Depuis la Révolution française, l’aide sociale est un droit car la misère n’est pas imputée à la paresse mais à des causes politiques, économiques, sociales. La société doit aider les pauvres qu’elle secrète, dans un souci de justice.
Ancien inspecteur de l’Aide sociale à l’Enfance (ASE), Pierre Verdier décrit le fonctionnement de cette institution qui suit plus de 500 000 enfants. Il définit l’ASE comme « un ensemble de moyens pour remédier aux difficultés économiques ou éducatives de la famille et à l’inadaptation à une situation particulière des moyens d’existence et de protection généraux ». L’ASE se donne pour objectifs d’aider les familles à assurer elles-mêmes leurs tâches éducatives, préserver les liens enfant/famille, préserver la continuité de l’enfant en bâtissant un projet avec lui, si possible, avec sa famille.
L’aide aux familles peut prendre des formes diverses (aide financière, travailleuse familiale, etc.) dont le placement provisoire de l’enfant ne doit intervenir qu’en dernier recours. Pourtant, aujourd’hui, soixante-trois pour cent des placements ont des causes matérielles que des solutions de garde ou de secours pourraient pallier.
L’auteur rappelle que l’Administration ne peut agir qu’avec l’accord de la famille. L’assistance éducative ne supprime pas l’autorité parentale : les liens parents/enfant doivent être maintenus et le retour dans la famille recherché. La réalité est souvent différente : la famille est oubliée, tacitement considérée comme inexistante, ou mauvaise, et il faut en éloigner l’enfant. Il faut constater que la solution du placement, la plus chère et la plus préjudiciable à l’enfant, est toutefois la plus facile à obtenir par les travailleurs sociaux (que l’auteur montre enclins parfois à des jugements de valeur envers les familles).
Pierre Verdier souligne que « les pauvres sont toujours ceux qui reçoivent le moins de la collectivité » et, faisant le constat d’un échec partiel du placement traditionnel, en s’appuyant notamment sur le manque de réussite scolaire, professionnelle et sociale des enfants, il affirme que « l’inadaptation du service surajoute à l’inadaptation des enfants. »
« Qu’est-ce qu’un enfant dont la moralité est en danger ? » « Que veut dire "se désintéresser de son enfant ?" », s’interroge-t-il. La loi protège mal les enfants des retraits car ses termes sont flous. Après une circulaire de 1976 suggérant que les relations parents/enfant sont un droit et un besoin, la loi de 1984 vise à préserver l’autorité parentale : droit des familles à être informées, accompagnées, à obtenir des recours. Elle associe les enfants aux décisions et prévoit de réévaluer leur situation au moins une fois par an. Elle instaure aussi des voies de recours à tous les niveaux.
La séparation est toujours traumatisante. C’est une perte totale des parents aux yeux de l’enfant qui n’a pas eu d’expériences antérieures structurantes. Lorsqu’elle est violente, elle constitue pour l’enfant un danger de mort psychologique. « C’est une pratique criminelle », affirme même l’auteur du livre. Ces dangers inhérents à toute séparation sont trop souvent ignorés par les travailleurs sociaux chez lesquels l’auteur dénonce « le besoin de punir », en interdisant les visites par exemple.
L’intérêt n’est pas assez porté sur les causes de l’inadaptation, seulement à ses effets. La tendance est alors de la réduire à des problèmes individuels que l’on traite au coup par coup. Ainsi la réponse est-elle parcellaire, insuffisante et parfois même néfaste