Rungano Nyoni. I Am not a Witch

Fiction, Allemagne/Grande-Bretagne/France, 2017

Martine Hosselet-Herbignat

p. 41

Référence(s) :

I Am not a Witch, fiction de Rungaro Nyoni. Avec Margaret Mulubwa, Henry B.J. Phiri, Nellie Munamonga, Dyna Mufuni. Allemagne/Grande-Bretagne/France, 2017.

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Martine Hosselet-Herbignat, « Rungano Nyoni. I Am not a Witch », Revue Quart Monde, 245 | 2018/1, 41.

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Martine Hosselet-Herbignat, « Rungano Nyoni. I Am not a Witch », Revue Quart Monde [En ligne], 245 | 2018/1, mis en ligne le 01 septembre 2018, consulté le 16 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7169

Dans un pays d’Afrique1, une femme est partie chercher de l’eau. Au retour, elle trébuche et répand le contenu de son seau. Une petite fille, immobile sur le chemin, la regarde sans mot dire. Il n’en faut pas plus pour que Shula, neuf ans, soit accusée de sorcellerie par les habitants de son village et envoyée dans un camp de sorcières. Comme les femmes – toutes beaucoup plus âgées – qui y vivent, elle est condamnée à rester attachée par un ruban à une grosse bobine, bobines transportées sur un camion Mercedes lorsque les femmes vont travailler aux champs ou dans les carrières de pierre. Toutes sont soumises à ce sortilège : si elles coupent leur ruban, elles seront maudites, et se transformeront en chèvres. Un fonctionnaire du gouvernement, en quête de promotion, voit tout le parti qu’il peut tirer de cette petite fille retenue prisonnière, quasiment mutique, mais douée d’un regard plein d’intelligence et de perspicacité. Elle va devenir le personnage principal d’une suite d’événements qui nous entraînent dans les croyances profondes subsistant au milieu d’un pays qui se modernise : justice rendue au moyen de poulets écorchés, incantations pour faire tomber la pluie,… Tableaux où les situations burlesques font face au sérieux résolu de la petite Shula qui se prête aux mises en scène, protégée par cette communauté de femmes sorcières qui l’entourent avec tendresse et vigilance. Les tableaux s’enchaînent sans transition, dans des paysages secs, où les femmes évoluent, telles des insectes poudrés de blanc, retenues par ces longs rubans flottants, solidement attachés dans leur dos, et on se prend à penser à la chèvre de Monsieur Seguin attachée elle aussi pour la protéger du loup qui rôde. Un loup qui serait ici la cupidité et l’étroitesse d’esprit des hommes. Après un bref passage – heureux – dans une école de brousse, dont le fonctionnaire la retire sans autre logique que de l’utiliser encore, on sent dans le regard profond de la petite Shula mûrir la décision de couper ce bout de tissu léger qui l’enchaîne, quitte à courir le risque de devenir une chèvre... La fin de l’histoire sera dans la même veine onirique qui parcourt tout le film, dont on sort avec une impression de tendresse, de force, et revigoré par la détermination de cette fillette à secouer les entraves qui l’empêchent d’avancer sur son propre chemin.

Les camps de sorcières existent en Zambie, et il ne doit pas faire bon y vivre. Rungano Nyomi, qui est née en Zambie, vit au Pays de Galles, et dont c’est le premier long métrage, a choisi de nous en faire percevoir la réalité de biais, par petites touches impressionnistes, qui font mouche. Elle a reçu pour ce film le prix de la Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2017.

1 I Am not a Witch, fiction de Rungaro Nyoni. Avec Margaret Mulubwa, Henry B.J. Phiri, Nellie Munamonga, Dyna Mufuni. Allemagne/Grande-Bretagne/France

1 I Am not a Witch, fiction de Rungaro Nyoni. Avec Margaret Mulubwa, Henry B.J. Phiri, Nellie Munamonga, Dyna Mufuni. Allemagne/Grande-Bretagne/France, 2017.

Martine Hosselet-Herbignat

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