En vignette sur le prospectus qui présente le film1 on peut lire ceci : « On saisit mieux le pouls d’une société quand on comprend ceux qu’elle exclut ». Tel est donc le projet clairement annoncé de ce film : nous faire entendre l’exclusion, comprendre ses mécanismes.
Sibel est une jeune fille qui vit avec son père et sa jeune sœur. La mère est morte. Sibel est muette. Elle a appris la langue sifflée qu’on parle dans cette région de montagne de Turquie, et malgré cette capacité « culturelle commune », elle est rejetée par la population. Surtout par les femmes qui sont ses semblables, et avec qui elle est censée avoir des contacts. Son étrangeté la désigne comme infréquentable. La jeune fille s’occupe du foyer du père, et participe quand on a besoin d’elle au travail des champs avec les autres femmes du village, pas très aimables avec elle. Mais elle a du temps pour se livrer à de longues errances dans la forêt où elle traque un loup avec un fusil que lui a donné son père, maire du village. Elle aide aussi au quotidien une vieille femme qui a un peu perdu la tête, vit seule, isolée dans une cabane. Cette femme, elle aussi rejetée, connaît toutes les légendes du Rocher de la Mariée si important comme mythe dans le village, et elle attend son amoureux depuis des années, alors que tout le monde sait qu’il a été battu à mort pour avoir transgressé les habitudes. Le père de Sibel est fier de son aînée, il la laisse être libre de ses mouvements et indépendante. Il lui fait confiance. Elle va finalement le décevoir. Dans les bois, elle rencontre un jeune homme qui se cache, Ali, un déserteur blessé. Sans rien dire à son père, encore moins à sa sœur et aux femmes, elle l’aide, lui permet de survivre. La sœur, jalouse de la liberté de Sibel, l’espionne, découvre les agissements de sa sœur, la dénonce au père et aux femmes. Pour tous, Ali représente l’étranger, le terroriste. Le mariage de la sœur qui était programmé devient alors impossible.
On est ému par le père qui protège ses filles et qui ne sait plus que faire, par la rencontre amoureuse de Sibel et d’Ali, par la réconciliation des sœurs…, enfin par l’approche que les cinéastes ont fait du cadre culturel de Kusköy (le village des oiseaux) dans lequel se déroule cette histoire. Un film qui s’inspire de la vraie vie. Une « fiction sincère » comme disent les réalisateurs, couple homme-femme connaissant bien la Turquie.