Atelier n°3 : Trouver des partenaires pour réussir à se loger...

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Atelier n°3 : Trouver des partenaires pour réussir à se loger... », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1989), mis en ligne le 07 avril 2010, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4472

Trouver des partenaires pour réussir à se loger, s’insérer dans un quartier et améliorer son logement

Animé par Jean Puymbroeck, Secrétaire Général du PACT de Lille

Index de mots-clés

Logement, Habitat, Sans-Abri

Avec la participation de :

Micha Andreieff, Chargé de Mission Com. Nat. pour le Développement Social des Quartiers.

Francine De La Gorce, Vice-pdte ATD Quart Monde. Pierrelaye.

Jean Aye, PréretraitéATD Quart Monde Saint-Maur.

Françoise Lefebvre, chargée de Mission Caisse National des Allocation Familiales. Paris.

Chantal Blanc, Médecin Responsable d’équipe. ATD Quart Monde Montpellier.

Hervé Lefort, Chef de Service à la Préfecture de Seine-St-Denis.

Michel de Coligny, Architecte. ATD Quart Monde  Créteil.

Anne Lequesne, Conseillère Economie Sociale et Familiale. ATD Quart Monde/Habitat Paris.

Suzanne Courouble Administratrice Association « La Familloise » (60).

Annie Lion, Secrétariat Général au Conseil National de l’Habitat Paris.

Jean-Marie Crabeil, Compagnons Bâtisseurs. Rennes.

Olivier Martinon, Secrétariat Général pour les Affaires régionales. Rhône-Alpes.

Gérard Fontaine, Directeur du PACT-ARIM des Côtes du Nord.

Paul-Etienne Perez, Administrateur PACT-ARIM. ATD Quart Monde, Angers.

Huguette Garsmeur, Assistante Sociale de secteur ATD Quart Monde. Lille.

Cécile Vorms.

Thérèse Potekov, Assistante sociale Centre d’Accueil du CAL-PACT de Roubaix.

Cécile Vorms, Resp Secrétariat Habitat. ATD Quart Monde, Paris.

Jean Van Puymbroeck

L’habitat est la face la plus visible de la pauvreté : il en est à la fois une cause et une conséquence. Jamais solution satisfaisante n’a été apportée au problème de l’habitat des plus pauvres, mais aujourd’hui, la situation devient dramatique : la crise économique fait basculer dans la pauvreté des familles qui étaient jusqu’alors fragiles, dont la précarité financière se transforme vite en précarité sociale. Une nouvelle génération d’exclus apparaît.

Simultanément le logement social est en crise : face à des difficultés financières importantes et à la paupérisation d’ensembles entiers de logements, les organismes de logement social éliminent de plus en plus les candidatures à risque. De même, les programmes d’amélioration des ensembles dégradés et de rééquilibrage des groupes d’habitation amènent les organismes à des politiques de peuplement tendant à écarter les familles candidates ou même en place selon des critères plus sélectifs.

Ce double mouvement de besoins croissants et de sélection de plus en plus dure, condamne des familles à l’instabilité de l’habitat, à l’errance.

Qui sont-elles ? Pour une part des familles en difficultés récentes qui ne sont pas encore trop marquées par la pauvreté : elles souhaitent en général se maintenir ou accéder au logement social. Pour une autre part, des familles depuis longtemps en situation de pauvreté qui portent des traces de leur histoire de précarité : elles ne sont pas toujours demandeurs de logement par crainte d’un rejet de leur candidature ou d’une proposition de logement qui ne corresponde ni à leur désir ni à leurs capacités. Il faut alors mettre en œuvre une solution d’habitat adapté. Enfin, des familles aux caractéristiques particulières, d’origine nomade, de ferrailleurs ou de clochards qui nécessitent des formes d’habitat particulièrement adaptées.

Des expériences intéressantes de relogement ont eu lieu sans rien changer au dispositif général, qui au contraire va en s’aggravant. Il est urgent de tirer un bilan de toutes les opérations menées, pour en extraire les acquis et déterminer une politique générale permettant d’assumer, en quantité et en qualité, le logement de tous et surtout des plus démunis.

Au PACT de Lille, la demande arrive tous azimuts : des familles directement, des collectivités locales, des travailleurs sociaux, des associations et récemment des organismes d’HLM, soit à la suite d’un refus d’une candidature, soit après un rejet en commission de contentieux. Les opérations sont menées par le PACT, en collaboration avec les organismes HLM, car il est important que les HLM ne se sentent pas déresponsabilisés du logement des plus démunis. Souvent la meilleure formule consiste à acquérir des logements anciens, individuels, en diffus pour l’insertion des familles en difficultés mais son efficacité est encore restreinte : le PACT seul acquiert 10 logements par an. Les HLM, avec une gestion personnalisée du PACT, 60 par an.

L’enjeu du dispositif consiste à ne pas séparer la création de la gestion des logements et l’accompagnement social, en particulier en bâtissant l’habitat adapté avec la participation des familles candidates : nous établissons d’abord une liste des besoins des familles et prospectons les logements vacants en fonction de ces besoins. Cette 1ère phase se fait tous partenaires confondus et les familles du quartier, candidates ou non, repèrent les logements vacants. Un premier tri des logements détectés est fait immédiatement (trop cher, trop petit, mal situé, trop mauvais état…) . Une deuxième sélection a lieu ensuite, étude de faisabilité à l’appui. L’organisme HLM négocie le prix d’acquisition, lance les appels d’offre et mobilise les financements. En 3ème étape, la commission d’orientation composée du PACT et des associations du quartier propose à l’organisme d’HLM le projet avec le nom du futur occupant.

Le PACT établit ensuite le programme des travaux. Il organise une ou plusieurs visites sur place avec la famille concernée, choisit avec elle les équipements et négocie sa participation éventuelle à la réalisation. Cette procédure permet de créer un habitat adapté qui implique le locataire dans les travaux et l’aménagement du logement, mais aussi dans le processus de création. Même si les familles ne participent pas, des visites régulières ont lieu avec elles sur place.

Bien d’autres opérations ont été imaginées avec les différents partenaires : le PACT assure la gestion personnalisée de 500 logements HLM pour des familles que les organismes n’accepteraient pas dans leur patrimoine.

Il gère aussi des logements préemptés par des collectivités locales pour des projets futurs et restant vacants des années. Il effectue des travaux de confort en fonction des demandes, attribue et gère au plus près des locataires.

Il loue également des logements sociaux dans le cadre du programme Pauvreté Précarité pour les sous-louer à des familles en difficulté, en exerçant une Action Socio-Éducative liée au logement, soit pour créer des relogements d’urgence permettant aux familles de rester dans leur quartier et garder leur réseau relationnel, soit pour reloger des familles refusées par les commissions d’attribution avec une action de suivi pendant un an. Les impayés non récupérables sont très faibles (1,5 %).

Enfin, il a repris en gestion, pour le relogement de groupes d’habitants d'un quartier insalubre, quatre cages d'escalier complètes dans un grand ensemble. Les occupants sont arrivés en se connaissant déjà, avec le désir d’habiter ensemble et de participer à une opération collective. Les impayés sont limités à 1,5 % ; les entrées sont bien tenues et la cohabitation se passe très bien.

Le dernier projet est la prise en location de logements privés pour les sous-louer à des familles soutenues par ATD Quart Monde. La ville de Lille garantit les loyers pour deux ans et finance des matériaux et même le salaire des habitants qui amélioreront leur logement avec l’appui technique du PACT.

Toutes ces solutions reposent sur la transparence et la négociation avec les différents partenaires et visent à responsabiliser les personnes intéressées.

Cependant, la croissance de la demande est telle qu’elle ne peut être satisfaite : le PACT seul n’est pas à l’échelle du problème et n’en a pas l’intention. Notre but est de montrer qu’il est possible de mettre en place des procédures adaptées à ce type de populations, de gérer différemment et de manière saine financièrement. Notre expérience prouve que personne n’est inlogeable, à condition de personnaliser d’autant plus les modalités que les difficultés sont plus grandes.

Débat :

Pour les personnes sans domicile, un centre d’hébergement n’est pas une solution de logement mais une transition possible. Celui du CAL-PACT de Roubaix est avant tout un milieu d’accueil, qui a la réputation de permettre de reprendre ses enfants ou de les garder sans mesure de placement. Il propose aux personnes et aux familles un soutien très fort pour retrouver leur identité et leur liberté et déployer au maximum leurs compétences. Elles s’approprient peu à peu leur chambre, les espaces collectifs du centre puis leur nouveau logement. Elles peuvent participer à l’aménagement de celui-ci, avec un salaire.

Notre choix est de prendre les plus pauvres parmi les pauvres pour prouver que si on y arrive avec eux, on y arrivera avec tous. Et pour pratiquement tous l’intégration se fait bien :  ils ne sont pas marqués dans le quartier ni les enfants à l’école. Ceux-ci sont mieux acceptés grâce au soutien scolaire : leurs aptitudes au savoir, qui ont pu se révéler, révèlent celles de leurs parents. On peut créer tout un cercle positif, inverser le cercle vicieux de la misère en voyant leurs capacités et non leurs manques.

Il faut du temps. Certains ont habité pendant un an une seule pièce d’un appartement de cinq, jusqu’au jour où croyant suffisamment en eux-mêmes, ils essayent d’atteindre les limites de leur espace ( Thérèse Potekov).

* Par rapport à la population démunie, la société a souvent tendance à vouloir traiter ce qu’on appelle des carences, alors que tout l’enjeu est de bâtir sur les points positifs, sur les dynamismes de gens. C’est le seul moyen d’avancer car on ne bâtit rien sur des carences (Jean Van Puymbroeck).

* Il faut aussi trouver des solutions pour le logement des isolés. Dans la région Nord, le problème s’est tout d’abord posé pour des étrangers avec les fermetures de garnis et hôtels meublés, puis aujourd’hui pour tous, en particulier avec l’augmentation du nombre des jeunes en rupture de famille. Ce sont en très grande majorité des hommes. Les hommes seuls errants, ça ne choque personne, or les petits logements pour personnes seules sont en nombre très insuffisant dans le parc social (Thérèse Potekov).

* Dans la région lyonnaise, nous avons créé en 1979 une petite association l’ALPIL, qui s’est préoccupée du logement des exclus, étrangers surtout, puis de plus en plus de Français et rencontre un vrai problème pour le logement des isolés. Les hôtels meublés avaient des défauts mais une fonction d’accueil essentielle. Pour maintenir les équilibres sociaux, il est nécessaire que chaque quartier garde ses populations difficiles et évite leur expulsion en banlieue (Olivier Martinon).

* Dans les quartiers, les isolés existent à part entière. Cependant dans les projets de réhabilitation par les HLM on ne peut les faire prendre en compte.(Huguette Garsmeur).

* En préparant le rapport Wresinski, on s’est rendu compte que, dans toute la France, il y a de plus en plus de jeunes en rupture de famille.

D’autre part, de tous temps, il y a toute une économie du milieu très pauvre, qui inclut l’hébergement des isolés. Séparer le logement des familles et celui des isolés n’a pas de sens. Personne ne semble choqué qu'un isolé soit errant, alors que beaucoup sont isolés parce qu’errants. Ils ont une famille, mais les hébergements séparés, l’errance, les placements d’enfants l’ont disloquée (Francine de la Gorce).

* Des montages sont tout à fait possibles, avec collaboration de la CNAF, pour des systèmes de co-location : prendre un loyer de type 5, attribuer une partie à chacun et calculer l’APL sur une fraction du loyer. Ça se fait dans le Nord , à Grenoble etc. … Nous avons un projet en cours actuellement avec des jeunes qui font les travaux sur leur futur logement (Jean Van Puymbroeck)

Quels sont les objectifs de la participation des personnes défavorisées aux travaux, comment peut-on l’organiser concrètement ?

Notre principal type d’intervention consiste à favoriser au maximum des travaux des locataires du secteur privé en habitat diffus : un des ouvriers d’entretien est spécialisé dans une forme de monitorat technique et responsable de la livraison des matériaux, des conseils d’exécution, de la vérification du déroulement. Un contrat est établi avec les gens : on évalue les travaux à faire, par exemple à un mois de travail, on paye un mois, ensuite ils se débrouillent pour le faire dans le temps qu’ils veulent.

Dans le cas des opérations « cages d’escalier », nous avons associé le club de prévention du quartier, qui a fait intervenir également des TUC, et créé ensemble un dynamisme collectif pour les papiers peints et peintures . Les TUC ont travaillé pour des mères célibataires avec de jeunes enfants et des personnes âgées qui avaient des difficultés à faire les travaux chez elles ; tous les locataires ont participé, pour un mois de différé de loyer, avec le support pédagogique du Club de prévention. Depuis Ce temps, l’image des jeunes et celle du quartier ont changé.

En troisième possibilité, nous avons créé à Fives notre propre structure de production qui a embauché des chômeurs du quartier selon des contrats de durée déterminée. L’équipe compte 7 à 8 salariés avec un animateur responsable, qui se porte candidat dans les appels d’offre, cherche d’autres marchés , évalue les travaux... Fin 86, cette structure s’équilibrait à 95 % de son prix de revient, le solde étant couvert par une subvention dans le cadre du programme Précarité-Pauvreté, aide de réinsertion à l’emploi.(Jean Van Puymbroeck).

* La transparence des projets vis-à-vis des familles est des familles est un objectif parfois difficile à maintenir : dans la cité de transit dont je monte le dossier, il y a déjà eu X projets et ça dure depuis des lustres. A la fois, je suis persuadé que la réhabilitation ne peut partir que des familles, de leurs souhaits et j’ai peur de les exposer à un nouvel échec…

* Cependant, en ayant  peur d’échouer avec elles, on finit permettre les familles pauvres dans une position telle qu’elles ne se mobilisent que dans des conditions dramatiques, des refus d’expulsions, des occupations de Mairies où, même si elles obtiennent gain de cause, elles se rendent très impopulaires, au lieu d’établir un vrai dialogue continu avec une ou plusieurs administrations à l’occasion d’un projet auquel elles réfléchissent et veulent collaborer (Francine de la Gorce)

* Si on porte un projet seul, on est seul à le défendre. Tandis qu’un projet bâti à plusieurs, avec les familles, a une force propre étonnante et obtient des résultats que les structures seules n’obtiendraient jamais. L’alternative est simple :ou bien on attend que le projet soit sûr d’aboutir, on propose aux familles un produit fini où elles n’ont rien à dire, avec le risque que cela ne convienne pas, ou bien on bâtit avec elles sans certitude, on prend le risque. C’est en fait le seul moyen (Jean Van Puymbroeck).

* Les opérations où les habitants participent à l’élaboration du projet sont extrêmement marginales actuellement et les architectes ne savent rien de leur vie ni des résultats de ce qu’ils construisent (Hubert de Coligny)

* Des architectes essayent de consulter les gens ; ils viennent à des réunions où chacun exprime des souhaits, mais s’en vont en méprisant ces suggestions et trouvent les gens bien exigeants (Huguette Garsmeur)

* C’est une question de motivation et de formation des architectes. La discussion avec les usagers les plus pauvres n’est pas du tout dans leur formation (Francine de la Gorce).

* Il faut que des architectes puissent mieux connaître la réalité des familles, mais au-delà d’une connaissance, il s’agit de pédagogie. A quoi bon passer d’un choix fait par des architectes qui ne connaissent pas le problème au choix d’architectes mieux informés mais qui décideront toujours selon leurs propres références et manières de faire ? (Jean Van Puymbroeck).

* La difficulté peut venir de ce que les familles qui ont très peu de moyens culturels ont de la peine à exprimer un projet qui soit définitif, parce qu’elles n’ont pas du tout l’habitude de réfléchir de cette manière et manquent de modèles de référence dans ce domaine (Cécile Vorms).

* Les gens savent ce qu’ils veulent : dans la cité de transit, l’analyse de ce que les gens ont fait chez eux depuis des années dit beaucoup de leurs objectifs, de leur imagination et de leur génie de bricoleurs, et en même temps combien ils sont démunis de savoirs et de savoir-faire. Ils ont une idée au départ mais se débrouillent avec des matériaux totalement inadéquats et des techniques incroyables pour arriver à un résultat. C’est vrai que le technicien de l’organisme logeur voit surtout un résultat dramatique.

D’autres familles en milieu rural, nous disaient « pourquoi une salle de bains, on a une bassine ? l’important c’est de faire des dalles parce que le plancher est pourri, on a peur de tomber dans la cave et il fait froid l’hiver. » (Paul Etienne Perez).

Une concertation par étapes

* Justement en milieu rural où on travaille beaucoup, il me semble que c’est assez évolutif. Des gens qui vivent à 5 dans 2 pièces sur sol en terre battue n’ont pas au départ une vision exacte de ce qu’ils veulent ; ils ont un désir qui évolue à mesure qu’on travaille avec eux et jusqu’à la fin du chantier (Jean Marie Crabeil).

* C’est exact : on voit chez les plus pauvres des intérieurs complètement nus, ce qui ne veut pas dire que les gens ne veuillent pas autre chose, mais ils n’ont aucune référence et parfois on les étiquette définitivement comme incapables de se servir d’un cinq pièces, ou d’une baignoire, on les fige définitivement dans un certain stade de la conception de leur habitat. A l’inverse, dans une cité, il suffit que quelqu’un prenne une initiative pour que l’on voit apparaître une série d’aménagements semblables (Francine de la Gorce).

* Et cela ne peut se diversifier que s’ils ont beaucoup de références (Michel de Coligny).

* Nous avons relogé une famille de gitans qui avaient dix enfants dans un autobus, du jour au lendemain dans un 7 pièces. Pendant longtemps, la nuit, tout le monde dormait dans la même pièce parce que les enfants étaient terrorisés d’avoir chacun un lit dans une chambre isolée. Dans la journée, ils remontaient les lits dans les différentes pièces pour que ça ne se repère pas. Puis progressivement, un désir s’est créé. Ils ont pris deux pièces, trois jusqu’au jour où ils ont eu suffisamment confiance en eux pour occuper tout l’espace. Le danger est qu’on leur donne une pièce en disant : puisque c’est ça qu’ils veulent il ne faut pas leur en donner plus. Il faut des étapes entre un autobus et un logement de sept pièces . Le relogement correspond à un moment d’évolution, qu’il ne faudrait surtout pas figer, mais le système français ne prévoit rien entre un logement insalubre et un produit complètement fini. Il faudrait des financements adaptés à une perspective d’aménagement progressif (Jean Van Puymbroeck).

* Dans le développement des quartiers, si on commence par mettre un coup de peinture et des éclairages sur un centre commercial, on met les commerçants en situation d’envisager la transformation de leur propre commerce alors que si on leur propose des modifications, ils ont peur. Quel que soit le degré de culture des gens, une amorce par étapes manifeste qu’on les prend en considération, et ensuite ils sont prêts à envisager d’autres solutions d’une simple amélioration. Dans les réhabilitations, un coup de peinture dans les cages d’escalier créé les conditions pour pouvoir ensuite réfléchir à des travaux plus sérieux (Micha Andreieff).

* De même avec les familles individuellement : on effectue d’abord une petite intervention pour pouvoir ensuite aborder les aménagements plus importants même s’ils paraissent plus urgents. Ce premier temps permet aux gens de croire qu’il va se passer quelque chose, les remobilise et les met en situation d’envisager autre chose (Jean Marie Crabeil).

Habiter, c’est s’insérer quelque part et y créer des réseaux

L’expérience de Lille donne envie d’apprendre commun susciter des collaborations, une concertation pour que tout un quartier soit partie prenante du logement des plus démunis (Cécile Vorms).

* Fives est un quartier assez homogène, avec toute une histoire de refus d’exclusion. Historiquement, un événement a servi de catalyseur : un projet de rénovation et de passage d’une voie rapide. Les intervenants sociaux, de la CAF en particulier, ont fait tout un travail pour que les associations du quartier (l’une de jeunes squatters un peu en marge de la société, la deuxième des riverains genre employés-cadres et la troisième plus populaire) se mobilisent ensemble et sensibilisent les opérateurs chargés du tracé routier sur l’objectif fondamental que les opérations n’excluent pas les éléments les plus défavorisés du quartier. A partir de là s’est approfondie une action collective de longue haleine qui se concrétise maintenant dans la recherche de relogements corrects et adaptés à chaque famille et le refus que même les hommes seuls ne soient exclus.

Le comité permanent de gestion et d’animation est devenu un lieu d’information, de négociation et de contre pouvoir. La concertation, a priori, était plutôt crainte par les responsables élus ou opérateurs, mais, expérience faite, tous la trouvent positive et souhaitent continuer (Huguette Garsmeur).

* La grande différence entre Lille et Montpellier, semble-t-il, c’est l’exclusion. Sur le projet de relogement des habitants de la cité de transit où il y a surtout des gitans, la transparence est impossible : les résistances sont telle qu’un premier projet de la mairie a été abandonné, un deuxième terrain n’a pu être acquis à cause des réactions des riverains et s’il y a maintenant un projet de construction en cours c’est dans le secret le plus absolu. La demande des familles, c’était un relogement par groupes familiaux dans quatre quartiers différents mais la Mairie, certaine de perdre les voix des quatre, a opté pour un projet unique. Comment peut-on obtenir l’accord des partenaires d’un quartier pour le relogement de familles très défavorisées ? (Chantal Blanc).

* Autant cela paraît possible, en travaillant avec les partenaires, de convaincre un quartier de ne pas accepter un projet préjudiciable aux plus défavorisés, autant il semble impossible de demander à un quartier de devenir la réceptacle des problèmes existants ailleurs (Jean Van Puymbroeck).

* A Bordeaux, dans un cas un peu comparable à Montpellier, le relogement de 17 familles, une conseillère municipale a fait du porte à porte dans tout le quartier pour demander aux gens ce qu’ils reprochaient  aux gitans et obtenir tout un changement des mentalités ; mais il faut de la ténacité et du courage politique (Francine de la Gorce)

* De l’expérience du développement social des quartiers ressort la demande, au delà de la réhabilitation des logements et des espaces publics, d’un changement d’image de marque des quartiers. Le gens demandent d’être connus pour autre chose que la réputation de leur quartier (Micha Andreiff).

* Il est important d’agir auprès des média pour faire respecter l’image des quartiers, exiger un droit de réponse au besoin. Tel est le rôle d’actions collectives de qualité comme le Son et Lumière de la Cité Brillat-Savarin à Paris (Francine de la Gorce).

* Il y a ainsi toute une expérience à diffuser pour que les partenaires n’aient pas peur de se lancer. La Fédération des PACT a édité  un recueil de fiches pratiques sur les procédures financières et techniques. Mais la façon de s’y prendre est plus intéressante encore que les moyens et il faudrait en imaginer une diffusion. En fait, toutes les actions innovantes se créent à la marge des procédures et progressivement la pratique fait que la loi doit suivre (Micha Andreiff).

Conclusions – Pour action

* multiplier les interventions sur le parc ancien, en concertation avec les HLM premiers responsables, mais aussi avec les collectivités locales.

* diversifier les capacités d’accueil pour tenir compte des demandes réelles des familles et des isolés.

* permettre aux ménages très démunis financièrement et culturellement de se familiariser à l’habitat, si possible en y participant activement.

* bâtir des projets et des concertations permanentes avec ces familles. Les aider à en acquérir les moyens (références, informations, langage et rencontres).

* inclure cette connaissance et cette pédagogie dans la formation des architectes.

* refuser d’améliorer un quartier en en excluant les personnes les plus défavorisées.

* créer des dynamiques de quartier dans cet esprit .

* valoriser tout ce qui peut contribuer à une image positive des quartiers.

* diffuser les expériences et méthodes d’action.

Rédaction de la Revue Quart Monde

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