Rachida Brakni. De sas en sas

Fiction, France, 2017

Bella Lehmann-Berdugo

p. 47-48

Bibliographical reference

Rachida Brakni. De sas en sas. Fiction, France, 2017

References

Bibliographical reference

Bella Lehmann-Berdugo, « Rachida Brakni. De sas en sas », Revue Quart Monde, 242 | 2017/2, 47-48.

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Bella Lehmann-Berdugo, « Rachida Brakni. De sas en sas », Revue Quart Monde [Online], 242 | 2017/2, Online since 15 December 2017, connection on 29 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6865

Par une journée d’été caniculaire, des femmes rendent visite à un proche (fils, frère, mari, compagnon), détenu à la prison de Fleury-Mérogis. Nous suivons Nora et sa mère Fatma qui s’apprêtent pour la visite au parloir et préparent des effets, de la nourriture pour leur frère et fils. D’emblée nous plongeons dans le stress, la lassitude. On comprend qu’elles y vont depuis des mois, par devoir et par amour, enfermées déjà dans cette dualité : soutenir un homme qu’elles ont peut-être mal surveillé, négligé, et qui a commis un délit (ou un crime). Les voilà happées par la chaleur, la fatigue et le découragement. Bientôt elles retrouvent d’autres femmes à la prison, qu’elles connaissent déjà plus ou moins. La tension, le malaise montent au fil des étapes à parcourir. Il faut passer plusieurs portes jusqu’au parloir : les fouilles, l’attente, le passage aux toilettes, le contrôle du linge, de la nourriture pour les prisonniers.

Tourné dans un hôpital psychiatrique désaffecté, le film1 nous fait vivre de façon sensorielle le sentiment d’aliénation : la circulation en labyrinthe, l’absence d’intimité (vitres opaques où des silhouettes passent), l’environnement sonore (sonneries, serrures, portes en fer, rumeurs, cris, cavalcades), la chaleur, la présence des « matons ». Toutes, elles doivent affronter l’indifférence du personnel, lui-même enfermé, blasé, découragé.

Issues de milieux sociaux et culturels que tout oppose, ces femmes, qui ne se seraient jamais côtoyées ailleurs, vont pourtant développer de la solidarité. Ce qui les lie, c’est une forme de honte qui ne dit pas son nom. Et un sentiment de double exclusion : elles purgent une peine, tout comme leur proche incarcéré en devenant des « condamnées collatérales ».

Pourtant la vie est là, avec des fous rires, des mélodies, leur coquetterie, une façon de ne pas se laisser abattre, de garder la tête haute et sa dignité de femme.

Après cette « traversée » de violence et de souffrance, l’énergie qu’elles ont puisée les unes des autres reprend vie, juste avant la porte du parloir, où le spectateur n’entrera pas2.

1 Fiction de Rachida Brakni, France, 2017.

2 Un huis-clos de femmes qui n’est pas sans rappeler le film Dégradé des Palestiniens A. et T. Nasser (2015) ou Caramel de la Libanaise Nadine Labaki

1 Fiction de Rachida Brakni, France, 2017.

2 Un huis-clos de femmes qui n’est pas sans rappeler le film Dégradé des Palestiniens A. et T. Nasser (2015) ou Caramel de la Libanaise Nadine Labaki (2007). Ces femmes énergiques rappellent celles de Much Loved (2016) du Marocain Nabil Ayouch.

Bella Lehmann-Berdugo

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