Habiter avec les autres ?

Jean Tonglet

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Jean Tonglet, « Habiter avec les autres ? », Revue Quart Monde [En ligne], 197 | 2006/1, mis en ligne le 05 août 2006, consulté le 28 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/145

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Habitat, Logement

Où que nous portions notre regard, la situation des populations les plus pauvres par rapport au droit effectif au logement se révèle de plus en plus inhumaine. Le coût du logement, le niveau des loyers, la pénurie entraînent des personnes et des familles pourtant moins précarisées dans les mêmes difficultés. Affirmé comme un des droits de l’homme dans tous les pactes internationaux et dans la plupart des Constitutions nationales, le droit au logement ne cesse pourtant d’être nié, bafoué, ignoré : son effectivité est battue en brèche par des expulsions et des déguerpissements brutaux, par l’éviction des plus pauvres des quartiers où ils avaient trouvé refuge.

Au mieux concède-t-on alors à ces populations un ersatz: le droit à l’hébergement dans un hôtel, une institution charitable ou d’autres lieux dans lesquels leurs libertés sont contraintes, leur sécurité menacée et les perspectives d’avenir improbables. Paola Luzzi en témoigne en évoquant les « residence » de Rome, comme Gabrielle Erpicum en parlant des camps de réfugiés de Nairobi. Claire Lévy-Vroelant analyse à travers l’exemple de la France la nature et l’ampleur de cette nouvelle crise du logement et de ce qu’elle révèle.

Cette dégradation de la situation du logement des plus défavorisés de nos citoyens n’émeut malheureusement pas l’opinion au point d’obliger les gouvernements à y mettre fin. Certains cependant refusent de s’y résoudre et se battent pour que le droit à un habitat décent devienne une réalité pour tous. Jacques Tronchon, à Madagascar, et d’autres acteurs en Belgique et en France témoignent, parmi d’autres, qu’il est possible de permettre aux plus pauvres d’accéder au logement, si un certain nombre de conditions sont réunies. Si, notamment, nous prenons en considération que le logement n’est pas seulement un bien marchand, un toit et des murs, mais aussi et d’abord un lieu au départ duquel il devient possible de créer des relations avec les autres (Luc Laurent) ; à condition aussi que ces autres délogent l’indifférence qui est en eux (Bernard Devert)

Face au défi qui nous est posé, Olivier Nodé-Langlois se fait le porte-parole des associations et des mouvements qui se mobilisent pour faire du droit au logement un droit opposable.

Au-delà du droit, c’est bien la question de notre désir d’habiter ensemble qui est posée. Le concept généreux de « mixité sociale » se heurte aux égoïsmes territoriaux qu’analyse Didier Desponds : le droit au logement pour tous, oui !, mais pas à côté de chez moi, pourrait-on dire. Telle est bien la question de fond : voulons-nous vraiment habiter ensemble ?  

Quelques jours à peine après la parution du n° 196 de la Revue Quart Monde, nous apprenions le décès du professeur Pierre Pierrard, dont nous avions publié un entretien au sujet de son livre : « Les pauvres dans l’histoire ». La rédaction de la Revue Quart Monde salue la mémoire de ce grand ami : il aura été un de ceux qui au cours du dernier siècle auront contribué à faire sortir les petits et les humbles de l’oubli dans lequel une certaine idée de l’Histoire les avait maintenus.

Jean Tonglet

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