclusion.
RQM :·La taille actuelle de l’entreprise, l’exigence de productivité dans la profession, les critères d’autosuffisance économique fixés par les Ministères, ne sont-ils pas des barrières pour les exclus du marché du travail ?
Comme toute entreprise d’insertion, l’ASPIC-ABBEI doit faire face à ces contraintes. L’organisation de l’entreprise est « retramée » régulièrement à travers le « tamis » du projet social lui-même enrichi au fur et à mesure de l’évolution de la situation économique et sociale et de l’expérience acquise.
L’insertion est affaire d’équipe mobilisable sur cet enjeu avec l’obligation de gagner chaque jour le pari de l’insertion et de la production, l’un et l’autre indissociablement liés dans la réussite. L’insertion est affaire de communication étroite entre tous ceux qui en ont la charge au quotidien. L’insertion est affaire de « compagnonnage » - cum panere – « manger le pain ensemble ». De ce fait, l’organisation de l’entreprise est basée sur des unités à taille humaine, des départements par corps d’état et surtout l’unité chantier avec ses particularités. L’organisation du chantier, la composition de l’équipe est pensée à chaque fois en fonction de l’objectif d’insertion au cœur de ces contraintes. Au même titre qu’un cahier des clauses techniques particulières est le référent de la production bâtiment, le chef de chantier et le responsable d’insertion écrivent pour tout chantier important un « cahier des clauses sociales particulières » qui a été élaboré par une étudiante de l’ESC - École supérieure de commerce1 - qui est allée pendant six mois sur les chantiers pour repérer et synthétiser les savoir-faire des compagnons d’insertion et leur manière de pratiquer l’insertion au quotidien. L’objectif est de concevoir tous les actes de l’entreprise comme des actes au service de l’insertion.
A l’heure actuelle et dans l’attente, à l’occasion de la loi « prévention contre les exclusions », d’une amélioration substantielle de la prise en compte économique au juste prix de la prestation insertion, les entreprises d’insertion sont malmenées économiquement. Les coûts salariaux ont augmenté en cinq ans de 24 %, la rémunération par l’État de la prestation insertion a connu, dans la même période, une baisse de 32,55 %. Certaines entreprises sont alors tentées de s’éloigner des fondamentaux de l’entreprise d’insertion en accueillant des salariés en insertion moins en déséquilibre social et professionnel. Le paiement au juste prix de la prestation insertion permettra de ne pas en rester à une insertion sociale, mais de conduire au quotidien une réelle démarche d’insertion par la confrontation au monde de la production, à ses exigences, aux règles sociales d’une entreprise. Cet investissement, les entreprises d’insertion l’ont démontré, a un fort dividende humain et aussi économique par les richesses produites et le retour dans les caisses sociales et fiscales des sommes investies.
RQM :·Quels sont les débouchés pour les salariés en fin de contrat d’insertion ?
Pendant toute une période, l’ASPIC-ABBEI a réussi à conduire les deux tiers des salariés en insertion vers une sortie positive : formation qualifiante ou embauche d’au moins six mois dans une entreprise de la profession. Depuis trois ans, du fait de la crise de la production bâtiment, le taux a baissé à 50 %, mais il est en train de remonter par les stratégies que nous mettons en place tant en interne qu’en externe.
Avant de les expliciter, il est important de noter que l’arrêt d’un contrat de travail sans solution n’est pas dans bien des cas, synonyme d’échec. Cela peut être bon pour l’insertion. En effet, le parcours d’insertion n’est pas linéaire, il peut être chaotique notamment au démarrage. A l’ASPIC-ABBEI, il arrive d’arrêter un contrat parce que le salarié en insertion n’arrive pas à entrer dans la logique des droits et devoirs fixés par la Convention collective. Il est important que ce salarié sache pourquoi et à quel moment il a dépassé la « ligne blanche ». Cela l’oblige à se repositionner et c’est souvent source de grands changements, même s’ils sont douloureux. Il n’est pas rare qu’il revienne quelques mois après et demande à reprendre là où nous nous sommes arrêtés ensemble.
Cela étant dit, notre objectif est de développer la fonction « passerelle vers l’emploi ». Nous mettons en œuvre deux axes stratégiques. Le premier est de préparer les salariés en insertion et l’entreprise à dynamiser le départ en agissant sur l’amélioration des compétences de base des salariés en insertion et en agissant sur les effets internes du départ. L’organisation des « vendredi de la formation » pour les salariés en fin de parcours où ils s’initient aux techniques de recherche d’emploi et sont guidés dans leurs démarches, améliore l’efficacité des recherches.
Le deuxième est de créer et développer des passerelles vers l’emploi. L’ASPIC-ABBEI l’a depuis plusieurs mois inscrit comme une priorité, en travaillant avec les « entreprises ordinaires » sur la gestion de l’insertion au service de la gestion prévisionnelle de l’emploi. D’une part, nous avons mis en place une agence d’intérim d’insertion puisque la profession recrute souvent après avoir validé les compétences, après un temps de mise à disposition de personnel. D’autre part nous développons des engagements communs avec les entreprises de la profession dans des chantiers avec clause de mieux disant social sur des parcours d’insertion durable et qualifiant.
RQM :·Quelle est l’histoire de ce partenariat avec les entreprises de la profession ?
Dès 1984, nous avons cherché à bâtir un vrai partenariat avec les entreprises, non seulement pour assurer des débouchés aux salariés en insertion, mais aussi pour questionner le monde du travail sur sa manière d’inclure ou d’exclure les travailleurs. Mais nous avons pris garde de ne pas servir de caution aux grands groupes du BTP qui jugeaient bon pour leur image de marque un tel partenariat. Nous comptions sur les PME locales et voulions réfléchir avec elles à une autre façon de produire et de raisonner ces questions d’insertion et d’exclusion. Notre première démarche a été mal reçue. Mais, puisque nous étions capables de créer la libre adhésion des personnes marginalisées, pourquoi aurions-nous été incapables de créer celle des PME ? Dès le passage de l’entreprise sous statut EURL, nous sommes retournés au syndicat patronal. Le président et le secrétaire général nous ont dit : « Vous remplissez les conditions d’adhésion. On ne peut vous la refuser, mais à vos risques et périls. » Depuis 1987, l’ASPIC-ABBEI est adhérente à la FNB (Fédération nationale du bâtiment) Rouen-Dieppe.
RQM :·Comment avez-vous été acceptés ?
Les sept premières années, nous avons subi de fortes critiques : concurrence déloyale, amateurisme. Certains prétendaient que nous obtenions les marchés grâce aux aides de l’État. En comparant le coût de l’apprentissage pour une entreprise du bâtiment et celui d’un salarié en insertion pour l’ASPIC-ABBEI, les anathèmes sont tombés. L’apprenti coûte moins cher que le salarié en insertion. De plus, un « bon patron », s’il investit du temps auprès d’un apprenti en contrat de qualification, se soucie du retour sur l’investissement. Ce temps lui coûte mais il réengrange en termes de compétence technique et professionnelle au service de son entreprise dans les années suivantes. Au contraire, l’entreprise d’insertion investit au profit des autres. Cela fut la clé d’ouverture à un partenariat fort, intelligent, qualitatif sur ces questions d’insertion.
RQM :·Quelles sont les bases de ce partenariat ?
Persuadés que nous arriverions à collaborer avec les autres entreprises de la profession, il fallait d’abord être infaillibles sur l’application des règles fiscales et sociales régissant la profession pour faire valoir nos droits et devoirs comme les autres. Ensuite, il fallait, positionné comme acteur économique, trouver des intérêts communs. Deux domaines ont été l’occasion de l’émergence de ces champs d’intérêt commun.
Le premier concerne la pyramide des âges des ouvriers des entreprises du bâtiment. Celle-ci est l’inverse des besoins, à savoir des ouvriers de chantier vieillissant et très peu de jeunes. Cela pose un gros problème de gestion prévisionnelle de l’emploi dans la profession. Ni la formation initiale ni la formation des adultes n’arriveront à compenser ce déficit. Le deuxième intérêt porte sur la valeur ajoutée insertion de l’ASPIC-ABBEI. Au syndicat, nous avons beaucoup travaillé la circulaire traitant des clauses additionnelles par rapport au mieux disant social. La FNB ayant attaqué celle de 1993, nous avons participé à l’élaboration d’une deuxième, en 1995. Selon celle-ci, tout maître d’ouvrage peut ajouter à son offre de marché public une clause de mieux disant social, par laquelle il oblige les entreprises qui vont répondre, à préciser leur projet en matière d’insertion.
Proposition a été faite aux PME du syndicat de faire des « attelages » pour répondre ensemble aux offres de marchés publics intégrant la clause de mieux disant social, l’ASPIC-ABBEI portant le volet insertion. Beaucoup de communes et de bailleurs sociaux faisant jouer cette clause, nous apportions un atout. Depuis 1992, nous bâtissons sur cette logique des partenariats très forts avec des entreprises du bâtiment. Ces dernières ont créé une société anonyme - le groupe 1 000 Normandie - dont les actionnaires sont essentiellement des adhérents du syndicat patronal. Ainsi est-il possible de répondre à des gros marchés, en cotraitant l’insertion à travers un programme établi à chaque fois en commun.
En fait, ces circulaires ont permis de développer avec des entreprises de la profession, la valeur ajoutée insertion. Avec le syndicat patronal, nous avons rédigé une charte de qualité par rapport aux clauses de mieux disant social, de plus en plus fréquentes dans les marchés publics. D’autres syndicats sont prêts à la signer. Cette collaboration, intéressante et réussie, prouve qu’une entreprise d’insertion peut être au service de la profession et au service des exclus.
RQM :·Ne risque-t-on pas de voir la clause de mieux disant social détournée comme l’a été l’obligation d’employer du personnel handicapé ?
C’est clair, toute obligation risque toujours d’être détournée ! Pour l’instant, les choses restent sur un registre qualitatif fort car il s’est développé une compétence d’ingénierie sociale et professionnelle auprès des maîtres d’ouvrage. Ceux-ci, tout comme ils ont des conseillers techniques sécurité, doivent avoir une personne compétente capable de les conseiller en matière de mieux disant social et de contrôler l’engagement d’insertion des entreprises. Les sociétés HLM ont des chargés de l’insertion par l’économique. Nous avons développé sur l’agglomération rouennaise une série de contrats avec les communes par rapport à cette ingénierie sociale et professionnelle dans le cadre des marchés publics. Et nous sommes en train de créer une agence technique, sorte de cabinet externe de conseil en ingénierie sociale et professionnelle auprès des collectivités locales et des entreprises.
De plus, avec le syndicat patronal du bâtiment et l’Union des entreprises paysagistes, a été projetée la mise en place d’un comité d’éthique qui pourra être saisi par tous les acteurs impliqués dans les marchés avec clause de mieux disant social. Il aura aussi pour mission d’être un observatoire de sa mise en œuvre, publiera annuellement ses conclusions. Dans ce cadre se réfléchit la possibilité de certifier les entreprises sur cette compétence au même titre qu’elles sont certifiées sur leurs savoir-faire professionnels.
RQM :·Au travers de ce partenariat actif, quel changement est en jeu ?
Très souvent, l’acteur économique se préoccupe du social par conscience citoyenne ou morale. Or ce partenariat ne va pas au cœur du fonctionnement économique. Cette façon de regarder l’exclusion est mauvaise : on donne le surplus sans changer ce qui est au cœur même de notre système. Une grande entreprise voulait ainsi créer un partenariat avec l’Union régionale des entreprises d’insertion. De haute technologie, elle voulait externaliser les postes de travail sans qualification qu’elle proposait à des entreprises d’insertion. Nous avons refusé net : « l’externalisation » est le début de l’exclusion.
L’insertion, étymologiquement, c’est prendre un caractère typographique et le remettre au milieu d’autres pour donner sens au texte. Revenir à cette origine de l’insertion donne tout son sens aux démarches entreprises. Il ne s’agit pas seulement d’être « passeurs » d’un état à un autre. Il s’agit d’écrire ensemble, exclus et inclus, un nouveau texte dans lequel chacun donne sens et cohérence par son positionnement de citoyen acteur productif. C’est à cette seule condition que le défi de l’insertion sera véritablement relevé et que l’inactivité forcée, mal de notre société duale, sera combattue.
L’insertion mais aussi l’écologie, la qualité de vie..., doivent devenir des « coins » obligeant la seule valeur ajoutée économique à prendre en compte des ingrédients nouveaux au service de la collectivité sociale. C’est grâce à ces « métissages inédits » qu’une recomposition permettra le positionnement de chacun comme citoyen producteur, apportant sa contribution, rémunéré à son juste prix, dans le développement socio-économique local.