Issu d’une thèse de doctorat en sociologie, cet ouvrage met en discussion les dimensions situées et engagées de la recherche. À partir d’une expérience dans un quartier populaire de Saint-Pol-sur-Mer sur la réappropriation des espaces publics par les habitants et les habitantes, l’auteur souligne l’importance pour le ou la chercheuse de s’engager sans préalable, sans plan ni méthode. Il rappelle ici que la science sociale tend à renforcer la hiérarchie de production des savoirs et les institutions qui la légitiment, en se basant sur des interprétations détachées et des documentations objectivantes des situations. En contrepoint, il suggère une continuité entre les situations de vie et les situations de recherche, engageant donc le chercheur à parler à partir d’un point de vue situé. Toute l’argumentation de l’auteur repose sur la dimension située de ce point de vue, enraciné et soucieux des milieux de vie qu’il habite. Il s’agit donc bien de se dégager du mythe du point de vue neutre qui légitime le positionnement scientifique, pour envisager la recherche comme une expérience collective, d’agir à partir des territoires, des lieux de vie, de l’existence, à partir d’une décision de mise au travail émanant d’un groupe et non pas d’un chercheur qui viendrait observer un phénomène de manière externe.
Dans cette perspective de refus de la neutralité axiologique, la recherche s’affirme comme liée aux cris des personnes opprimées, en légitimant leur capacité d’analyse, de discours, de pertinence, de sens et de scientificité. La recherche s’invente donc en situation puisqu’elle part d’une posture de non-savoir. La méthode de recherche s’apparente alors à un bricolage qui s’adapte continuellement aux circonstances inédites qui sont découvertes. Loin de l’observation, de la description, de la documentation, le collectif de recherche – dont font partie les habitants et les personnes issues du monde universitaire – se mobilise, partage, pense et travaille sur les expériences qui co-construisent la recherche. Cela implique des dispositions à l’attention aux personnes, aux êtres et aux choses. Sur le plan de l’écriture et de la restitution enfin, l’auteur montre que des formes d’écritures collectives alternatives de la recherche sont possibles, pour désengager le chercheur ou la chercheuse de sa position hégémonique de « sachant » et rétablir une égalité des savoirs et des intelligences. C’est ainsi que toute recherche collective relève d’une recherche-action qui transforme les lieux et les personnes qui y participent, au-delà de leurs appartenances statutaires.