Le rapport Les 1 000 premiers jours remis au gouvernement français en septembre 20201, rappelle « l’importance des premières années de la vie pour le développement social, cognitif, affectif et relationnel ultérieur de l’enfant ». Comment se vit cet âge extrêmement vulnérable dans les familles les plus pauvres ?
… De jeunes parents du Pas de Calais qui ont participé à un projet d’ATD Quart Monde de promotion familiale et culturelle à partir du petit enfant2, disent quel espoir soulève la venue d’un bébé : « Même quand c’est difficile, quand on a le bébé qui arrive, on oublie les soucis, on pense au bonheur qui va nous arriver », et leur volonté à sa naissance : « Personne ne te fera du mal ». Cependant, stigmatisées et disqualifiées très tôt par certains travailleurs sociaux qui disent agir « dans l’intérêt supérieur de l’enfant », les familles les plus fragiles sont en grand risque, dès la conception de leur enfant, de dépossession de leurs apprentissages parentaux, de négation de leur réel savoir-faire, voire d’éclatement. « On sait depuis longtemps qu’il y a, en Belgique comme dans tous les pays qui pratiquent légalement, selon l’euphémisme à la mode, ‘l’éloignement du milieu de vie’, une relation statistiquement significative entre pauvreté et placement », rappelle Jacques Fierens3.
Quand les conditions d’expression et d’écoute sont réunies, les jeunes parents savent dire de manière très fine « ce qui les a aidés, pas aidés, ou aurait pu les aider » dans leurs entreprises pour prendre soin de leurs enfants et leur assurer l’avenir le meilleur. Parallèlement à l’intrusion de certains services sociaux ne tenant pas compte de l’expertise des parents, des initiatives – pour certaines, de longue date – innovent et travaillent avec bienveillance à les mettre en valeur, à établir des relations de confiance avec eux, à accompagner les apprentissages nécessaires et renforcer les liens intrafamiliaux. Les Centres parentaux créés par l’association Aire de famille4, ou encore les Maisons des familles5 s’organisent en France pour revaloriser les capacités des familles vulnérables et briser leur enfermement. Un programme d’éveil à la lecture des tout-petits a été mis en place par le Réseau des bibliothèques de Montréal, sollicitant étroitement la participation des parents6. En Italie, un réseau national promeut le projet Ip Ip Urrà7 qui s’appuie sur la famille et sur la communauté. La fraternité, que la vie de pauvreté abîme souvent, peut devenir alors le creuset de la transmission d’une histoire, d’une culture commune aux enfants, à leurs parents, à la société à laquelle ils appartiennent et dont ces projets les rendent acteurs.