Guillaume Le Blanc & Fabienne Brugère, La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ?

Éd. Flammarion, 2017, 236 p.

Jean Tonglet

p. 62-63

Référence(s) :

Guillaume Le Blanc, Fabienne Brugère, La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ? Éd. Flammarion, 2017, 236 p.

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Jean Tonglet, « Guillaume Le Blanc & Fabienne Brugère, La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ? », Revue Quart Monde, 244 | 2017/4, 62-63.

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Jean Tonglet, « Guillaume Le Blanc & Fabienne Brugère, La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ? », Revue Quart Monde [En ligne], 244 | 2017/4, mis en ligne le 15 juin 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/6999

D’emblée, les auteurs, tous deux philosophes, s’expliquent sur leur démarche. « Nous nous sommes rendus, écrivent-ils, dans des lieux où l’on ne va pas en général, pour nous demander si nous vivons encore dans un monde hospitalier, avec comme horizon la paix et la démocratie. Nous revendiquons une philosophie de terrain ; ‘un reportage d’idées’ qui considère qu’‘il y a plus d’idées sur la terre que les intellectuels souvent ne l’imaginent’ », empruntant ces mots à Michel Foucault.

Ce « reportage d’idées », cette « philosophie de terrain », les conduisent dans plusieurs de ces lieux où les réfugiés trouvent asile - Calais, Grande-Synthe, Lampedusa, Vintimille, Berlin-Tempelhof - pour s’efforcer de comprendre leurs histoires, leurs trajectoires, leurs appels. Et à travers ce périple aux périphéries de l’Europe, ils s’interrogent sur ce que nous avons fait de l’hospitalité.

Ils entreprennent alors une archéologie de l’hospitalité, telle qu’on la pratiquait dans l’Antiquité, telle qu’on la pensait aux Lumières. Ils convoquent le Kant de Vers la paix perpétuelle : « La terre étant sphérique, les hommes ne peuvent pas s’y disperser à l’infini, mais ils doivent finalement supporter la promiscuité, personne n’ayant originellement plus de droit qu’un autre à être à un endroit donné de la terre ». À l’époque contemporaine, c’est Jacques Derrida qui les inspire, lui qui rappelait que dans la langue française celui qui reçoit et celui qui est reçu sont tous deux appelé « hôte », et qui écrivait : « Je ne serais pas ce que je suis et je n’aurais pas de maison, de nation, de ville, de langue, si l’autre, l’hôte, par sa venue ne me les donnait. »

Cette hospitalité kantienne ou derridienne est-elle une illusion dangereuse ? Appartient-elle au passé, comme le titre de l’ouvrage semble l’annoncer ? Le droit à l’hospitalité - que les auteurs distinguent de l’accueil durable - était devenu universel pour toute vie menacée, alors qu’aujourd’hui, l’Europe dresse des murs et maintient ces migrants à distance.

L’hospitalité serait-elle donc morte et enterrée ? Pas complètement car « dans tous les camps d’Europe et hors d’Europe, les bénévoles affluent », bénévoles animés par « la certitude sensible que n’importe quelle vie équivaut à n’importe quelle autre vie ». Mais l’hospitalité ne saurait relever de la seule éthique individuelle, elle appelle « une solution collective, et donc politique ». Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère dès lors plaident pour un « réalisme de l’hospitalité », qui serait l’œuvre d’une « République bienveillante » :

« De qui désirons-nous et pouvons-nous prendre soin ? Dans tous les cas, laisser vivre les populations en les cernant, en les emmurant, en les quadrillant plutôt que les faire vivre en les éduquant, en les formant, en leur donnant de l’espoir, c’est jouer une République malveillante contre une République bienveillante. »

Jean Tonglet

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