Atelier B

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Atelier B », Revue Quart Monde [Online], Dossiers & Documents (2002), Online since 17 November 2010, connection on 19 April 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4939

Certains participants évoquent leurs préoccupations dès la présentation. Louise Lorphelin soulève un paradoxe : alors qu'on parle de plus en plus du droit de la famille, on n'a plus les moyens de faire, comme avant, un travail de prévention en amont avec la famille et les situations se détériorent à tel point qu'on procède à un « maximum » de signalements

Animateur : Paul Maréchal. ATD Quart Monde, Paris.

Participants :

Jean Anel. Directeur de service AEMO, Htes Pyrénées.

Laurence Barreau. Avocate, Service Droit des jeunes, Belgique.

Jacqueline Bellouard. ATD Quart Monde, Yvelines.

Henri Boulard. Magistrat honoraire, ATD Quart Monde, Ille et Vilaine.

Marie-Thérèse Buschmann. Militante Quart Monde, Yvelines.

Chantal de Casabianca. ATD Quart Monde, Paris.

Sylvie Deleu. Militante Quart Monde, Seine St Denis.

Colette Duquesne. Responsable adjointe circonscription d'action sociale, Hauts de Seine.

Françoise Fusier. Assistante maternelle, Seine et Marne.

Chantal Jagault. Militante Quart Monde, Loire Atlantique.

Georges de Kerchove. Avocat, ATD Quart Monde, Belgique.

Stéphanie Lallement. Maison de la Justice et du Droit, Seine et Marne.

Louise Lorphelin. Educatrice ASE, Val de Marne.

Delphine Sicart. Juriste, écoutante au SNATEM, Paris.

Pascaline Tolot. Avocat, Paris.

Henri Boulard observe que les décisions prises en urgence sont non seulement brutales et douloureuses pour la famille, mais ont aussi tendance à fixer une situation et à obérer ainsi l'avenir.

Colette Duquesne estime que les placements restent exceptionnels, mais qu'il est vrai que l'amont est insuffisamment pris en compte ; il y a parfois une tendance des services à « s'emballer ». Elle note aussi le contraste entre l'importance du dispositif qui existe pour réagir à une situation d'urgence liée à une maltraitance de l'enfant, et l'absence de moyens pour réagir à une situation d'urgence liée à des conditions sociales d'existence (insuffisance de nourriture, absence de logement, etc.), où l'on doit « se débrouiller avec les moyens du bord. » Il faut aussi penser l'urgence de ce côté-là.

Laurence Barreau pointe le dilemme que l'urgence pose aux travailleurs sociaux : d'un côté ils sont tenus au secret professionnel et donnent cette garantie-là aux personnes qui viennent les consulter, mais d'un autre côté, s'ils ne dévoilent pas un fait de danger grave, ils peuvent être accusés de non-assistance à personne en danger. Il y a deux notions contradictoires à mettre en balance. Il y a une difficulté qui est vécue par les familles parce qu'elles sont soumises à une certaine forme de violence, et il y a aussi un inconfort pour le travailleur social qui doit prendre une décision. Paul Maréchal note que ce point rejoint la question de la confiance, qui est beaucoup revenue dans la préparation de cette session par les familles. Laurence Barreau ajoute que cela pose aussi la question de l'accessibilité de la justice. Dans les situations d'urgence, en Belgique, il est extrêmement difficile pour les parents démunis d'obtenir un avocat qui puisse les défendre.

La discussion est introduite par la lecture des contributions préparées par trois militantes du Quart Monde.

Chantal Jagault :

« Je suis militante à ATD Quart Monde depuis bientôt vingt ans. D'abord, par ma propre expérience, je peux exprimer la séparation brutale, très brutale, avec le milieu familial. Lorsque j'avais 9 ans j'ai été séparée de mon père et de mon frère pour qui j'avais une grande adoration, c'était pour moi un dieu. Mes parents ont divorcé, mon frère avait 6 ans et il a vécu avec mon père. Dans notre jeunesse, après cette séparation, je ne me souviens pas de l'avoir vu beaucoup, je n'ai plus de souvenir bien précis de lui. Je l'ai revu le jour de mon mariage, ensuite cela a été la séparation complète. En trente et un ans je l'ai vu environ quatre à cinq fois et maintenant, à notre âge, on s'aperçoit qu'on ne se connaît pas et on le regrette beaucoup.

Il y a six ans, j'ai revécu la séparation brutale de quatre de mes petits-enfants qui nous avaient été confiés par les parents et ensuite par le juge. On est venu nous les reprendre un matin à neuf heures avec deux gendarmes et deux personnes de la DISS (Direction des Interventions sanitaires et sociales.) La séparation a été tellement brutale que j'ai fait une crise de nerfs et j'ai été hospitalisée deux jours. Les quatre enfants ont été mis dans un foyer, les trois plus âgés se voyaient un peu plus quand ils allaient jouer dans la cour, mais ils ne voyaient pas leur petite soeur âgée de deux ans. Les deux plus grands ont mal supporté ça. Ils se cherchaient toujours, de plus ils se demandaient pourquoi on les avait pris de la maison. Ensuite, six mois après, ce qui était pire, ils ont été placés dans quatre familles différentes et éloignées. A ce moment-là, les enfants ont encore mal vécu ça, surtout les deux plus grands qui étaient très proches. Cela a été d'autant plus pénible que, pendant un bout de temps, ils ne voyaient ni leur papa, ni leur maman, ni nous qui les avions presque toujours eus, ni le reste de la famille, surtout leurs cousines avec qui ils étaient toujours.

A plusieurs reprises mon mari et moi avons essayé, d'abord seuls, puis avec l'aide d'ATD Quart Monde et de l'avocat, d'avoir des rapports avec les services sociaux ; mais là, se dressait un mur. On a, à maintes reprises, écrit au juge et aux services sociaux pour avoir des rendez-vous : sans réponse, même lorsque c'était demandé par l'avocat. Une fois seulement, en quatre ans, on a réussi à rencontrer le juge. Quant aux services sociaux, c'est la même chose : nous n'avons aucun dialogue, ou très peu, et sur les courriers que l'on reçoit  - quand ils veulent bien répondre -  c'est toujours pour nous dire que l'on ne verra pas les petits plus souvent à cause des conflits familiaux. Mais on ne nous explique pas lesquels, ou alors ils disent que c'est pour le bien des enfants. Je ne vois pas où est le bien des enfants d'être séparés. Aujourd'hui, six ans après, on en est toujours au même point.

L'avocat nous a beaucoup aidés et a essayé d'avoir des rendez-vous avec le juge des enfants - sans résultat d'ailleurs - mais on tient toujours bon. L'avocat a demandé maintenant à passer devant le juge des affaires familiales, puisque le juge des enfants refuse catégoriquement de la recevoir. Elle se bat beaucoup pour nous et nous lui en sommes très reconnaissants. »

Marie-Thérèse Buschmann :

« Je vais vous parler en tant que maman qui a eu deux enfants placés. Chaque fois qu'on estime qu'un enfant est en danger et qu'une mesure d'urgence est nécessaire, il faut que la famille soit prévenue avant toute prise de décision. Je dis cela parce que j'ai vécu cette situation comme beaucoup de parents.

Pour moi, voilà comment ça s'est passé : j'ai attendu mon enfant à l'arrêt de bus comme d'habitude, il n'était pas là. J'ai appris seulement plusieurs heures après que mon enfant avait été emmené à la brigade des mineurs. En tant que parent, je n'ai pas accepté qu'on ne m'ait pas prévenue. Même si c'est grave, c'est important de savoir la vérité, nous sommes les premiers responsables de nos enfants et nous voulons être pris pour des adultes.

D'une manière générale, beaucoup de décisions sont prises sans que nous, les parents, on puisse dire ce qu'on vit vraiment avec nos enfants. On se sent même souvent coupable avant d'avoir pu parler. On a le sentiment qu'on attache plus d'importance aux commérages et à la parole des enfants qu'à notre propre parole.

Je voudrais parler d'un autre point qui me tient à cœur : quand il y a une mesure d'urgence, l'enquête est bâclée. Toutes les vérifications ne sont pas faites, comme par exemple, l'examen médical quand il y a attouchement ou inceste. C'est très difficile pour les parents de réclamer que cette vérification soit faite. Les parents ne connaissent pas toujours ce qui doit être fait exactement et ne connaissent pas leurs droits. Ils se sentent incapables de se défendre et ils ont peur de parler. Pour pouvoir parler, il faut se sentir en confiance avec quelqu'un et ne pas se sentir jugé. A ce sujet, j'ai vécu une expérience intéressante à Trappes. Quand j'étais déléguée de parents d'élèves pour ma fille, j'ai rencontré un médiateur en milieu scolaire. Il connaissait bien les familles et faisait le lien entre les parents et l'école quand il y avait des difficultés. Il faudrait qu'il y ait dans les quartiers difficiles des personnes comme ce médiateur, qui nous connaissent bien et à qui on pourrait faire appel dans les situations de crise. Cela faciliterait le dialogue avec les professionnels. »

Sylvie Deleu :

« Une fois, suite à un accident, notre petit garçon a dû être amené à l'hôpital. Quand je suis venue le chercher pour sa sortie, on m'a demandé de venir dans le bureau pour discuter avec l'assistante sociale. Et là, on m'a annoncé que mon garçon était placé et que je ne partirais pas avec lui. Il partait directement de l'hôpital dans une famille d'accueil !

Un placement sans prévenir les parents, sans dialoguer, c'est une souffrance inimaginable : ça fait, parfois, un placement pour rien.

Si un enfant a des marques ou des bleus en arrivant à l'école, c'est un danger mais ce n'est pas une urgence. Il a pu tomber. Et même s'il a été battu, il faut avoir un dialogue avec les parents, essayer de comprendre avec eux. Avant d'aller prévenir le juge, on prend rendez-vous avec les parents pour savoir ce qui s'est passé. Voir qu'il y a un problème, c'est une chose ; l'expliquer c'est une autre, et pour ça, il faut l'avis des parents. »

Les propositions 44 et 45 du rapport Naves Cathala sont très importantes : entendre les parents et les enfants dès l'ouverture du dossier est obligatoire ; limiter le nombre de cas d'urgence qui permettent au parquet de placer le mineur sans entendre ses parents, c'est très important. La proposition 34 aussi : même en cas de faits graves, que les parents puissent s'exprimer et dire comment ils expliquent la situation et en garder trace dans le dossier.

Paul Maréchal note que ces trois interventions touchent le coeur des thèmes de l'atelier : comment permettre le dialogue entre familles et professionnels dans une situation d'urgence ? Et, en préalable, quels sont les critères de l'urgence et du danger, puisque ce n'est pas parce qu'il y a danger qu'il y a nécessairement urgence ?

Pascaline Tolot pense que pour définir l'urgence, il faut évaluer si l'enfant est moins bien dans sa famille qu'en dehors : la seule justification de la souffrance qu'impose une séparation à la famille (y compris l'enfant), c'est que la souffrance de l'enfant qui resterait en son sein serait plus grande encore.

Colette Duquesne détaille la définition du danger par le Code civil, auquel se réfèrent les professionnels : il y a danger quand la santé, la sécurité, les conditions d'éducation d'un enfant ou la moralité sont compromises. La santé recouvre la santé physique et psychologique. La sécurité renvoie au cadre de vie : elle exclut, par exemple, qu'un enfant tout petit soit livré, le soir, à la rue et à tous les dangers. Cela dit, tout ce qui est du domaine de la protection sociale et des conditions d'existence entre très peu dans l'analyse du danger : on ne va pas signaler un enfant qui n'a pas de logement. Quant à la moralité, c'est un terme qu'on n'emploie plus guère aujourd'hui, on va plutôt parler de mise en danger psychologique. La différence entre le danger et l'urgence, c'est qu'il y a urgence quand il y a besoin d'une protection immédiate.

Jean Anel pense qu'il n'est pas innocent que le terme de moralité soit resté dans le Code civil par-delà ses différentes révisions : la notion de santé psychologique évacue la référence à un ordre moral social contenue dans le terme de moralité.

Chantal Jagault observe que le placement de ses petits-enfants n'a été motivé par aucun de ces quatre motifs : santé, éducation, moralité, sécurité. Sans rentrer dans le détail de son cas, Georges de Kerchove est frappé de la brutalité de la mesure qui a frappé Mme Jagault, et par le fait que, six ans plus tard, elle n'en comprenne toujours pas la raison, qu'aucune explication satisfaisante ne lui ait été donnée. On est dans un non-dialogue, où les parents, qui se rendent compte que des choses ne vont pas, n'osent pas en parler parce qu'ils craignent une réaction de placement, et qui fait que lorsque la décision éclate, elle est d'une brutalité terrible.

S'agissant de la notion de moralité, elle laisse une grande part à l'interprétation personnelle. D'expérience, il lui semble que les familles qui ont des enfants dont on demande le placement, savent très bien ce qui est bon et ce qui est mauvais pour les enfants, mais ce n'est pas pour autant qu'elles peuvent prendre tous les moyens pour que ça ne se passe pas mal.

Henri Boulard revient lui aussi sur le terme de moralité pour observer que s'il est effectivement devenu désuet, il a tendance à se réincarner dans celui, très actuel, de pédophilie.

Pour Laurence Barreau, la potentialité des familles doit être un des éléments qui entrent dans l'appréciation de l'urgence. Si on est confronté, en tant que travailleur social, à une situation d'urgence où il y a par exemple une suspicion d'abus sexuel ou de maltraitance, est-ce qu'on ne peut pas contacter la famille par téléphone - c'est rapide - pour lui dire : « Si les choses restent en l'état, je vais devoir signaler votre situation, mais j'aimerais savoir si vous avez des solutions concrètes à me proposer qui vont me permettre d'être rassuré par rapport au sort de l'enfant » ?

Pascaline Tolot réagit à la remarque d'Henri Boulard sur la moralité et la pédophilie en se demandant si le droit pénal ne peut pas être un soutien à la définition de l'urgence ? Quand il y a quelque chose de suffisamment grave pour être qualifié par le code pénal - par exemple un viol - on doit considérer qu'il y a urgence et donc des mesures immédiates à prendre.

Françoise Fusier pense que le terme d'urgence est un peu galvaudé. Ainsi, des foyers me demandent d'accueillir en urgence des jeunes, parce que, estimant que ces derniers prennent de mauvaises habitudes, ils veulent les "décaler" un peu, mais ce n'est pas de l'urgence. En revanche, dans certains cas, on laisse des enfants dans des familles pendant très longtemps, sans voir de situation d'urgence, et lorsqu'on se décide à les placer, ils ont vécu des choses irréparables. L'urgence est un peu une notion que les services sociaux utilisent à leur convenance, sans qu'on voie où est le réel danger.

Delphine Sicart insiste sur l'importance de la parole de l'enfant, ce dernier a quelque chose à dire sur la situation d'urgence qui lui est infligée. Le SNATEM reçoit beaucoup d'appels d'enfants qui, parfois, expriment la volonté d'être placés d'urgence parce qu'ils se sentent en danger.

Georges de Kerchove a récemment saisi en urgence le juge au sujet d'une famille expulsée par un propriétaire pour impayés de loyer, mais les délais de traitement de l'affaire sont beaucoup plus longs que dans un cas de placement. L'urgence n'est pas la même selon le côté où l'on se place.

Jean Anel revient sur l'intervention de Chantal Jagault, qui a évoqué la question de la sortie d'une situation d'urgence. L'urgence, ça peut très bien s'arrêter. Mais souvent, on traite une situation d'urgence, et l'on rentre dans un système dont on ne sort plus, parce qu'on trouve, bien entendu, toute une série de raisons, de difficultés d'ordre social, économique, éducatif, pour prolonger le placement. Mais ce ne sont plus des critères d'urgence et ce ne sont pas forcément, non plus, des critères de placement. Même lorsque le danger est écarté, et cela peut être rapide, on se retrouve dans un état de fait dont on ne peut plus sortir. Il y a une grande vigilance à avoir là-dessus, notamment de la part des magistrats.

Laurence Barreau se dit « atterrée ». En Belgique, le cadre légal est clair : si le juge de la jeunesse prend une décision d'urgence, elle fait courir un délai de quatorze jours, qui peut se prolonger encore soixante jours. Si on se rend compte que le danger continue, on lance une procédure protectionnelle classique, qui doit être révisée chaque année.

Colette Duquesne répond que le cadre légal est aussi clair en France : le délai est de quinze jours pour l'urgence, et pour une mesure ordinaire de protection de l'enfance, il y a une obligation de révision tous les deux ans. Le juge ne peut pas prendre une décision sans la renouveler pendant des années, ce qui était fait souvent, autrefois, quand il y avait une multitude de placements qui duraient jusqu'à la majorité. La confusion vient de ce qu'on confond le danger, qui fonde toujours l'intervention du juge, et l'urgence, qui est une procédure qui s'impose quand il y a besoin de protection immédiate de l'enfant. C'est au parquet, ou au juge des enfants s'il a déjà le dossier de l'enfant en main, de décider si la nature du danger nécessite une procédure d'urgence. Mais il faut bien distinguer urgence et danger, sinon, parler d'une urgence de six ans, c'est absurde ! Mais il est vrai que le droit n'est pas toujours respecté, ni connu des familles : il faut faire avancer la connaissance du droit.

Paul Maréchal observe que, concrètement, il n'y a jamais un enfant qui revienne au bout de quinze jours.

Colette Duquesne donne un exemple : un hôpital qui admet un enfant gravement blessé suite à une maltraitance, ou souffrant d'une absence de soins, va transmettre un signalement au parquet qui peut prendre une mesure d'urgence de placement de l'enfant. Le parquet a dès lors quinze jours pour saisir le juge des enfants, qui va reprendre le dossier dans le cadre ordinaire de la protection de l'enfance et peut alors lever ou maintenir le placement.

Henri Boulard : Selon l'article 375-5 du code civil, les décisions du procureur, dans les cas d'urgence, sont valables huit jours, et non quinze, délai dans lequel il doit obligatoirement saisir le juge des enfants qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Mais le problème, à l'heure actuelle, est que les textes ne précisent pas le délai dans lequel le juge doit se prononcer. D'où la proposition 46 du rapport Naves-Cathala, qui fixe au juge un délai de huit jours.

Interrogée par Paul Maréchal, Sylvie Deleu indique qu'après le placement de son fils, elle n'a jamais rencontré le juge ni reçu de convocation, depuis plus de deux ans, bien qu'elle ait envoyé quatre lettres recommandées.

Georges de Kerchove cite des extraits du Code de déontologie édicté par la Communauté française en Belgique et qui s'impose aux travailleurs sociaux dans le cadre de l'Aide à la jeunesse : « L'intervenant doit veiller dans les situations traitées à distinguer les notions d'urgence et de gravité » ; « L'urgence doit s'apprécier en tenant compte de l'intérêt de l'enfant, de sa sauvegarde physique ou psychologique, en dehors de toute autre considération, et ne peut constituer un prétexte pour adopter une solution brutale sans égard à l'ensemble des ressources du terrain, des implications et des conséquences secondaires de la mesure. » Le code « garantit le respect de leurs droits en général et plus particulièrement celui du secret professionnel, de la dignité des personnes, de leur vie privée et familiale, des conditions personnelles et des différences, ainsi que l'utilisation correcte des informations recueillies. » Quand on lit ça et qu'on le met en rapport avec les témoignages entendus au début de l'atelier, on mesure le décalage incroyable entre le texte et la réalité.

Laurence Barreau précise que le non-respect de ce code n'implique pas une sanction administrative, mais certaines de ses dispositions figurent dans le code pénal et peuvent à ce titre donner lieu à des sanctions. Il a donc une certaine force d'application.

Françoise Fusier pense qu'un certain nombre de problèmes commencent à être pris en compte. En tant qu'assistante maternelle, il y a dix ans, il lui était interdit d'avoir des contacts avec les parents des enfants qu'elle gardait. Aujourd'hui, un travail est fait au niveau de son association pour organiser ces rapports et permettre  ainsi à l'enfant de maintenir un lien. Les schémas directeurs départementaux vont faire en sorte qu'on établisse des comités qui permettent aux parents de venir une fois par trimestre environ, s'exprimer sur ce qu'ils aimeraient que l'institution fasse pour leurs enfants, au même titre que les enfants eux-mêmes et le personnel de l'association. Il est vrai qu'il est difficile de motiver les parents qui ont beaucoup de difficultés à venir s'exprimer devant du personnel « qui leur a pris leurs enfants. » Il y a encore beaucoup de choses à revoir, notamment en termes d'information des parents sur leurs droits : son association a instauré un petit livret, remis aux parents à l'accueil de chaque enfant, qui leur donne les coordonnées des personnes auxquelles ils peuvent s'adresser, qui doit les aider à prendre leur place dans les synthèses, dans les réunions, dans tout ce qui est individualisé... Il est très difficile de construire une relation de partenariat sur un arrière-fond de placement, qui fait que les parents se sentent condamnés.

C'est encore pire quand il s'agit d'urgence, où les parents, soit réagissent très violemment, soit se terrent chez eux et ne veulent accepter l'aide de personne. Il y a aussi le problème que chacun « travaille un petit peu dans son coin » et que les termes employés ne sont pas toujours les mêmes d'un endroit à l'autre.

Colette Duquesne objecte que le cadre légal reste le même partout, mais il y a réellement un effort à fournir de la part des professionnels pour mieux connaître et appliquer la loi. Cet effort reste, pour l'instant, de l'ordre de la démarche individuelle. En matière de respect du contradictoire, les procédures - qui souvent ne sont pas respectées comme cela est apparu dans les témoignages - sont mal connues des travailleurs sociaux, qui n'informent pas suffisamment les familles sur leurs droits. mais il y a des évolutions, sous l'influence notamment du droit européen.

Georges de Kerchove souligne qu'il ne faut pas seulement convoquer les familles - et même cela n'est pas toujours fait, comme le montre le cas de Sylvie Deleu - mais aussi réfléchir aux conditions qui leur permettent de dire leurs aspirations, de surmonter le sentiment de culpabilité, de honte évoqué par Françoise Fusier.

On revient sur l'expérience de Sylvie Deleu qui explique qu'au lieu de se voir enlever son enfant subitement à sa sortie de l'hôpital, elle aurait voulu « qu'on le lui rende et qu'on lui donne quelqu'un pour lui dire comment faire. » Paul Maréchal insiste sur cette proposition de Sylvie Deleu d'obtenir un soutien à la maison plutôt que de réaliser un placement en urgence. Jacqueline Bellouard observe que lorsqu'on est très démuni, une situation d'urgence peut très rapidement résulter d'une rupture conjugale, d'un problème d'emploi ou de santé, parce qu'on n'a pas les moyens financiers ou le réseau solide de relations qui permet de traverser la crise. De surcroît, c'est à ce moment-là qu'on place les enfants : les parents sont doublement pénalisés et c'est révoltant.

Sylvie Deleu explique qu'elle s'est vue récemment suspendre ses droits d'hébergement pendant trois mois par l'éducateur, sans avoir été reçue par le juge. Colette Duquesne affirme que c'est complètement illégal. Pour Georges de Kerchove, lorsqu'on est dans la situation de parents dont les enfants sont placés, ce que dit l'assistant social ou l'éducateur, légal ou non, c'est parole de juge. On ne va pas mettre leur décision en cause. De même que ce que dit la police, c'est la loi. On est de nouveau dans deux mondes différents : celui de la loi et celui de son application. On dit à Sylvie Deleu : « Ce qui vous est arrivé est impossible », et pourtant c'est vrai. Cela renvoie aussi à la question de l'insuffisance des moyens de la justice, dont les plus pauvres sont les premières victimes.

Henri Boulard intervient pour livrer quelques chiffres : il y a actuellement, en France, 352 juges des enfants qui ont à traiter annuellement 121 172 dossiers d'assistance éducative, plus 78 216 dossiers d'enfants délinquants. Le rapport Naves Cathala dit qu'une des mesures prioritaires serait de créer de nombreux postes de juges des enfants. Il propose aussi (proposition 49) de « faire fixer par les juges des enfants les modalités d'exercice des droits de visite ou d'hébergement des parents, et non de s'en remettre au service qui accueille l'enfant, conformément à l'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 octobre 1998. » Le défaut actuel, qu'on voit dans l'exemple de Mme Deleu, résulte d'une carence de la législation qui permet, effectivement, au juge des enfants, de se décharger d'une part de sa responsabilité sur les travailleurs sociaux.

Françoise Fusier fait remarquer qu'il y a aussi des enfants qui sont placés sans avoir vu le juge des enfants. Colette Duquesne explique que ce ne sont pas forcément les juges qui placent les enfants à l'ASE : cela peut être volontairement demandé par les parents, ou par l'enfant s'il est jeune majeur, sans passer par le juge. Françoise Fusier : « L'ASE a contacté en urgence mon service pour placer une fillette de sept ans que sa mère menaçait de passer par la fenêtre, sans même le signaler au parquet, alors qu'il y avait vraiment danger physique pour l'enfant. »

Colette Duquesne pense que cela se discute. On peut très bien, à un moment de crise, mettre l'enfant à l'abri, sans passer par l'arsenal judiciaire.

Jean Anel rappelle que les services de l'ASE sont tout à fait compétents pour gérer des situations de crise : ce sont eux qui, ensuite, au vu d'une première appréciation de la situation pour savoir s'il s'agit ou non d'une crise passagère, vont éventuellement transmettre un signalement. La seule contrainte qu'ils ont, c'est qu'ils ne peuvent pas placer l'enfant sans l'accord des parents, alors que le parquet, le juge, peuvent le faire. Mais le juge des enfants ne peut pas s'occuper de toutes les familles de France dans lesquelles il y a des problèmes. En l'occurrence, l'ASE pouvait proposer de confier l'enfant pour se donner deux ou trois jours pour apprécier si, finalement, la situation de crise allait perdurer. Colette Duquesne estime que cette procédure, en outre, respecte la position de la famille.

Françoise Fusier objecte que bien souvent, une fois l'enfant placé et la crise passée, il s'écoule beaucoup de temps avant que les parents puissent avoir leur mot à dire.

Jean Anel rappelle que, dans le cadre d'un accueil administratif provisoire, les parents peuvent aller chercher leur enfant quand ils le veulent, sans que personne ne puisse y redire quoi que ce soit. Georges de Kerchove signale qu'en Belgique il y a des situations où l'on menace les parents de transmettre le dossier au tribunal de la jeunesse s'ils ne laissent pas leur enfant. Jean Anel reconnaît qu'il peut y avoir du chantage, mais que ça ne correspond pas à l'esprit de la loi.

Pour Françoise Fusier, c'est justement le problème : les parents ne savent plus trop où est leur droit réel, on en arrive à des situations où ils n'osent plus aborder personne. Colette Duquesne estime qu'il faut vraiment parvenir à ce que chacun, professionnels, familles, associations, connaisse et utilise le droit, plutôt que d'avoir des familles qui entrent dans de grandes colères et se font du tort. Paul Maréchal invite à comprendre la colère des familles, même si elle ne résout pas les problèmes.

Marie-Thérèse Buschmann, Sylvie Deleu et Chantal Jagault évoquent leur expérience : des heures d'attente avant d'être reçues - ou non - par les juges, les fréquents remplacements de ces derniers, le sentiment d'être catalogué par avance et de ne pas être compris, et la très grande difficulté de rester calme dans ces circonstances.

Georges de Kerchove souligne que l'urgence accroît encore la difficulté du dialogue. Or c'est un sacré affrontement avec une famille que de lui expliquer qu'on place son enfant. Beaucoup reculent devant le souci de clarté absolue. Paul Maréchal demande pourquoi il est si difficile pour un juge d'expliquer clairement à la famille, sans forcément accuser les parents, qu'il prend telle décision en fonction de tels ou tels éléments ?

Pour Jean Anel, la réponse est à chercher dans le fait que, souvent, le juge ne s'appuie pas sur des preuves, mais sur une accumulation de rapports grâce auxquels il se forge une intime conviction. Quand il y a preuve, c'est relativement facile d'expliquer aux gens. Mais quand on est dans le registre de la conviction, on est moins à l'aise pour expliquer sa décision. Cela renvoie aux prérogatives très importantes dont dispose le juge des enfants par rapport aux autres juges en droit français, fondées sur la prééminence de l'intérêt de l'enfant, comme le fait de pouvoir « s'auto-saisir » et de prendre des décisions immédiatement exécutoires. Pour Françoise Fusier, cette focalisation sur la protection de l'enfant chez les éducateurs comme chez les juges exclut les parents et empêche de prendre en compte leur souffrance. C'est d'autant plus vrai en urgence. Il y a une mentalité à changer : on ne peut pas sauvegarder quelque chose dans une famille, entre un enfant et ses parents, sans discuter avec les deux.

Louise Lorphelin souligne qu'on est facilement accusé de protéger les parents plutôt que l'enfant quand on cherche à faire prendre en compte les avancées qu'ils ont réalisées.

Pour Pascaline Tolot, il faut partir de l'idée que la famille la plus harmonieuse possible est un facteur de progrès pour tout le monde, et ne prévoir la sortie de la famille qu'en cas d'urgence. Ce qui implique de rechercher la participation des parents à toutes les mesures judiciaires qui pourraient être prises. On est encore loin de cet état d'esprit.

Colette Duquesne estime que cela commence. On paye un peu les conséquences de la médiatisation de la maltraitance, dans le contexte de la loi  sur la maltraitance de 1989, où l'on imaginait des horreurs derrière quasiment toutes les maisons, et où l'on voyait parents et enfants comme deux camps séparés. Pour Pascaline Tolot, il a été très important de parler à l'époque des maltraitances, parce qu'il y avait un silence à rompre, mais il faut aujourd'hui revenir vers la famille. C'est-à-dire, pour Colette Duquesne, sortir de cette causalité où, dès qu'un enfant va mal, c'est que ses parents ne font pas ce qu'il faut ou se comportent mal avec lui.

Jacqueline Bellouard invite à se demander si la violence que provoque le placement, pour l'enfant, dans ses suites, n'est pas encore pire que la violence à la maison. Je suis frappée par le nombre de témoignages de parents qui eux-mêmes ont été placés enfants et qui aujourd'hui encore ne s'en remettent pas. Marie-Thérèse Buschmann ajoute que les jeunes eux-mêmes protestent parfois contre leur propre placement, mais qu'on ne les écoute pas davantage que les parents. Françoise Fusier pense, à l'inverse, qu'on écoute beaucoup plus les jeunes que les parents, notamment dans l'urgence. Or cela peut être dangereux : beaucoup d'enfants affabulent... Pour Chantal Jagault, il faut écouter les enfants, mais aussi les parents, il ne doit pas y avoir présomption de culpabilité des parents.

Laurence Barreau a remarqué que les propositions qui viennent des familles sont souvent celles qui tiennent le mieux à long terme. Il est important de laisser une place aux familles pour faire des propositions alternatives concrètes au placement, comme le soutien à la maison évoqué par Sylvie Deleu. Cela implique un travail sur le dossier : une famille qui a accès à son dossier administratif, qui peut aller voir les rapports, qui peut savoir exactement ce qu'on lui reproche, qui consulte un avocat, pourra être plus à même de faire des propositions concrètes.

Henri Boulard note que cela rejoint les propositions de Pierre Naves et de Bruno Cathala :

- créer une mesure éducative et sociale de soutien à la famille, qui n'exclurait pas un placement, mais qui serait un placement réellement provisoire avec l'optique de retour à la famille ;

- accès au dossier ;

- systématisation du recours à un avocat dans les procédures d'assistance éducative.

Il est indispensable qu'il puisse y avoir un tiers, un médiateur. Cela peut être naturellement l'avocat mais on peut aussi imaginer d'autres tiers.

Pascaline Tolot mentionne que le rapport Deschamps, remis en mars 2001 au Garde des sceaux, prévoit notamment l'accès des familles au dossier.

Pour Georges de Kerchove, l'absence d'accès au dossier - d'ailleurs probablement illégale au regard du droit européen - interdit tout dialogue. Chantal Jagault estime que les éducatrices peuvent cacher des choses aux parents, mais aussi au juge. Par exemple, son petit-fils qui avait fugué pour revenir chez elle, cela l'éducatrice ne l'avait pas fait figurer dans le dossier pour le juge lors du renouvellement du placement, parce qu'elle considérait que, les gendarmes n'ayant pas été prévenus, il ne s'agissait pas d'une fugue. Pour Chantal Jagault, « une petite chose de rien du tout va être marquée dans le dossier, alors qu'une chose importante, où il y a danger, n'a pas été dite au juge. »

Paul Maréchal souligne l'importance de la formation des avocats à la connaissance des situations de grande pauvreté, pour comprendre les familles et pouvoir les défendre. Henri Boulard cite la proposition 22 du rapport Naves-Cathala qui demande d’« inciter les écoles de formation des barreaux à introduire dans la formation initiale un module sur l'assistance éducative. » On peut peut-être aller plus loin. Colette Duquesne note que les avocats, qui vont être payés avec l'aide juridictionnelle, ne vont pas se bousculer au portillon. Chantal Jagault et Sylvie Deleu font part de leurs expériences contrastées avec des avocats, certains s'impliquant énormément, d'autres pas du tout. Pascaline Tolot insiste sur le fait qu'un avocat, même motivé, n'est pas forcément spécialiste de ce domaine.

Chantal Jagault regrette que les grands-parents ne soient pas convoqués dans les questions de placement des petits-enfants qui les concernent directement, comme dans son cas où elle gardait les petits-enfants avant qu'ils ne soient placés. Paul Maréchal souligne que cette question est beaucoup revenue dans les préparations : tenir compte, quand il y a urgence, de toutes les forces qui ne sont pas forcément celles des parents immédiats (grands-parents, famille plus éloignée, voisins) et qui ne sont pas prises en considération dans l'analyse de la situation globale de la famille et du danger. Laurence Barreau note que les ressources de tous les familiers qui entourent la famille font partie de ses potentialités.

Georges de Kerchove cite un nouvel extrait du Code de déontologie déjà évoqué : « L'intervenant veille à maintenir la cohésion de la famille, tient compte des attaches privilégiées du jeune, notamment à l'égard des frères et soeurs et de ses familiers » ; « Le bénéficiaire doit rester sujet de l'intervention. » Lorsque le jeune fugue pour dire combien il est attaché à ses grands-parents, et qu'on le maintient dans son placement, est-ce qu'il est encore sujet de l'intervention, est-ce qu'on tient compte de ce qu'il exprime à sa façon à lui ?

Paul Maréchal pose la question des conditions d'un dialogue en situation d'urgence, qui permette de prendre en compte les forces de la famille ? La mesure d'urgence peut être prise sans que le juge entende les parents. Pour Laurence Barreau, dans la mesure du possible, il faut quand même contacter les parents, fût-ce par un simple coup de téléphone. Paul Maréchal ajoute que même si l'enfant est retiré, il faut avoir un dialogue avec les parents. Jean Anel souligne que les pratiques varient selon les parquets et les juges concernés, selon la complexité de l'affaire, selon les « modes » également. Il y a aujourd'hui une telle sensibilité sur les questions d'abus sexuels, que les décisions, dans ce domaine, peuvent être prises avec une certaine précipitation.

Laurence Barreau comprend que, dans le doute, on isole l'enfant de sa famille le temps que la procédure progresse, mais il faut l'expliquer aux parents ; sinon ils ont le sentiment d'être condamnés par avance. Pour Françoise Fusier, la transparence est indispensable si l'on veut pouvoir impliquer les parents. Bien souvent, ces derniers n'apprennent que bien plus tard la raison d'un placement en urgence.

Georges de Kerchove observe que dans la pratique, à partir du moment où une décision est prise, il est toujours difficile de revenir en arrière et d'admettre qu'on s'est trompé. De plus, le doute renvoie à nos représentations : n'aura-t-on pas plus tendance à faire confiance à des familles qui ont un niveau culturel proche du nôtre plutôt qu'à des familles qui vivent dans une grande précarité ? Il faut donc être clair au moment de la décision de placement provisoire, et dire : « Je prends cette décision parce qu'il y a tels et tels soupçons », et si ces soupçons ne sont pas confirmés, on fait machine arrière.

Laurence Barreau souligne qu'il faut aussi accélérer la procédure d'instruction au pénal, dont procède le maintien ou la levée de la mesure de placement provisoire. Par ailleurs, il faut rappeler l'obligation de principe, en cas de soupçon de danger pour l'enfant, de privilégier le maintien de l'enfant chez ses familiers avant de procéder à un placement extérieur.

L'atelier s'interroge également sur la durée de validité des ordonnances de placement provisoire : six mois, c'est une période longue, mais la raccourcir exigerait un renforcement des moyens du système judiciaire.

Paul Maréchal invite à se pencher sur les critères de l'urgence. Celle-ci est liée à un danger imminent pour l'intégrité de l'enfant. Mais il ne faut pas qu'on considère des situations de détresse liées à la grande pauvreté comme justifiant un placement en urgence.

Georges de Kerchove observe qu'il y a souvent un glissement entre l'urgence et le danger : une famille qui est à la rue, cela peut être dangereux pour les enfants à moyen terme, mais cela ne justifie pas nécessairement un placement en urgence. Et s'il y a placement, il faut être très clair et dire à la famille, par exemple : « Dès que vous aurez un logement adapté, les enfants reviendront chez vous. » On dit à la famille : dans un an (en Belgique) ou deux (en France) on va revoir la situation, mais on ne lui dit pas ce qu'on attend d'elle. Laurence Barreau observe que cette précision permettrait également de faciliter l'exercice du droit de recours. Quand on ne sait pas pourquoi l'enfant est placé, on ne peut rien faire.

Georges de Kerchove ajoute que le respect du droit peut être une amorce de dialogue.

Chantal Jagault raconte les difficultés stupéfiantes qu'elle a rencontrées pour obtenir l'ordonnance du juge, après avoir fait appel de la décision de placement de ses petits-enfants, jusqu'à se faire violemment expulser du palais de justice. Pour Georges de Kerchove et Colette Duquesne cet exemple illustre les progrès à faire vers une réelle transparence des décisions et leur motivation « en termes clairs et compréhensibles », comme le prévoit la loi.

En conclusion, l'atelier revient sur les pistes dégagées

1. Bien distinguer l'urgence et le danger et souligner la nécessité du caractère imminent du danger pour justifier l'urgence.

2. Assurer le caractère provisoire et réversible des décisions prises en urgence, en précisant une échéance pour faire le point sur la situation, ainsi que des critères précis pour permettre le retour des enfants.

3. Respecter les règles de procédure, préalable indispensable au dialogue. Cela implique une meilleure information des parents, la clarté des motivations des décisions, la possibilité effective de recours à un avocat, une réelle transparence de la part des professionnels.

4. Prendre en compte les propositions alternatives concrètes que peuvent proposer les familles.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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