Du nouveau dans la communication

Alwine A. de Vos van Steenwijk

Citer cet article

Référence électronique

Alwine A. de Vos van Steenwijk, « Du nouveau dans la communication », Revue Quart Monde [En ligne], 163 | 1997/3, mis en ligne le 01 mars 1998, consulté le 19 avril 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4340

L'opinion dans les pays riches réfléchit, discute, bâtit ses théories et détruit celle des autres, sur l'effet des nouveaux moyens de communication. Vont-ils créer un monde ou même un homme nouveau ? Vont-ils unir ou désunir, approfondir ou anémier les rapports humains ? A qui appartiendra l'information, qui en sera créateur, fournisseur, demandeur ?

Le débat, nous en sommes conscients, touche à des préoccupations de toujours. A travers les temps, les cultures et les civilisations, au nombre des interpellations fondamentales ne trouve-t-on pas celles de la maîtrise du savoir qui donne pouvoir sur autrui et de la communication entre les hommes ?

Peut-être quand même quelque chose a-t-il changé dans l'interrogation qui se poursuit de siècle en siècle ? Depuis une quarantaine d'années, ne nous sommes-nous pas beaucoup plus qu'avant souciés des exclus de communication, de ceux qui, à défaut d'échange, sont par définition hors société, quelle qu'elle soit ?

« Dans ce rassemblement provoqué par la misère, chacun au fond est isolé. Isolé par rapport au voisin, mais isolé aussi par rapport à l'ensemble du groupe. D'autant plus isolé, que les gens ont un sens très fort de la culpabilité. Ils se croient coupables, On le leur a fait tellement ressentit personne ne leur dit que leurs échecs ne sont pas de leur faute. La culpabilité est l'élément le plus important de la solitude des hommes, et les pauvres se sentent coupables. Ils ont à la fois besoin de l'autre et peur de lui »1

C'est le père Joseph Wresinski qui parle ainsi, en 1962 ! à ceux qui vont devenir le volontariat ATD Quart Monde et que lui-même appelle déjà les « travailleurs aux relations humaines ». À l'inquiétude d'une société divisée entre ceux qui savent un peu et ceux qui savent beaucoup, il a ajouté celle d'une société qui, par la misère, exclut et rend solitaires les plus faibles. Qu'aujourd'hui, des « travailleurs aux relations humaines » vivent dans des zones de misère à travers le monde, y décodant les messages, qu'un grand fonctionnaire d'une instance intergouvernementale puisse nous rappeler que des peuples entiers ne participent pas au concert des Nations unies, cela ne fait-il pas partie d'une étape nouvelle dans l'interrogation millénaire ? D'une étape où nous fit entrer le père Joseph Wresinski, comme, seul, pouvait le faire un homme venu lui-même de cette terre d'exclusion qu'il appelait l'au-delà de la pauvreté ?

Qui mieux que l'homme exclu peut dire le malheur de la non-communication ? Qui mieux que lui peut nous faire comprendre qu'elle n'est pas d'abord une affaire de moyens que ce soit le bouche à oreille des pays lointains ou le « e-mail » de nos sociétés de l'informatique, mais l'affaire de la volonté d'hommes convaincus que tout être humain, si pauvre soit-il, détient un message essentiel pour l'humanité ?

Pour l'homme d'un nouveau rapport au savoir que nous annonce Michel Serres, quelle plus belle promesse que celle de pouvoir désormais se porter responsable du partage de la plénitude de son humanité avec ceux qui peuvent à partir de leur dénuement, le plus lui en apprendre ?

1 Père Joseph Wresinski, Ecrits et paroles aux volontaires I, 1960-1967, p. 110, éd. Saint Paul – Quart monde, Luxembourg-Paris, 1992

1 Père Joseph Wresinski, Ecrits et paroles aux volontaires I, 1960-1967, p. 110, éd. Saint Paul – Quart monde, Luxembourg-Paris, 1992

CC BY-NC-ND