Ce documentaire est saisissant de vérité et de respect pour les quatre femmes à la rue que la réalisatrice a suivies pendant six mois.
En France, un quart des 140 000 sans-abris sont des femmes. Une des premières paroles de l’une de ces femmes est : « Je suis morte avant d’être morte ». Mais toutes pourraient le dire. Leurs visages sont très expressifs. Il y a Christine, presque invisible, sous des cartons et des bâches, aux grilles du jardin des plantes ; Maria-Fernanda, victime de violences conjugales et d’une enfance malheureuse, qui ne veut pas bouger de son lieu habituel et qui, pour conserver ses repères, garde ses habitudes de weekend ; qui enfin, est tentée de refuser un logis pour ne pas perdre ses ultimes sécurités. Il y a Colette qui vit en couple avec Frédéric, rencontré lui aussi dans la galère de la rue, une vraie sécurité pour elle car les autres disent ne pas avoir échappé aux violences sexuelles. Ces deux-là font figure de privilégiés et, parlant avec compassion de ceux qui sont seuls, disent : « Il ne faut pas les blâmer s’ils boivent » et : « Le plus dur c’est la nuit », enfin : « On ne s’est jamais projeté sur le long terme », alors que précisément ils y arrivent. Pour accéder à un logement, ils font des économies, ils fabriquent de petits avions en bois qu’ils vendent dans la rue… Pas révoltés non plus mais plutôt incrédules qu’on leur ait diminué leur RSA pour cause de ressources liées à la mendicité. Il y a aussi Catherine, ancienne chef d’entreprise de 59 ans, qui vit dans une chambre de bonne minuscule, après avoir vécu dans une cave et à la rue et qui est sur le point d’avoir trouvé une solution. Elle s’exprime ainsi : « La plus grande tristesse, la plus grande peur est que le temps passe et on n’a pas bougé de là ». Leurs inquiétudes sont le reflet de réalités incontournables : « Avec le truc des digicodes on peut plus dormir dans les cages d’escalier » et : « On a l’impression qu’ils font des économies sur les pauvres ».
C’est un très beau reportage au plus près des personnes, à ras du sol où ces femmes dorment, et surtout face à leur verticalité quand elles s’expriment. Il prend le temps de laisser émerger une parole lente à venir et filme de très près la douleur des visages et des attitudes. Merci Katia !