Nora Twomey. Parvana, Une enfance en Afghanistan

Un film d’animation, coproduction de l’Irlande, du Canada et du Luxembourg, 2017

Marie-Hélène Dacos-Burgues

p. 46-47

Référence(s) :

Parvana, film d’animation, coproduction de l’Irlande, du Canada et du Luxembourg, de Nora Twomey, 2017.

Citer cet article

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Nora Twomey. Parvana, Une enfance en Afghanistan », Revue Quart Monde, 247 | 2018/3, 46-47.

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Marie-Hélène Dacos-Burgues, « Nora Twomey. Parvana, Une enfance en Afghanistan », Revue Quart Monde [En ligne], 247 | 2018/3, mis en ligne le 01 mars 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7556

Il existe peu de films d’animation dont le sujet soit matière à connaissance et à compréhension du monde. Voici un film1 animé, très poétique, sur un sujet grave. Traitant en réalité d’un thème dénué de toute poésie, il serait effrayant pour des enfants si la réalisatrice n’avait pas pris soin de construire son film autour de plusieurs histoires, les faisant s’imbriquer l’une dans l’autre, s’enrouler l’une sur l’autre avec beaucoup d’habileté. Il s’agit donc en effet de la guerre, de l’histoire de l’Afghanistan, de ses talibans, de la situation dramatique des femmes qui vivent sous ce régime, de la répression qui s’abat sur les intellectuels et sur tous ceux qui, par leurs comportements, ont l’air de contester tant soit peu la religion et l’ordre établi…

Dans ce film, dans ce contexte, la réalisatrice nous parle principalement de l’histoire d’une famille d’intellectuels vivant à Kaboul et de cet univers onirique dans lequel le père fait baigner ses enfants en leur racontant des histoires sur le passé tranquille et égalitaire de leur pays, et sur d’autres merveilles. À ce moment-là les femmes allaient à l’Université.

Ce monde des contes qui accompagne les enfants est un fil d’Ariane. Il est une des matières premières. Il s’incarne dans le récit que fait l’héroïne Parvana à son petit frère, lui racontant comment un petit garçon a réussi – après toutes sortes d’aventures et une lutte âpre contre un éléphant malfaisant – à respecter la promesse faite à son village de rapporter des graines indispensables pour servir de semences avant la période des semis qui devraient donner ensuite une belle moisson si nécessaire à tous.

Enfin, et surtout, le film déroule l’histoire plus précise de cette fillette de onze ans dont le père, écrivain public et professeur, a été emprisonné sans qu’on sache très précisément le motif qui a présidé à son emprisonnement. À ces récits divers bien connectés entre eux et qui donnent lieu à des images de toute beauté, s’ajoute un dernier récit concernant le fils aîné mort parce qu’il avait trouvé pour jouer une grenade explosive. Ce dont la mère ne veut jamais parler.

Après l’arrestation du père, il n’y a plus d’homme à la maison. Seuls un bébé de trois ans, ses deux grandes sœurs, et la mère. La famille aurait besoin d’aller chercher l’eau au puits, elle aurait besoin de faire des courses et aurait besoin de gagner un peu d’argent.

L’idée de la mère est de demander par lettre à un cousin lointain de bien vouloir trouver un mari pour la fille aînée, promettant de ne pas être un fardeau pour eux. Il n’y a pas d’autre alternative. En attendant que le cousin arrive, Parvana essaie de retrouver son père. C’est une opération très dangereuse. En tant que fille, Parvana ne peut se trouver seule dehors. Non seulement elle doit être accompagnée dans tous ses déplacements par un homme mais – pire encore – la place des filles est à la maison, comme l’avait rappelé un taliban à son père au moment de l’altercation sur le marché, altercation qui a peut-être précipité l’arrestation du père de famille.

La solution trouvée par Parvana est astucieuse. Cheveux coupés, elle prend alors les vêtements de ce frère mort pour pouvoir aller faire les courses, se trouver dehors et reprendre le métier d’écrivain public du père afin de ramener un peu d’argent à la maison. Au marché, habillée en garçon, elle dit : « Je prie, je lis, j’écris pour vous ! » Un jour, elle lit une lettre qui fait mention d’une personne portant un nom signifiant « halo de lune », le grand amour d’un homme qui ne sait pas lire. Finalement il sera ému par les compétences du « garçonnet » et sa fragilité, et l’aidera à faire sortir son père de prison. Le soleil accompagne la course du garçon qui cherche ses graines à semer. Le « halo de lune » sera la chance de Parvana.

Les contes se terminent toujours par une morale. La conclusion du film : « C’est la pluie qui fait pousser les graines, ce n’est pas le tonnerre » peut servir de morale.

Nous pourrions aussi y voir une autre leçon : dans l’adversité, dans tous les milieux, les enfants trouvent les moyens de sauver les leurs. C’est donc un film pour nos amis des groupes Tapori du monde entier.

Nora Twomey, réalisatrice irlandaise, a demandé à Golshifteh Farahani, actrice iranienne, de prêter sa voix à Parvana qui a le rôle principal. De nombreuses voix concourent ainsi à faire parler ceux qui sont interdits de parole.

L’aspect poétique est magnifiquement servi par un graphisme de grande qualité, très soigné, épuré, aux couleurs chaudes. Il fait penser à deux autres films-cultes : Kirikou et la sorcière2 et La prophétie des grenouilles3.

1 Parvana, film d’animation, coproduction de l’Irlande, du Canada et du Luxembourg, de Nora Twomey, 2017.

2 Kirikou et la sorcière, film d’animation français, de Michel Ocelot, 1998.

3 La prophétie des grenouilles, film d’animation français, de Jacques-Rémy Girerd, 2003.

1 Parvana, film d’animation, coproduction de l’Irlande, du Canada et du Luxembourg, de Nora Twomey, 2017.

2 Kirikou et la sorcière, film d’animation français, de Michel Ocelot, 1998.

3 La prophétie des grenouilles, film d’animation français, de Jacques-Rémy Girerd, 2003.

Marie-Hélène Dacos-Burgues

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