Atelier n°4 : Quel partenariat des plus défavorisés avec les entreprises, les acteurs publics et les formateurs ?

Atelier animé par Madame Andrée Chazalette, déléguée Régionale du Fonds d’Action Sociale

Rédaction de la Revue Quart Monde

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Rédaction de la Revue Quart Monde, « Atelier n°4 : Quel partenariat des plus défavorisés avec les entreprises, les acteurs publics et les formateurs ? », Revue Quart Monde [Online], Dossiers & Documents (1992), Online since 07 June 2022, connection on 28 March 2024. URL : https://www.revue-quartmonde.org/4535

Interventions de Messieurs Philippe Jauffret du Mouvement ATD Quart Monde et Délégué Syndical ; Marc Suchon de la Société d’Enseignement Professionnel du Rhône (S.E.P.R.); et Jean-Paul Heliot – U.R.E.I.

Après un rapide tour de table, Madame Chazalette souligne la « révolution culturelle » nécessaire pour qu’intervienne la transformation profonde qui est un jeu.

Intervention de Monsieur Philippe Jauffret

Itinéraire de Ouardaia : de l’exclusion sociale au seuil du statut ouvrier.

Ouardaia est issue d’une famille algérienne mal vue, et connue de la police. Dès 16 ans, sachant à peine lire, elle chercher du travail. Elle connaît alors l’intérim, un accident du travail qui met fin à une mission avec des perspectives d’embauche, la maternité, le départ du père dès la naissance, la menace de placement de l’enfant, la difficulté de trouver un logement.

Après 23 années d’exclusion et de rejet, elle s’enfonce dans l’assistance. En 7 ans de vie professionnelle, elle a travaillé 15 mois et perdu ses acquis de l’école.

Un stage pour femmes seules soutiens de famille, puis un stage dans une entreprise locale la tire de sa déprime. Durant ce premier stage de 9 mois, elle est rémunérée, suit une formation parallèle et est accompagnée par un salarié de l’entreprise.

Travailleuse, elle est définitivement embauchée au bout de 2 ans malgré des absences et des maladies. Alors, elle s’implique de plus en plus dans l’entreprise (se syndique, entre dans le comité de rédaction du journal) malgré les difficultés qu’elle rencontre : débordement des problèmes familiaux ou de santé sur le travail, difficulté à comprendre les mécanismes d’une entreprise de 1 500 personnes, déception devant la qualité des rapports humains dans l’entreprise (qu’elle s’ingénie à améliorer), difficulté des rapports avec ses collègues ou ses chefs, liée à ce qu’elle a du mal à s’exprimer. Elle exige le respect pour elle et pour les plus faibles, a le souci que tout le monde soit traité sur un pied d’égalité. Elle arrive à une formation, à une évolution professionnelle, à un vrai métier. La qualification est un moyen de plus s’investir dans son travail, d’y prendre plus d’initiative, d’y avoir plus de liberté. Pour se motiver, elle a besoin d’être fière de son travail personnel et de la production collective.

Si Ouardaia a rejoint le monde du travail, elle n’y est pas encore complètement intégrée : il faut que le monde du travail aille au-devant d’elle. Elle nous indique le parcours :

- la fraternité, pour accueillir tous les nouveaux arrivants ;

- la liberté pour chacun d’évoluer dans ses connaissances et son travail ;

- l’égalité qui en découle, car chacun devient utile, et n’est plus assisté de ce fait.

Intervention de Monsieur Marc Suchon - S. E. P. R

Les conditions d’un partenariat efficace entreprise-organisme de formation-apprenants

La S.E.P.R. est responsable de la formation dans le cadre de l’action expérimentale « Contre l'exclusion, une qualification. »

La formation proposée aux 75 personnes en situation de grande précarité obéit au principe de l’alternance Entreprise-Centre de Formation. Depuis 18 mois que nous travaillons, nous pouvons dégager quelques mot-clés :

Partenariat : relation égalitaire entre les différents acteurs – entreprise, stagiaire, organisme de formation.

Contrat : dans un contrat établi entre les trois partenaires doivent apparaître les objectifs à atteindre : diplôme, mise à niveau, adaptation à un poste de travail ; le contenu de la formation ; sa progression et son rythme ; un mode d’évaluation. Avant tout contrat, une phase d’observation doit intervenir, intermédiaire entre la situation d’exclusion et l’enclenchement du processus de formation.

Accueil : la qualité de l’accueil tant en entreprise qu’en Centre de Formation détermine largement le bon démarrage. Pour que l’alternance proposée soit valable, elle doit être porté par les trois acteurs de la formation. Pour l’entreprise, il est urgent de développer la fonction d’accueil.

Le tutorat : avec un statut, une formation psychologique, pédagogique, économique, législative et des moyens matériels (indemnisation du temps de travail du tuteur pour cette activité connexe à celle de production.)

L’accompagnement : un accompagnement important permet de bien suivre l’évolution du stagiaire. Des outils de liaison entre les trois partenaires sont à utiliser. Le support écrit est indispensable et sa formalisation nécessaire pour favoriser la synthèse.

Tout ceci repose sur la confiance que les acteurs auront les uns envers les autres pour générer des droits à la formation pour les exclus.

Intervention de Monsieur Jean-Claude Heliot – U. R. E. I

Le partenariat est un mot à utiliser avec précaution : c’est une participation des personnes défavorisées à leur propre insertion, une participation de l’entreprise pour s’ouvrir aux personnes en difficulté, une participation des acteurs publics dans le soutien des actions.

Quel partenariat rechercher ?

- Solidité de la structure d’insertion ;

- Emploi jusqu’à l’insertion dans une entreprise « normale » ;

- Formation pour obtenir une compétence exploitable.

Pour y parvenir, il faut :

* Pour les personnes en difficulté,

- L’adhésion au projet : l’autonomie, même si elle est suscitée et soutenue, est indispensable. Elle est favorisée par la reconnaissance par le statut (trouver sa place et se repérer dans ce micro-organisme qu’est l’entreprise) et la perspective d’un avenir (possibilité entrevue de la transformation d’un présent en avenir à court, puis à moyen terme).

- Soutenir la participation : l’hébergement, la santé peuvent être des obstacles à la poursuite du projet.

Pour faire face, il est nécessaire de s’organiser.

- à l’intérieur : importance de l’équipe de travail avec un élément stable ayant des qualités professionnelles et humaines.

- à l’extérieur : par le développement de l’entreprise d’insertion pour emporter l’adhésion des personnes qui la constituent.

* Pour les entreprises,

Pour ouvrir les portes des entreprises à ceux qui les ont vues se fermer pour eux, il ne faut pas crisper les entreprises, mais leur donner envie d’établir des liens jusqu’à ce qu’un partenariat s’instaure. Pour cela nous avons utilisé trois stratégies :

1) affirmer une compétence dans un secteur professionnel faiblement investi et se faire reconnaître (exemple des travaux forestiers) ;

2) affirmer une technicité et une capacité à former des personnes répondant aux besoins des entreprises dans un secteur fortement investi (exemple du secteur paysagiste) ;

3) investir des marchés nouveaux et porteurs (exemple du secteur environnement).

Débat

Pour chacun des trois partenaires de la formation à savoir : le stagiaire, l’entreprise et l’organisme de formation, sont demandés trois objectifs : le projet, l’adhésion à ce projet et son évaluation.

* Pour les entreprises :

Un travail en amont doit être pour ne plus survaloriser les diplômes requis, mais parler en termes de compétences et savoir les reconnaître. L’entreprise cherche à améliorer son image sociale et favorise l’insertion dans son sein pour soigner son image de marque. Cette démarche entraîne l’adhésion de son personnel.

Les entreprises sont demandeuses de cette approche différente des individus mais auraient tendance maintenant à demander aux entreprises d’insertion de faire de la prospective pour leurs besoins futurs et de former les personnels en conséquence. La richesse d’une entreprise vient des individus qui la composent. L’arrivée de gens différents qui vont favoriser le partage du savoir dans l’entreprise lui est profitable. Les entreprises ont du travail à faire pour se mettre au service des 2,5 millions de chômeurs.

* Pour les organismes de formation :

La formation semble contraire au partenariat car le rapport enseignant/enseigné est un rapport dominateur. Au contact des personnes en difficulté s’établit un échange plein de richesse. Comment évaluer ce transfert à contre courant ? Quels outils ?

* Pour les stagiaires :

Chaque individu a besoin d’être reconnu pour ce qu’il est et non catalogué dans une catégorie qui l’enferme. En négociant avec les différents partenaires pour établir son projet, le stagiaire adhère à celui-ci. Ainsi est démontrée la croyance dans les possibilités de l’homme.

On parle surtout d’insertion professionnelle, mais le plus important, même dans un emploi non productif, c’est de retrouver sa place dans la société.

* Développer le tutorat :

L’environnement est très important pour réussir une bonne insertion. Par exemple, dans les agences bancaires, le personnel n’est ni équipé, ni formé pour faire un premier accueil de qualité auprès des personnes en grande difficulté.

Les résultats de la formation sont difficilement chiffrables à court terme. Un échec peut être un déclic pour un autre démarrage plus tard.

Les travailleurs sociaux son t des partenaires privilégiés qui assurent le suivi dans le temps.

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