Atelier n°5 : Soutenir et démultiplier les innovations...

Rédaction de la Revue Quart Monde

Citer cet article

Référence électronique

Rédaction de la Revue Quart Monde, « Atelier n°5 : Soutenir et démultiplier les innovations... », Revue Quart Monde [En ligne], Dossiers & Documents (1989), mis en ligne le 07 avril 2010, consulté le 19 mars 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4474

« Soutenir et démultiplier les innovations du secteur associatif Défricher de nouveaux terrains d’action pour les associations ». Animé par Claude Chigot, Directeur Adjoint de l’association « Logement pour Tous »

Index de mots-clés

Logement, Habitat, Sans-Abri

Avec la participation de :

Jean-Marie Anglade, ATD Quart Monde. Méry sur Oise (95).

Monique Massart, Présidente de l’association « Un toit pour tous ». ATD Quart Monde, Reims.

Dominique Armand, Compagnons Bâtisseurs. Compiègne.

Jean-Luc Penet, Délégué Régional ATD Quart Monde. Nord-Pas de Calais.

Marie-Claude Buffard, Volontaire ATD Quart Monde. Noisy-le-Grand.

Myriam Perez-Abanades, Assistante Sociale Centre Protestant. Montpellier.

Vincent Courouble, Directeur de l’association « La Familloise » (60).

Jacqueline Perrin, ATD Quart Monde. Nantes.

Pierre Demeret, Délégué CIMADE Ile de France. Massy Palaiseau.

Mireille Prono, Collectif Régional Innovation sociale. Provence Alpes Côte d'Azur.

Michel Lefebvre, Secrétaire Général EMMAUS. Pari.

Bernard Quaretta, Vice Président de la FNARS. Paris.

Elisabeth Relange, Urbaniste. ATD Quart Monde Cognac.

Jérôme Van Langermeersch, Médecin pédiatre. ATD Quart Monde. Lille.

Xavier André Richter. ATD Quart Monde Haguenau (68).

Claude Chigot

Logement pour Tous est une jeune association dans le prolongement d’EMMAÜS  HLM, qui agit actuellement à Paris et en proche banlieue pour essayer de trouver des réponses adaptées au problème des mal logés ou pas logés du tout. Sa spécificité est de créer des logements ou micro lieux de vie-habitat en visant toujours l’insertion grâce au logement, donc en évitant les ghettos. Le choix des habitants doit favoriser la encontre de différents milieux sociaux et groupes ethniques dans des réalisations de taille réduite.

Notre tâche consiste à acquérir des terrains et des immeubles et les aménager, pour créer des logements de qualité à proximité des stations de métro, destinés à des personnes à faibles ressources. Nos loyers de sortie sont légèrement en dessous du loyer HLM, avec APL. Cela nous a amenés à créer une agence immobilière spécialisée, avec des professionnels, pour être à la pointe de la recherche et de la rapidité à maîtriser les occasions.

Nous constatons, d’une part, que les grandes opérations de rénovation écartent les populations défavorisées au profit de créations de bureaux ou de logements coûteux et nous voulons obtenir le maintien dans le quartier de populations d’origine peu fortunée. La méthode de travail consiste à repérer le réseau social d’un secteur, à entrer en relation avec les familles en difficulté de ce secteur et leur proposer des relogements de qualité, en petites unités avec salles de réunion et lieux d’animation communautaire. Nous avons ainsi terminé 50 logements dans le 11ème arrondissement.

D’autres part, nous voyons de plus en plus de familles avec de jeunes enfants, en chambres meublées, insalubres, surpeuplées, ce qui nous a poussés à créer une chaîne d’hôtels meublés à vocation sociale proposant des chambres meublées pour, 1, 2 ou 3 ans, en attendant une autre solution. Ceci permet de développer un accompagnement social, un projet de travail, de formation etc... Notre objectif est la création de 600 chambres d’ici 1990.

« Logement pour Tous » propose aussi à des associations de louer des logements pour y faire de la promotion sociale. Les familles sont proposées par la Préfecture, les services sociaux ou des associations. Nous n’avons pour le moment pas de crédits pour l’accompagnement social.

Ce travail nécessite un concours à la fois politique ( Préfets, maires, CEE) et financier : fondation Abbé Pierre, mécénat et subventions, car il faut beaucoup d’argent et d’énergie. Malgré tout, les résultats ne sont pas à l’échelle des besoins toujours plus grands.

Débat :

« La Familloise » est une petite association loi 1901, fondée depuis 10 ans, qui emploie un salarié et demi, plus tout un réseau de soutien, pour prendre en charge des familles du milieu rural, en général propriétaires de maisons très inconfortables et dégradées. L’association propose de les réhabiliter avec elles. Nous avons ainsi aidé 150 familles en 10 ans avec lesquelles nous continuons un suivi amical. Les animateurs ont été formés par le PACT et les Compagnons Bâtisseurs et notre forme d’intervention répond bien au besoin à la fois d’améliorer son logement et de se promouvoir. Mais la difficulté est d’éclater : partout nous sentons d’autres demandes et l’association est restée à peu près unique (Vincent Courouble).

L’accompagnement personnalisé, en utilisant le support de choix qu’est le logement, est une piste très positive. Nous, associations, sommes souvent plus aptes à coller aux besoins car très près des personnes, plus souples que les structures et plus imaginatives. Mais il nous faut à tout prix sortir de l’anonymat, élargir, continuer d’innover, même à la limite de la légalité, et constituer en même temps un réseau relationnel et politique qui nous soutienne et veuille la reproduction de ce que nous innovons (Claude Chigot).

Un accompagnement patient

A Lille, nous avons trouvé indispensable de créer un groupe d’accueil pour soutenir les familles dans leurs démarches d’appropriation de leur habitat, de progression dans leur logement ; ceci n’empêche pas des échecs : on n’arrive pas toujours à sortir les familles d’une certaine inertie, même en étant très proche (Jérôme Van Langermersch).

C’est vrai. Je pense au relogement d’une famille d’une cité de Nanterre dans un 6 pièces. Depuis le début, elle vit dans des cartons, elle ressent le quartier comme hostile. Elle vient d’un quartier où elle faisait partie d’une communauté et aura certainement des difficultés à s’insérer, même à rester. Une personne fait le lien avec cette famille pour l’aider. Au début elle ne payait pas son loyer car elle n’en avait jamais eu. Petit à petit elle a mis 10 francs de côté dans une boîte à sucre jusqu’à régler ses 300 Francs par mois (Claude Chigot).

On doit non pas « faire pour » les gens mais « être avec » et c’est un investissement très important. Ne faudrait-il pas inventer des structures de solidarité ? des alliances proposant à des personnes relativement fortunées de s’engager pour que le relogement et l’insertion de telle famille réussissent, éventuellement de payer plus pour qu’elle paie moins ? une sorte de parrainage social ?

Dans la pratique, on ne peut avancer qu’en découvrant ce qu’il y a de positif dans ces familles et en le valorisant ( Elisabeth Relange).

La question est aussi celle d’un habitat correspondant aux besoins des personnes

Il y a un problème d’architecture, de promoteurs aussi. On va au suicide si on n’intéresse pas les promoteurs, les architectes, au projet. Il faut conceptualiser l’architecture pour que chacun puisse vivre dans les logements, diversifier les projets logements. C’est notre thème de recherche actuel à la FNARS. La concertation entre « techniciens » et « sociaux » est une nécessité absolue pour favoriser la création. Tout est affaire d’interdisciplinarité (Bernard Quaretta).

Architectes chez les Compagnons Bâtisseurs, en principe nous sommes à la fois très proches des personnes et compétents en tant que professionnels (Dominique Armand).

Au Petit Séminaire, cité PSR construite en 1960, et habitée par des familles d’origine maghrébine ou gitane, l’équipe des réhabilitation ne cherchait pas une promotion individualisée des familles mais la réhabilitation de toute une ambiance très difficile. Elle s’est appuyée dans l’action entreprise sur des personnages clés, chefs de clans, figures fortes de la population et a obtenu une motivation de tous les habitants pour l’entretien des espaces verts. Elle a créé une Régie de Quartier avec les jeunes, pour des travaux de peinture, de jardinage… Le résultat, au-delà de la réhabilitation du bâti  et de l’image du quartier, c’est la réhabilitation des personnes et des circuits sociaux (Mireille Prono).

Débloquer les accès au logement

En 1986, ATD Quart Monde a fondé l’association « Un toit pur tous » avec le plan pauvreté-précarité, pour aider des jeunes couples sans logement à démarrer. C’est un besoin absolument évident et apparemment bloqué. La plupart vivent en surpeuplement chez leurs parents ou dans des véhicules ou caravanes au pied de leur immeuble. Ils n’ont pas de revenu mais démarrent des stages ou apprentissages et sans logement, ils n’auront aucune possibilité d’emploi stable ni d’insertion.

L’association a passé des conventions avec 3 organismes d’HLM et leur propose une garantie de loyer sur 2 ans. Les couples sont locataires à part entière. Les HLM réclamaient un suivi social systématique que nous avons refusé, mais nous passons des conventions individuelles avec les jeunes couples : nous nous engageons à les aider à présenter leur demande et les soutenir et eux à dire leurs problèmes. L’association assure un relais avec les HLM (Monique Massart).

Le profil même des mal logés est critère d’exclusion : on prend à la rigueur des familles solvables ayant 2 ans de résidence sur la commune. Il faudrait arriver à faire tomber les critères de domiciliation. Notre recherche devant tous ces blocages s’est orientée vers les logements individuels privés, avec une convention à 3 partenaires : la ville, le PACT et ATD Quart Monde. Nous avons cherché également à réduire le montant des charges en associant les locataires aux travaux (Jean-Luc Penet).

C’est un domaine où, comme d’autres endroits en France, le Centre Social Protestant de Montpellier travaille beaucoup avec les centres d’hébergement, qui ont créé une mutuelle de relogement offrant une garantie de loyer et une caution, mais à des familles solvables avec un travail… Le Centre essaye de s’adapter aux besoins croissants, d’innover et gère un foyer pour hommes et un accueil temporaire en hôtel (Mireille Prono).

Dans l’Essonne, les Centres d'hébergement ont mis sur pied un Collectif pour le relogement, qui verse les cautions et se porte garant. Celui-ci a passé une convention avec la Préfecture pour 10 relogements par mois dans le contingent prioritaire de logements sociaux. La DDASS a débloqué 400 000 francs pour le fonds de garantie.

Le logement social est bien sûr une piste pour l’intégration sociale des plus démunis par le logement, mais les opérations de réhabilitation offrent une alternative, en profitant de la nouvelle donne de la décentralisation pour agir auprès du maire, des commissions d’attribution, du Conseil Départemental de l’Habitat etc… Les fonds départementaux d’aide aux impayés sont aussi un moyen intéressant à employer et promouvoir.

Nous, associations, avons une responsabilité de combativité

C’est ainsi que le « Collectif pour le droit au logement » a pu s’opposer à des expulsions (au moment de la démolition de l’îlot Chalon). Ces réseaux de résistance sont absolument nécessaires (Pierre Demeret)

Haguenau est une petite ville de 30 000 habitants où il y a 300 demandes d’HLM en attente. Notre rôle est de crier au scandale devant le manque de logement et susciter une politique dans ce domaine. Le maire dit « on relogera les familles dignes d’intérêt. » Pendant ce temps là 50 familles misérables vivent dans des conditions indécentes. Mais la municipalité a fait construire la piscine la plus moderne de France. C’est vraiment une question de choix politique (Frère Xavier André Richter).

A Aix en Provence, pour le logement des familles non logées, les associations ont créé un Collectif (Secours Populaire, Secours Catholique, ASTI, ATD Quart Monde …) associant la DDASS, la DDISS, la MSA. Celui-ci a présenté à l’adjoint au maire chargé du logement, et président de l’OPHLM, 99 dossiers de familles en grande difficulté : la moitié n’avait pas de salaire et pour certaines 10 ans de démarches n’avaient servi à rien. Puis le Collectif a rencontré l’OPAC et LOGIREM. Une grande négociation a abouti à une réponse négative pour les gens non solvables : pas d’accès au fonds de garantie des impayés, pas de caution, pas de logement. Sous notre impulsion, les familles elles-mêmes se sont alors constituées en association pour être partenaires et faire pression, prendre en charge leur propre relogement. Elles ont obtenu de l’OPAC d’abord 10 logements transitoires qui ouvrent l’accès à un logement définitif, puis un terrain cédé par l’hôpital psychiatrique pour construire 5 logements et elles n’ont pas l’intention de s’arrêter là. (Mireille Prono).

Nous avons toujours plusieurs combats à mener de front : la promotion sociale des familles, l’action de concertation et l’action inter-associations pour lesquelles il n’y a pas de moyens financiers. (Mireille Prono).

Il y a deux terrains de combat : le terrain institutionnel et celui du tissu social à refaire autour des plus pauvres : mettre les gens en œuvre, les dynamiser, travailler ensemble. Et on ne peut laisser de côté ni l’un ni l’autre sans passer à côté de notre rôle (Vincent Courouble).

Pour action

Toute personne doit avoir accès à un logement de qualité, sécurité fondamentale et facteur-chef de promotion insertion ;

Les personnes ont droit à un partenariat pour que leur relogement soit jumelé avec un accompagnement dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation et du travail, jusqu’à leur autonomie ;

Les moyens sont à chercher chez les personnes elles-mêmes qui sont capables de se dynamiser ;

Les associations ont un rôle de démonstration, en montant des projets-pilotes, de ce qu’il est possible de faire et de reproduire sur d’autres terrains avec tous les laissés pour compte ;

Elles ont aussi à évaluer les projets pilotes et à les faire connaître ;

Elles ont un rôle d’innovation, dans la mise en évidence de ceux qui sont laissés pour compte et dans l’invention de nouvelles méthodes de solidarité, de partenariat, d’action collective, pour que les plus démunis aient non seulement droit à un logement mais droit de cité ;

Elles ont une responsabilité de pression sur les pouvoirs publics, pour que les institutions remplissent leur fonction de loger les familles dans le parc ordinaire.

Rédaction de la Revue Quart Monde

Articles du même auteur

CC BY-NC-ND