Relation cherche médiation

Martine Hosselet-Herbignat

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Martine Hosselet-Herbignat, « Relation cherche médiation », Revue Quart Monde [En ligne], 211 | 2009/3, mis en ligne le 05 février 2010, consulté le 20 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/3427

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Médiation

Ceux qui vivent dans des conditions précaires témoignent que l'exclusion peut être vécue à plusieurs niveaux. La plupart du temps, ils sont effectivement exclus des circuits de participation, de décision, d'échanges culturels ouvrant l’espoir d’une vie meilleure, d’un univers mieux maîtrisé et toujours plus élargi. Mais les effets de la précarité sont également dommageables dans le domaine plus intime des représentations : les personnes ayant une longue et douloureuse expérience de l'exclusion finissent par intégrer les jugements négatifs dont elles sont l'objet, et par se voir elles-mêmes avec les yeux des autres.  L'enfermement dans un univers géographique restreint et la peur d’autrui s'organisent et se renforcent. Dans ces conditions, toute rencontre est biaisée et compromise, tout nouveau projet commun, inconcevable ; pas de terreau approprié pour laisser advenir cet instant de basculement, d'insécurité et de promesse provoqué par toute rencontre attentive et éveillée, comme le rappelle si bien Gérard Bailhache. Sans médiateurs créant des ouvertures et des prises de conscience, l'avenir serait chaos, non sens, violence.

Heureusement, des professionnels – mais aussi des personnes convaincues, tels les membres d’ATD Quart Monde au Burkina Faso -  font œuvre de médiation. Elles se forment en permanence à cette pratique qui ne s'improvise pas. Médiation familiale, judiciaire, bien sûr, mais également médiation s’exerçant dans des  contextes où on ne l’attendrait pas à priori : les esthéticiennes de l’Institut de Beauté solidaire se voient comme pourvoyeuses d’estime de soi,  - rejoignant en cela la réflexion de Joseph Wresinski, en 1965, sur les liens entre esthétique et  misère-  ; les membres du Forum permanent réalisent que des citoyens de pays aux relations compliquées peuvent trouver un terrain d’échange par le biais de l’engagement aux côtés des plus pauvres. Les technologies avancées de la communication, la création artistique introduites auprès de ceux qui en sont les plus éloignés, déploient, elles aussi, l’aptitude à vivre ensemble. Avec l’association ASMAJ, la parole d’évaluation est largement donnée à ceux qui bénéficient de la médiation : professionnels dont la pratique s’affine, mais surtout demandeurs, car « la première exclusion est celle de la parole et l’on ne peut traiter de la précarité et de l’exclusion sans écouter ceux et celles qui la vivent et qui demandent à en sortir ».

Martine Hosselet-Herbignat

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