La première fonction de l’État moderne est de protéger ses citoyens en maintenant la paix intérieure et en assurant la défense contre les ennemis extérieurs. Détenteur du monopole de la violence légitime, il interdit la vengeance privée. Comment se fait-il qu’un tel Etat se tourne contre ses propres citoyens, comme c’est le cas dans les génocides, les massacres, les nettoyages ethniques ?
Paul Dumouchel lit les théories du contrat social à la lumière des analyses que René Girard fait du mécanisme sacrificiel. Ainsi l’État moderne apparaît comme une variante des institutions que l’humanité s’est données au cours des siècles afin de se protéger du déchaînement de la violence. Est définie comme « politique » toute violence qui se légitime elle-même. De même que les sociétés archaïques et féodales, l’État moderne est fondé sur la violence. Mais cette violence n’est plus autorégulatrice : il n’a pas de « victime acceptable » qui puisse ramener la paix en attirant la violence de tous.
L’auteur vérifie et affine son hypothèse en examinant des faits historiques précis. Dans cette analyse, la misère et l’indifférence face aux exclus sont autant des conséquences de la manière « moderne » de gérer la violence que le sont les génocides, le terrorisme et le non-respect des droits de l’homme sous prétexte de la sécurité.