Chroniques présidentielles 1967-1988

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Chroniques présidentielles 1967-1988 », Revue Quart Monde [En ligne], 201 | 2007/1, mis en ligne le 03 octobre 2007, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/633

Très tôt dans l’histoire du Mouvement ATD Quart Monde, son fondateur, le père Joseph Wresinski, a acquis la conviction qu’il fallait, dans l’organisation de la société civile, que soient assumées des responsabilités pour garantir le respect de chacun et la défense des minorités. Face à l’injustice extrême, l’action de proximité ne peut suffire : il faut aux plus pauvres une porte à laquelle frapper, du seul fait qu’ils sont des êtres humains. C’est pourquoi Joseph Wresinski entreprit très rapidement des démarches auprès du président de la République.

Présidence de Gaulle

Mars 1967 : les familles du camp de Noisy-le-Grand, s’adressent au général de Gaulle :

« Monsieur le Président,

Depuis douze années nous vivons dans un bidonville à Noisy-le-Grand. Nos enfants ont grandi dans des conditions inhumaines. Il en résulte que leur santé est très fragile et qu’ils sont mal vus au travail, dans les dispensaires, les clubs, par les gens des quartiers voisins, ce qui handicape leur avenir.

Depuis douze années, des promesses de relogement nous ont été faites. Combien de fois, les enquêteurs nous ont interrogés et nous ont donné l’illusion que nous allions être relogés. Mais aujourd’hui nous sommes usés et vous pouvez imaginer notre découragement. Vous ne pouvez pas être insensible à notre situation de vie.

Partout, à la radio, dans les journaux, on entend parler de résorption de bidonvilles, mais jamais celui de Noisy-le-Grand n’est cité. Nous pensons avoir les mêmes droits que les autres et c’est une injustice que nous soyons privés même d’un abri pour notre famille.

Pourtant, nous avons fait de nombreuses démarches pour obtenir un logement. Enfin, nous avons un dernier espoir : le 8 février, des crédits ont été accordés pour la construction de 75 logements à l’emplacement de nos baraques. M. Delouvrier, chef du district, en a autorisé la construction. Il ne manque plus que 1’ultime décision du comité technique de coordination de la région parisienne pour que l’épuration des eaux soit raccordée au centre des immeubles voisins de la Société HLM « Notre cottage ». Pourriez-vous intervenir pour qu’enfin ces 75 logements puissent être construits ? Tant d’obstacles ont déjà été franchis !

Nous comptons sur votre compréhension et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération. »

1969 : un dossier de 156 pages, titré Les entravés sociaux, est préparé pour être remis aux principaux responsables politiques. En exergue, on trouve cette citation du général de Gaulle : « Que chacun soit dignement associé à ce qui se passe à son propre sujet et assume des devoirs en même temps qu’il fait valoir ses droits ».

Ce dossier, longuement préparé, est le premier document présentant des propositions d’ensemble contre l’extrême pauvreté élaboré par le Mouvement ATD Quart Monde. Le chapitre VIII, intitulé « Un plan quinquennal pour abolir l’exclusion », expose clairement sa vision globale sur la lutte contre la pauvreté :

« Sous l’égide du président de la République, un plan quinquennal pourra être élaboré. Car l’effort devra s’étendre sur une génération au moins, si nous voulons être certains d’intégrer et d’armer pour la vie de demain jusqu’aux descendants des familles les plus misérables. Dans notre société qui elle-même évolue rapidement nous ne pourrons procéder que par plans successifs, veillant à ce que la distance entre les classes plus aisées et la couche sous-prolétarienne se rétrécisse plutôt que de s’agrandir. »

Il recommande une évaluation rigoureuse des résultats et souligne à nouveau le rôle du chef de l’Etat à cet égard :

« Il va de soi finalement, quand il est question d’un plan quinquennal, que les effets du programme mis en route auront à être rigoureusement évalués. Ceux qui en prendront la responsabilité devront des comptes au chef de l’État, à la Nation comme aux personnes et familles dans la vie desquelles nous allons intervenir.

Un effort sérieux reste à faire sous les auspices du président de la République, afin qu’au-delà des intérêts et des prestiges personnels ou politiques, soit sauvegardée en tous temps une information objective des résultats obtenus et des besoins qui demeurent. »

Ce document sera remis au général de Gaulle juste au moment de sa démission après l’échec du référendum d’avril 1969.

Dans une lettre datée du 4 septembre 1969, le général de Gaulle répond à cet envoi dont il n’a eu connaissance qu’après sa démission :

« Monsieur l’Abbé,

Le dossier que vous avez eu l’attention de m’adresser est aussi impressionnant par les misères qu’il révèle qu’intéressant par tout ce qu’il suggère et propose pour y remédier.

Je vous remercie de l’avoir porté à ma connaissance. Je savais avec quelle sollicitude et quel dévouement vous-même et les membres du Mouvement « Aide à Toute Détresse » vous penchiez sur la situation des plus défavorisés. Votre travail, dont je vous félicite, permettra certainement d’aborder les douloureux problèmes, ainsi posés, dans les meilleures conditions d’efficacité.

Veuillez agréer, Monsieur l’abbé, l’expression de mes sentiments respectueux. »

En demandant, sous des formes qui évolueront dans le temps, la création auprès du président de la République d’un délégué aux minorités les plus pauvres, le père Wresinski a pour objectif de situer la destruction de la misère au rang des grandes priorités nationales du pays. En effet, constater qu’une condition de vie sous-humaine a pu traverser plusieurs générations représente une remise en question de la société et de la démocratie dans leur ensemble. Pour tenir la promesse faite en arrivant au camp de Noisy-le-Grand, le père Joseph ne cesse de se battre pour que les familles les plus pauvres qu’il rencontre deviennent des interlocuteurs.

Présidence Pompidou

Le même rapport est transmis au successeur du général de Gaulle, le président Georges Pompidou. Ce dernier accepte de recevoir le père Joseph Wresinski, en 1972. Celui-ci lui dira que la population dont il est le porte-parole n’intéresse pas les lobbies et que, s’il y avait quelque chose à faire, ce qu’il pourrait faire c’est de sensibiliser l’opinion. Le Mouvement avait bien formulé des propositions précises comme la reconnaissance d’un droit absolu au logement pour toutes les familles, et la désignation par le président d’un chargé de mission pour étudier la situation de la globalité de la population sous-prolétarienne française.

Le président de la République ne vit pas comment il pouvait donner suite à ces deux demandes mais promit qu’il ferait un geste. Il proposa que la soirée à la Comédie française pour le tricentenaire de la mort de Molière soit donnée au bénéfice de l’association Aide à toute détresse. Le père Joseph Wresinski accepte la proposition mais il demande que des places soient réservées pour les familles du Quart Monde elles-mêmes et qu’elles soient reçues par le président de la République.

Il reviendra lui-même sur cet épisode dans une interview donnée en avril 1981 :

« Le président Pompidou a invité le Quart Monde à la Comédie française... Dans aucun pays du monde, un chef d’État n’a accepté de recevoir lui-même la population du Quart Monde... Il l’a fait pour pouvoir frapper l’opinion française. Ce fut le premier geste d’un chef d’État français qui ait ainsi publiquement accepté de s’afficher avec la population la plus défavorisée. Je crois que c’est important. »

Présidence Giscard d’Estaing

Après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la République, le père Joseph Wresinski reprend son bâton de pèlerin.

Dès la fin de l’été 1974, il entreprend les premières démarches afin d’assurer une représentation des plus pauvres au sein du Conseil économique et social de la République. Le 16 septembre 1974, dans une lettre adressée à Geneviève de Gaulle Anthonioz, M. Olivier Fouquet, conseiller technique de Valéry Giscard d’Estaing, accuse réception, sans autre commentaire, de « la candidature de l’abbé Joseph Wresinski comme représentant et spécialiste du Quart Monde au Conseil économique et social ».

La préparation et la publication d’un livre blanc sur le sous-prolétariat en France fourniront l’occasion d’une audience. Le père Wresinski réitère la demande adressée en son temps au président Pompidou : qu’il désigne un chargé de mission, attaché à la présidence de la République, et dont la mission ne s’éteindrait que lorsque la misère aurait disparu.

Cette demande fut accueillie avec le même scepticisme. Cela ne découragea pas le père Joseph. Conscient de l’impact que tel ou tel geste posé par le chef de l’Etat pouvait avoir sur l’opinion publique, il se réjouit que celui-ci accepte une invitation à venir déjeuner chez elle, que lui avait adressée une famille habitant à la cité du Soleil Levant, à Herblay (Val d’Oise).

Cette visite du président de la République, le 1er janvier 1977, à une famille du monde de la misère suscita dans la presse pas mal de dérision. La rencontre d’Herblay fut immédiatement suivie d’un courrier adressé au Président, dans lequel le père Joseph revenait sur sa demande de création d’un « délégué aux minorités les plus défavorisées » aux côtés du président de la République et d’une représentation des plus démunis dans les instances officielles.

Dans un discours public prononcé à la salle de la Mutualité à Paris, le 17 novembre 1977, le père Joseph Wresinski enfonçait encore le clou. Dans une « adresse à l’Etat », il évoquait une fois de plus le rôle éminent du chef de l’Etat :

« Nous demandons d’abord que le président de la République se reconnaisse publiquement garant de la défense des intérêts des minorités exclues ; qu’il veille à ce que le Quart Monde obtienne au plus vite les moyens de ses libertés socio-économiques, culturelles et politiques ; qu’il veille notamment à ce que le Quart Monde soit représenté dans toutes les instances où les autres citoyens peuvent se faire entendre.

Nous demandons que pour assumer cette responsabilité dans les meilleures conditions, le chef de l’État désigne auprès de la présidence de la République un délégué chargé de suivre et d’évaluer en permanence l’élaboration et l’exécution d’un plan quinquennal pour éliminer la misère et l’exclusion dans la démocratie française. »

Il renouvela ces demandes dans un courrier adressé le 26 mars 1978 au président Giscard d’Estaing pour lui demander de recevoir le Mouvement ATD Quart Monde.

« Monsieur le Président,

Me permettriez-vous d’exprimer le souci de notre Mouvement que le sous-prolétariat de France ne demeure pas seul, parmi les citoyens, à ne point être entendu, en ces jours de consultation générale. Vous connaissez notre effort de plus de vingt ans, d’obtenir la reconnaissance de son droit d’être représenté, au même titre que tous les Français.

Depuis le siècle dernier, ce sous-prolétariat a vécu en exclu politique, parce qu’exclu de l’histoire que vivaient les classes ouvrières et paysannes, mieux armées pour entrer dans l’ère industrielle. Son histoire particulière et son identité propre n’ayant jamais été reconnues, il n’a pas reçu les moyens de sa représentation publique. D’autres ont parfois tenté de parler en son nom mais sans suffisamment le connaître ni jamais se solidariser publiquement avec lui. Aussi, les lois sociales ne recouvrent-elles jamais pleinement ses besoins, ni ne tiennent-elles compte de ses faibles moyens de répondre aux conditions et obligations qui forment la contrepartie inévitable de la jouissance de tous droits accordés.

Vous savez qu’à cause de cela, il existe au pied de l’échelle sociale, en France comme dans les autres pays industrialisés, une zone où même les droits de l’homme ne sont pas respectés. Ni l’alphabet, ni l’aide sociale, ni les moyens de protection de la santé et l’aide médicale n’y sont assurés. Sans parler du refus systématique d’embaucher ces travailleurs aux corps trop faibles, privés de métier et des aptitudes requises, même de la part d’ouvriers non qualifiés, par un marché de l’emploi moderne.

Ce que demande le sous-prolétariat par l’intermédiaire de notre Mouvement (le seul en France à avoir été conçu en organisation de solidarité sous-prolétarienne) ce n’est pas simplement que des mesures soient prises en sa faveur. Il demande avant tout d’entrer enfin dans la démocratie à laquelle participent depuis longtemps toutes les autres catégories de population. Tant que majorité et opposition parlementaires réunies peuvent exclure le sous-prolétariat de la vie politique, cette démocratie sera une démocratie pour certains mais pas pour tous.

Vous seul pourriez actuellement mettre fin à cette situation en acceptant de rencontrer un Mouvement représentatif du sous-prolétariat, vous pourriez infléchir son histoire d’exclu en l’introduisant enfin, en son nom propre, dans le discours politique... »

Dans une note manuscrite datée de l’été 1979, il tente de préciser les raisons qui le poussent à demander la création de ce poste de délégué aux minorités auprès du président de la République.

« Pourquoi auprès du président de la République ? Au fondement de la Constitution sont les droits de l’homme. Le président de la République est garant que ceux-ci soient respectés pour tous les citoyens (donc pour les plus défavorisés).

Cette garantie suppose une liberté envers les lobbies, les partis et groupes de pression. La conception de la démocratie est le respect et la défense des droits des minorités les plus défavorisées.

Il est la plus haute autorité morale et (en France) politique. Il doit donc veiller à ce que la Nation soit sensibilisée à ce que les droits des minorités soient l’affaire de tous.

Enfin il doit assurer la voix politique de ceux qui en sont privés.

Le délégué [donne] la possibilité au président d’intervenir en connaissance de cause. Il doit pouvoir intervenir indépendamment de toute influence. Il doit pouvoir avoir de l’influence sur tous les ministères. Il connaît, il tient à jour toutes informations concernant la condition enfantine de tous les enfants de la Nation.

Il est défenseur : il proposerait au chef de l’État un Plan à réaliser dans un laps de temps déterminé. Ce Plan se donnerait des objectifs limités. Il recevrait les moyens adéquats. Il étudierait les méthodes éprouvées. Il en assurerait l’application, l’évaluation, la diffusion des résultats.

Il est le mobilisateur des instances responsables. Il crée des initiatives.

Il doit agir pour que les moyens soient assurés aux parents et aux institutions pour que les droits soient assurés. »

Peu de temps avant la fin de son mandat, le président Giscard d’Estaing répondra partiellement aux attentes réitérées du père Joseph Wresinski. D’abord, en le nommant, en 1979, membre du Conseil économique et social. Puis en chargeant, en 1980, un conseiller d’Etat, M. Gabriel Oheix, d’un rapport « contre la précarité et la pauvreté », qui sera remis au président de la République le 23 mars 1981, quelques mois avant l’échéance de son mandat.

A la veille des élections présidentielles de 1981, l’Agence France Presse (AFP) relate un entretien donné par le père Joseph au cours duquel ce dernier souligne l’importance de ce rapport : « Il marque selon lui « une date dans l’histoire du sous-prolétariat et dans la lutte contre la misère », souligne notamment la persistance en France de l’extrême pauvreté et rejette toute forme d’assistance aux familles les plus démunies, au profit d’un revenu minimum de soutien social.

Pour le père Wresinski, qui avait demandé dès 1972 qu’un tel rapport soit établi, il faut malgré tout éviter que l’application des quelques soixante propositions faites par M. Oheix ne se retourne contre les pauvres en les enfermant un peu plus “ sous la férule de l’administration.

Il faut en outre, insiste-t-il, que des mesures soient prises pour lutter contre l’illettrisme et garantir le droit des plus pauvres au savoir et à un métier, à la représentation (qu’ils soient reconnus comme des "partenaires sociaux"»), et à la sécurité des ressources.

« Quel que soit le président de la République, demain, déclare le père Wresinski, il est évident que nous ne laisserons pas ce rapport sous le coude, que nous nous battrons pour qu’il devienne une réalité ».

Interpellés au cours de la campagne, les différents candidats se prononceront sur le sujet.

François Mitterrand affirmera ainsi « que la justice sociale est au cœur de son engagement, qu’il est en tout d’accord sur les positions et les propositions du Mouvement, spécialement celles qui concernent les conditions d’intervention de l’administration auxquelles sont soumis les Français ».

Jacques Chirac dira son accord pour que les efforts soient poursuivis en faveur du Quart Monde et « spécialement en ce qui concerne l’emploi, le logement, l’aide à la famille ».

Valéry Giscard d’Estaing quant à lui affirmera « vouloir poursuivre l’effort entrepris depuis sept ans pour faire admettre aux Français l’existence d’un Quart Monde qui altère la crédibilité de la démocratie. Il s’emploiera pendant son septennat à concrétiser les mesures préconisées dans le rapport Oheix afin d’aboutir à l’élimination de l’exclusion et de l’extrême pauvreté en France ».

Quant à Georges Marchais, il se dira « prêt à s’engager pour la destruction de la misère ».

Présidence Mitterrand

Dans une lettre datée du 6 décembre 1983, sollicitant une audience, le père Joseph Wresinski revient une fois encore sur les responsabilités qui sont à ses yeux celles du chef de l’Etat :

« Monsieur le Président de la République,

Si je vous demande de me recevoir, sachant bien le poids des charges qui vous incombent, c’est pour vous transmettre l’appel de tous ceux qui, dans notre pays, subissent la misère et l’exclusion sociale, parce que vous êtes, monsieur le Président de la République, le protecteur et le garant des minorités. Vous le savez, dans notre pays même, plus de deux millions de Français parmi nos concitoyens sont en fait privés de leurs droits.

Voici qu’un grand espoir est né parmi eux en ce trente-cinquième anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Ils attendent des grandes organisations internationales qui ont, au lendemain de la guerre, dénoncé le racisme et la torture, qu’elles reconnaissent l’extrême pauvreté comme une violation des droits fondamentaux, sans lesquels il n’y a ni dignité pour les personnes humaines, ni avenir pour les enfants, ni justice sociale, ni véritable démocratie.

Pour ce qui est des pays développés, en voie de développement ou, d’une façon encore plus tragique, des pays les plus pauvres, la misère de certains groupes de population ne cesse de s’aggraver, détruisant leur identité culturelle et leurs relations sociales, les privant de tous les moyens de promotion personnels et collectifs.

Ne pensez-vous pas que la France, grâce à votre action, serait fidèle à son rôle historique, à sa vocation même parmi les peuples, si elle proclamait et aidait à proclamer ces droits inaliénables et qu’on ne peut dissocier : sociaux, politiques, économiques, culturels, spirituels ?

La confiance des plus défavorisés parmi les Français, c’est que, leurs droits étant reconnus, à travers eux un nouveau pas soit fait vers un plus grand respect de chaque homme.

Des dizaines de milliers de jeunes, d’hommes, de femmes, d’enfants sont solidaires de cette confiance et ont signé un appel que je désirerais vous remettre. J’espère que vous ne voudrez pas décevoir leur attente. »

Dans un discours prononcé devant l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le président Mitterrand, parlant des droits de l’homme, évoquera la situation des populations vivant dans l’extrême pauvreté.

En mai 1985, dans le cadre d’un colloque international à l’occasion duquel le Parvis du Trocadéro sera rebaptisé Parvis des Libertés et des Droits de l’Homme, le père Joseph Wresinski est invité à présenter une communication sur le thème : « Les plus pauvres, moteurs des droits de l’homme ».

L’année 1987 sera marquée par l’adoption le 11 février de l’avis du CES fondé sur le rapport Grande pauvreté et précarité économique et sociale présenté par Joseph Wresinski au nom de la section des affaires sociales. Le président Mitterrand reçoit le père Joseph à cette occasion. (Il recevra plus tard une délégation d’ATD Quart Monde conduite par Geneviève de Gaulle Anthonioz).

Et le 17 octobre, l’inauguration de la dalle à l’honneur des victimes de la misère, sur le Parvis des Libertés et des Droits de l’Homme, couronnera des années d’efforts pour que la misère soit enfin reconnue comme une violation des droits de l’homme.

A la veille de l’élection présidentielle du printemps 1988, le père Joseph Wresinski, décédé le 14 février, laisse aux candidats en présence la même question qu’il adressait au public rassemblé dans les jardins du Trocadéro le 17 octobre 1987 : « Et maintenant qu’allons-nous faire ? ».

Qu’allons-nous faire, qu’allez-vous faire, du rapport Grande pauvreté et précarité économique et sociale et de ses propositions ? Qu’allons-nous faire de ce qui a été proclamé et gravé dans le marbre le 17 octobre 1987 ?

Jean Tonglet

Jean Tonglet est directeur de la revue Quart Monde

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