John Kenneth Galbraith, Laurent Cordonnier, Jonathan Swift, L’art d’ignorer les pauvres

Éd. Les Liens qui libèrent, Le Monde diplomatique, 2011, 73 p.

Annick Mellerio

p. 51

Référence(s) :

John Kenneth Galbraith, Laurent Cordonnier, Jonathan Swift, L’art d’ignorer les pauvres, Éd. Les Liens qui libèrent, Le Monde diplomatique, 2011, 73 p.

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Annick Mellerio, « John Kenneth Galbraith, Laurent Cordonnier, Jonathan Swift, L’art d’ignorer les pauvres  », Revue Quart Monde, 224 | 2012/4, 51.

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Annick Mellerio, « John Kenneth Galbraith, Laurent Cordonnier, Jonathan Swift, L’art d’ignorer les pauvres  », Revue Quart Monde [En ligne], 224 | 2012/4, mis en ligne le 01 mai 2013, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/7890

A partir du contexte de la société d’alors - la grande misère de l’Irlande au 17ème siècle, les principes de l’économie sous Ronald Reagan ou ceux des puissances occidentales de l’OCDE - ces trois réflexions nous proposent différentes manières d’ignorer la pauvreté, et même de la supprimer, parfois sur un ton ironique, bien loin de l’emphase indignée ou des pleurnicheries habituelles.

1) Un article de John Kenneth Galbraith, publié aux États-Unis en 1985, puis dans Le Monde diplomatique en 2005. La première remarque donne le ton : « Je voudrais livrer ici quelques réflexions sur l’un des plus anciens exercices humains : le processus par lequel […] nous avons entrepris de nous épargner toute mauvaise conscience au sujet des pauvres ». L’auteur analyse ainsi les différentes théories économiques qui se sont succédé : les pauvres sont trop féconds (Malthus), l’élimination des pauvres améliore la race humaine (Spencer) et les théories plus récentes moins brutales :

- le fait d’aider les pauvres fausse le fonctionnement de l’économie,

- les aides publiques détournent les pauvres du travail et découragent les efforts des actifs : « en prenant l’argent des pauvres et en le donnant aux riches, nous stimulons l’effort et, partant, l’économie ».

Dans sa conclusion, avec un grand art de l’ironie, l’auteur suggère plutôt « la compassion, assortie d’un effort de la puissance publique », car « le mécontentement social et les conséquences qu’il peut entraîner ne viendront pas de gens satisfaits ».

2) Dans Économistes en guerre contre les chômeurs, Laurent Cordonnier montre comment les stratégies d’activation des chômeurs, ou la doctrine du workfare, prônée par l’OCDE, consistent à rendre la position des chômeurs de plus en plus difficile pour les inciter à travailler : baisse des allocations, réduction de la durée d’attribution, voire leur suspension si le chômeur ne peut justifier du « caractère réel et sérieux de sa recherche d’emploi ».

Par ailleurs, la théorie selon laquelle les chômeurs sont en fait de faux chômeurs, volontairement inactifs, permet à ceux qui travaillent de se sentir moins menacés.

Devant la réalité de la pénurie d’emplois, ne serait-il pas plus honnête de « laisser les individus ‘choisir’ qui doit être au chômage et qui doit occuper un emploi » ?

3) Dans Du bon usage du cannibalisme, Jonathan Swift, pour protester contre la situation d’effroyable misère de l’Irlande en 1729, en vient à proposer aux pauvres de commercialiser les enfants dès un an en « viande de boucherie » pour éviter d’avoir à subvenir aux besoins de ceux-ci et aux enfants eux-mêmes de devenir délinquants.

Annick Mellerio

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