Être antiraciste quand on est pauvre aux USA

Maria Victoire

Citer cet article

Référence électronique

Maria Victoire, « Être antiraciste quand on est pauvre aux USA », Revue Quart Monde [En ligne], 212 | 2009/4, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 29 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4385

Aux USA le mot « race » est encore souvent utilisé dans le langage courant et il n’est pas aussi choquant qu’en France de classer les individus par ce terme. En France il n’y a qu’une seule race, la race humaine. Au Québec on utilise plutôt le mot « origine ethnique ».

Index de mots-clés

Racisme

Index géographique

Etats Unis d'Amérique

L’histoire du racisme aux États-Unis comme ailleurs reste une histoire très complexe et difficile à aborder. Autrefois enracinée dans la différence entre race blanche et noire, on commence à parler, aujourd’hui, davantage d’origine géographique ou ethnique : asiatiques, latinos, amérindiens, sans que par ailleurs le racisme diminue. La société est devenue multiple. Or le débat sur la question raciale se conjugue avec celui sur les classes sociales sans trop de résultat. Si heureusement de nombreuses organisations des droits civiques luttent contre le racisme aux États-Unis, elles ignorent souvent, dans ce combat, l’extrême pauvreté.

Ne faudrait-il pas aborder le sujet de la lutte contre le racisme en même temps que la question de la lutte contre la pauvreté ?

Après l’ouragan Katrina, la ville de la Nouvelle-Orléans s’est vue du jour au lendemain peuplée de latinos venant du Mexique, du Guatemala, de Honduras, et d’autres. Ils sont venus nombreux pour aider à la reconstruction de la ville. Aujourd’hui ils sont plus de quatorze mille latinos immigrants dans la ville ; il faut des traducteurs partout, à l’hôpital, dans les écoles, etc. Il y a même un programme de radio et de télévision latino et beaucoup d’institutions ont besoin de traducteurs lorsque ces immigrants viennent demander de l’aide. La plupart de ces travailleurs sont pauvres, sans assurances, sans sécurité sociale, et avec le peu d’argent qu’ils reçoivent ils soutiennent leurs familles qui restent au pays.

À la Nouvelle-Orléans l’animosité entre les latinos et les afro-américains devient de plus en plus perturbante. Beaucoup de familles pauvres se plaignent et disent être envahies par des étrangers qui viennent voler leur travail, leur logement, que les « Mexicains » envahissent leur quartier. Elles disent : « Il faut qu’ils rentrent chez eux maintenant, ils prennent notre travail. Nous aussi nous sommes pauvres nous avons besoin de notre travail. » La peur de ces familles face à ce changement démographique ne leur permet pas de comprendre que ces familles latinos sont elles aussi des familles pauvres.

Pour que les pauvres afro-américains et mexicains s’entendent, se soutiennent les uns les autres et trouvent un terrain d’entente, les organisations des Droits civiques et des immigrants commencent à parler de la lutte contre le racisme « noir et marron ». Tandis que les communautés afro-américaines et latinos discutent entre elles, la communauté vietnamienne s’intègre dans la ville. L’année dernière pour la première fois un Vietnamien a été élu député parlementaire.

Parfois, j’arrive à dialoguer avec des familles pour leur faire comprendre combien il est dur de quitter son pays pour permettre à sa famille de survivre. Il n’a jamais été question de voler leur travail, un projet que les nouveaux immigrés n’ont jamais poursuivi. Plus même : il est certain que c’est un travail que les afro-américains ne pourraient de toute manière pas avoir, ni avant ni après Katrina, en raison de leur manque d’expérience dans le domaine de la construction.

Il faut savoir aussi que, pour le patron, cela revient plus cher d’employer un afro-américain que d’employer un latino, qui n’exige pas d’assurance et n’est payé qu’au jour le jour.

La lutte donc n’est pas contre les latinos mais bien pour l’accès au droit au travail de chacun. Le dialogue entre les communautés continue dans ce sens et plus nombreux sont ceux qui comprennent qu’il faut se rassembler pour le droit à un travail digne. Il y a un commencement à tout !

Maria Victoire

Volontaire permanente du mouvement international ATD Quart Monde

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND