Dans ce petit livre d’entretien avec Denis Lafay, Étienne Klein, physicien et directeur d’un laboratoire au Commissariat à l’énergie, examine rétrospectivement la dégradation de la confiance de nos contemporains avec le « progrès » qui devait tout simplement, aux yeux des penseurs des « Lumières », avec le progrès scientifique puis le progrès technique, œuvrer à une amélioration du sort de l’humanité. On en est loin.
Étienne Klein plaide avec intelligence et discernement pour que, face aux accusations actuelles, l’on ne rejette pas la recherche et ses instruments avec l’eau du bain. Certes, le procès de la science n’est pas propre au 21e siècle. Il pointe à la fois deux tendances lourdes à l’égard de la recherche scientifique. D’une part on sacrifie la recherche fondamentale au profit de la recherche appliquée. C’est l’effet de l’influence du marché qui exige une rentabilité à court terme en vue d’une marchandisation pour le plus grand nombre. D’autre part une autre accusation forte qui imprègne désormais les mentalités et remet en question la notion même de « progrès » : c’est le progrès scientifique qui aurait créé les conditions d’un épuisement des ressources naturelles de la planète et entrainé une pollution avec ses effets sur les climats, comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité.
Pour l’auteur, depuis que l’idée de progrès s’est problématisée, cela devient désormais une affaire de valeurs et non plus seulement de principes, qu’ils soient éthiques ou normatifs. La recherche de sens... Et ce n’est pas là l’affaire des seuls scientifiques : « Chacun d’entre nous doit se sentir porteur d’une certaine idée de progrès ». Et pour être encore plus clair, il précise : « Le progrès technologique devrait être indissociable du progrès social ». « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait déjà Rabelais à son époque. Même s’il se veut résolument optimiste, il conclut : « Sans doute le temps est-il vraiment venu d’être courageux. »