«L’accès aux droits fondamentaux conditionne notre citoyenneté»

Participants à l'Université populaire Quart Monde

References

Electronic reference

Participants à l'Université populaire Quart Monde, « «L’accès aux droits fondamentaux conditionne notre citoyenneté» », Revue Quart Monde [Online], 224 | 2012/4, Online since 05 May 2013, connection on 12 December 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/5483

Le respect de l’égale dignité de toute personne, l’accès aux droits fondamentaux, conditionnent notre droit d’exister et de vivre dignement et aussi notre citoyenneté. Quand on n’a pas accès aux droits, on ne se sent pas citoyen : la santé, le travail, le droit de vivre en famille, le logement, le droit à la justice, l’éducation, le droit à la libre circulation. Des personnes se battent ensemble en Europe pour l’accès de tous aux droits de tous.

Index de mots-clés

Citoyenneté, Droits humains, Justice

Lors de la douzième Université populaire Quart Monde européenne2, le 5 mars 2012, cent-vingt représentants de dix pays ont témoigné de leur mobilisation pour la dignité humaine et les droits des citoyens. Ils ont dialogué avec des responsables européens et élaboré des propositions.

« Sur le camping, tu deviens un réfugié dans ton propre pays »

Délégation des Pays-Bas : Nous avons habité dans un camping où plus de 150 places étaient occupées par des habitants permanents. Parmi eux se trouvent des personnes et des familles qui ont été expulsées de leur logement pour des raisons diverses (dettes, divorce...) et pour lesquelles il n’y pas d’accueil possible ailleurs, et des familles de travailleurs d’autres pays européens. Du fait de la diversité des personnes qui logent dans le camping et du trafic qui s’y passe, ce dernier a une mauvaise réputation. Il est surnommé : « La Favela de Breda ».

Au niveau de la réglementation, en raison de la destination du camping aux loisirs, tu n’as donc pas le droit d’y habiter en permanence. Si cela se produit, le propriétaire du camping peut recevoir une amende conséquente. Le propriétaire souhaite recevoir les loyers des personnes qui logent sur le camping, mais discrètement. Du fait de la carence de logement, des travailleurs sociaux invitent les gens à se loger sur le camping. Mais du fait de la nature récréative du camping, les personnes ne peuvent se servir de cette adresse pour les formalités administratives.

De plus, si tu déménages de la commune où tu habitais, après un certain délai, tu es rayé des fichiers administratifs de la mairie d’origine. Beaucoup de personnes des Pays-Bas ont ainsi le statut de «personne qui réside à l’étranger ». Alors, tu n’as plus de résidence reconnue officiellement. Chaque mairie se renvoie la balle en ce qui concerne le devoir de « soutien aux citoyens très démunis », et en ce qui concerne la question de savoir où est la résidence reconnue officiellement et la résidence de fait des personnes. Ceci d’autant plus que le propriétaire du camping lui-même refuse que l’adresse du camping soit utilisée comme adresse pour l’enregistrement des résidents dans les fichiers des citoyens de la mairie. Autres conséquences, tu perds ton droit de vote pour les élections locales. Si tu ne peux pas fournir d’adresse, il est beaucoup plus difficile de trouver du travail, de te soigner. Et si ta carte d’identité n’est plus valable, c’est alors très difficile de pouvoir renouveler ta carte d’identité. Tu deviens un réfugié dans ton propre pays. Et cela a aussi des conséquences sur le montant du droit à l’allocation vieillesse à l’âge de la retraite.

« Une forme de réglementation administrative qui viole la loi »

- Catherine Libeaut, Présidente de l’association des Français à l’étranger, Pays-Bas : Quand on n’a plus de logement, on n’existe plus, on ne peut plus se faire soigner, on ne peut plus avoir une pension de retraite correcte, parce qu’on n’est plus reconnu dans le pays où on habite. On ne peut pas accepter ça !

- Baudouin Sury (Belgique) : L’exemple de Breda des Pays-Bas est une forme de réglementation administrative locale ou régionale qui viole la loi. Des situations comme celle-ci méritent un recours à la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg après épuisement des voies de recours nationales. On ne  peut  laisser  passer des  situations pareilles, pour les personnes qui les vivent, mais aussi pour l’avenir de ces enfants.

Rester en lien avec nos enfants placés

- Délégation du Grand Ouest, France : Nous pensons à nos enfants qui sont placés à l’Aide sociale à l’enfance : ils sont tous séparés, loin de nous, loin les uns des autres, ils souffrent. Ma maman, ma fille et moi, nous ne pouvons jamais les voir. Quand on va les voir, l’éducatrice nous accompagne. C’est impossible d’être seules avec eux. On ne peut pas discuter avec eux, tout doit passer par l’éducatrice. Nous ne sommes pas considérées. Nous avons écrit à la juge et nous l’avons vue. Nous  avons demandé à voir nos enfants sans être obligées de faire, à chaque fois, une demande écrite d’autorisation. C’est passé au tribunal. Suite à cela, nous pouvons voir nos enfants, une fois par mois, sans faire de demande. Nous avons été entendues sur l’accès au droit. Nous poursuivons toujours ce combat pour que les enfants soient placés le plus près possible de leurs parents. Nous combattons pour que les frères et sœurs ne soient pas tous séparés les uns des autres.

Des personnes ayant l’expérience de la pauvreté et des professionnels s’engagent ensemble

- Belgique : En Belgique, le statut OMNIO permet aux personnes qui ont des revenus limités de bénéficier d’un accès aux soins, en ne payant que la partie non remboursée par l’assurance maladie. Mais, mal informée ou découragée par la complexité des démarches, seulement une petite partie d’entre elles en fait effectivement la demande. Afin d’améliorer l’accès aux soins pour tous, les services d’assurance maladie d’Ostende et d’Anvers ont mis sur pied le projet KAAP (qui signifie « Pauvres en chances, mais prioritaires en attention »). La salariée du projet contacte les personnes ayant une vie difficile, prend le temps d’écouter leurs questions, se rend à leur domicile s’il le faut, et fait l’intermédiaire entre les différents services administratifs. Ces avancées vers un meilleur accès aux soins pour tous sont les fruits d’un dialogue et d’un travail de longue durée entre les associations, les personnes en situation de pauvreté et les services et institutions en Belgique. Un groupe de travail lit les tracts et lettres pour les simplifier. Ils ont vu que le logo de l’assurance maladie sur une enveloppe était associé à une lettre difficile et ils ont choisi pour le projet KAAP, un autre logo plus neutre, pour que ce ne soit pas un obstacle à l’ouverture du courrier.

Propositions pour l’accès de tous aux droits fondamentaux

La pauvreté ne doit pas être une cause de discrimination dans l’accès aux droits.

- Les législations sociales des pays européens devraient mieux prendre en compte la mobilité des personnes vivant dans la pauvreté qui se déplacent pour améliorer leurs conditions de vie. Cette mobilité pourrait impliquer le maintien de certains droits en attendant que se reconstitue l’accès aux droits dans le nouveau pays que ces personnes ont choisi. L’accès au logement et à l’aide sociale sont particulièrement cruciaux à cet égard. Il faut respecter une réelle libre circulation dans toute l’Europe et appliquer le droit de choisir son pays d’adoption. […]

- Les mairies devraient s’organiser pour faciliter l’inscription dans leur registre de population des personnes pauvres qui sont sur leur territoire et qui n’accomplissent pas les démarches, et essayer, avec l’aide de leurs services sociaux, de comprendre les raisons pour lesquelles ces personnes ne font pas ces démarches. Aucun citoyen européen en situation de grande pauvreté ne doit être rejeté de partout, et ne doit devenir comme un réfugié dans son propre pays. Le devoir de secours des personnes très démunies doit être mieux défini. […]

- Les administrations qui délivrent des prestations ou des services devraient faire le maximum de leurs possibilités pour tenter de connaître aussi les personnes qui ne demandent pas leurs droits et les raisons pour lesquelles elles ne les demandent pas, avec l’aide d’autres services publics ou sociaux en contact avec les personnes pauvres, et consulter ces personnes sur les méthodes d’approche qui pourraient faire en sorte que tous puissent accéder aux droits. […]

1 Extraits des actes de la douzième Université populaire Quart Monde européenne : Tous citoyens pour une Europe active contre la misère, Dossiers et
2 Voir aussi : Citoyens-Universités populaires Quart Monde,  Delphine Duquesne, Éd. Quart Monde, octobre 2012, DVD 25 mn, 8 €. Depuis 40 ans, les
1 Extraits des actes de la douzième Université populaire Quart Monde européenne : Tous citoyens pour une Europe active contre la misère, Dossiers et documents de la Revue Quart Monde N° 19, septembre 2012, 40 p., 8 €.
2 Voir aussi : Citoyens-Universités populaires Quart Monde,  Delphine Duquesne, Éd. Quart Monde, octobre 2012, DVD 25 mn, 8 €. Depuis 40 ans, les Universités populaires Quart Monde permettent de libérer la parole des personnes très pauvres et d’apprendre ensemble. Ce film présente le cheminement du groupe local au rassemblement européen.

Participants à l'Université populaire Quart Monde

Des participants à l’Université populaire Quart Monde européenne1

By this author

CC BY-NC-ND